[...] chacun a une limite à son endurance, à sa patience, un seuil à sa douleur. On ne sait jamais quel chagrin, quelle perte ou quelle indignation pousse quelqu’un dans le précipice. Cela prend parfois par surprise, lorsque le désespoir l’emporte. Personne n’est immunisé [...]
Le danger que tout savoir recèle en lui-même l’avait toujours fasciné, même quand il était obligé d’aborder des sujets douloureux, d’arracher des secrets ou de raviver des blessures.
Il alla voir les patients qu’il avait visités et leur demanda à quelles heures précises le médecin était arrivé et reparti. Les réponses furent décevantes. Les souvenirs étaient brouillés par la souffrance, les jours confondus, rythmés par les prises de médicaments, les repas, les visites, le sommeil. Le temps n’avait plus grande signification. Quelle importance que le médecin soit venu à huit heures ou à neuf, le lundi ou le mardi de cette semaine, ou n’était-ce pas la semaine dernière ?
Si l’amour dure toujours, on ne place pas ses propres besoins avant ceux de l’être aimé. C’est affaire de devoir moral, pas d’appétit. C’est peut-être plus fort qu’eux, je ne sais pas, mais si ça les empêche de sacrifier leurs propres désirs dans l’intérêt d’autrui, ça les dépouille de leur honneur et ça détruit l’amour. Ce n’est pas une simple question d’affection, mais de volonté altruiste.
Quand on ne peut pas payer ses dettes, on ne devrait pas jouer.
On peut tuer un gagnant, remarquez ! Gagner un peu, ça encourage les autres joueurs, gagner trop, ça revient cher.
Nous avons peut-être tous en nous une soif, un désir ardent semblable... Mais quand nous aimons nous apprenons à en modifier l’objet. Je suis allée en Crimée pour soigner les blessés, mais aussi pour l’aventure. C’est tellement agréable de se sentir vivre pleinement, même si cette vie comporte sa part d’horreur, de fureur et de chagrin. Ne pas avoir vécu est la pire des morts.
Au début, c’était juste un jeu excitant, puis quand elle s’est mise à gagner, ça l’a enivrée. Elle a continué, même quand elle a commencé à perdre. On croit toujours que la prochaine fois, on se refera. Cela n’a rien de rationnel. À la fin, on ne pense qu’à une chose : rejouer, tenter sa chance, ressentir l’excitation, le cœur battre tandis qu’on attend sa carte… ou la façon dont les dés vont rouler, peu importe.
Être aimée, entretenue et protégée ne suffit pas toujours. Il faut parfois se sentir utile, appréciée, indispensable.
L’argent n’était qu’une distraction ; gagner ou perdre selon les caprices des dés était ridicule !