En temps de guerre, on n'a pas le droit d'être neutre. Il faut prendre parti, on ne peut pas demeurer les bras croisés dans le no man's land d'où toute belle chose a été arrachée, dévastée et soigneusement niée.
La nuit transforme la banalité des murs en ombres angoissantes. J'ai l'impression que des blocs d'obscurité pulsent lentement.
S'il m'arrivait quoi que ce soit, si je mourrais de froid - par exemple -, mon père et ma mère seraient obligés d'être tristes et de reconnaître leurs erreurs.
De loin, je vois apparaître mon immeuble, c'est le plus haut. Une fusée qui n'est jamais parvenue à décoller.
Là-haut, toujours, dans leur splendide indifférence, les étoiles roulent lentement.
Pour tenir une conversation sur un sujet inintéressant, il faut un certain talent que je n'ai pas.
Laisser les étoiles m'emporter dans leur grand silence.
J'aurais préféré ne rien savoir et je n'ai pas osé le dire à mon père. J'avais en tête toutes les paroles que nous avions échangées : des mots inutiles, des mots de tous les jours que nous lancions sans savoir que la source des mots peut se tarir, que nous avions gaspillé nos dernières réserves et qu'un jour nous nous retrouverions l'un face à l'autre sans un mot en poche pour lancer une conversation.
La nuit est froide, glaciale, ma respiration me brûle les narines. Les réverbères jaunissent la route. Le ciel, tout là-haut, m'attend, magnifique, scintillant, il lutte à armes inégales contre les lueurs de la ville. Là où je vais, le ciel gagnera le bras de fer, il étincellera pour moi seul. Je pédale vite, j'ai rendez-vous avec les étoiles pendant que ma mère dort artificiellement, pendant que mon père fait je ne sais quoi, pendant que le reste de l'humanité regarde la télévision, ouvre des pages sur Internet ou s'occupe comme il peut.
On projette partout notre modèle, on imagine que la vie nous ressemblera. Même dans les films de science-fiction, les aliens hostiles ou amicaux ont une tête, un torse, deux bras, deux jambes. Parfois, quand ils sont dangereux, les gars des effets spéciaux leur rajoutent une queue et des griffes. La vie, ailleurs, ce sont des virus minuscules ou des choses que l'on ne parvient même pas à imaginer.
Des choses différents, surtout. Allez partager cette idée avec des types qui veulent juste savoir si Marseille gagnera le championnat de France cette année.