C'est un de ses anciens élèves qui a initié cet ouvrage,
Eduardo Castillo, il a tellement bien fait !
Michelle Perrot est une jeune vieille dame. En écrivant ce petit livre (avec humour je dirais le féminisme pour les Nuls) elle fait un flashback sur ses engagements tout au long de son parcours d'historienne. D'abord (dans les années 40) bien installée dans le moule créé par les hommes, et engagée surtout dans les mouvements sociétaux puis progressivement, elle s'ouvre, jusqu'à se plonger corps et âme dans le creuset féministe. Elle crée en 1973 un cours sur l'histoire des femmes avec deux historiennes, puis en 1975, elle fonde un groupe d'études féministes avec une collègue, et de fil en aiguille, elle accueillera nombre personnalités du MLF. Ensuite, elle animera différents séminaires sur l'histoire des femmes. Elle est tombée dans le bain. Elle a toujours voulu se considérer comme une historienne et féministe écrivant sur les femmes et non comme une historienne féministe. Elle est d'autre part pionnière en France concernant la prise en compte des différences (différence de peau, de classe sociale, de niveau culturel) ce qu'on appelle maintenant l'intersectionnalité.
Si je n'ai pas appris grand-chose dans son petit livre, j'ai quand même apprécié ce tour d'horizon en accéléré, cette vue panoramique à 360°. Mais surtout j'ai beaucoup aimé ses remises en question, ses hésitations, son honnêteté. Par exemple, au sujet du voile. Elle reconnait maintenant que si, au début de la polémique du voile, elle était farouchement pour la loi d'exclusion, elle serait plus nuancée maintenant, y faisant entrer justement la différence culturelle. Je pourrais lui faire remarquer qu'au moment où en France les filles veulent se mettre un voile, en Iran, elles meurent pour l'enlever.
Et ça fait toujours du bien de se remémorer toutes ces figures du féminisme, et il y en a eu quand même, et des meilleures !
Je terminerai par une de ces mises en réflexion : « Se soumettre c'est accepter d'être dominé. Une femme endure d'être dominée jusqu'au moment où elle refuse d'accepter ce traitement. » Ou « être féministe c'est prendre conscience de la hiérarchie entre les sexes, un déséquilibre ancien qui perdure malgré l'évolution des moeurs, à laquelle les femmes ont évidemment contribué. » Et encore : « les seuils de tolérance ont changé. Pourquoi ce qui a été accepté pendant des décennies devient inacceptable ? »
Il y a encore beaucoup de boulot : j'en veux pour preuve, les reculs sur l'avortement, les freins sur l'homosexualité, les pinaillages sur l'écriture inclusive ou les noms de métiers.
J'ai beaucoup aimé son travail, rigoureux, synthétique, loin de tout prosélytisme. Une grande dame.