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3,65

sur 103 notes
°°° Rentrée littéraire 2019 #9 °°°

Presqu'île de Kamtchatka, aux confins de l'Extrême-Orient russe.

Le roman s'ouvre sur l'enlèvement de deux soeurs, onze et huit ans, un jour d'été, au bord d'une baie. Début classique pour un polar ou un thriller où le lecteur suivrait classiquement enquêteur, victime et criminel ... sauf que Julia Phillips est partie dans une toute autre direction. Ce n'est pas l'enquête ni sa résolution ( même s'il y en a une ) qui l'intéressent. Non, ce qui l'anime, c'est de parler des femmes du Kamchatka, de leur condition au sein d'une société en plein bouleversement : de l'isolement total durant la guerre froide, jusqu'à la lente ouverture actuelle qui enflamme et aggrave les tensions et les peurs endormies. L'auteure a vécu plus d'une année au Kamchatka, et on sent à travers ses mots la parfaite connaissance qu'elle en a .

La temporalité du roman court sur une année, chaque chapitre sur un mois, un mois pour mettre en scène un personnage féminin différent, touché directement ou très indirectement par la disparition des fillettes, comme un bruit de fond. Julia Phillips rend compte avec finesse et sensibilité du poids du patriarcat, du sexisme ordinaire, des relations familiales et amoureuses qui pèsent sur l'émancipation féminine, du racisme à l'égard des populations indigènes évènes ( peuple nomade de Sibérie vivant d'élevage des rennes et de chasse, la problématique est très proche du vécu douloureux des Amérindiens en Amérique du Nord ).

Chaque chapitre chante d'une voix claire et subtile les tragédies mineures ou majeures de la femme qui est en son coeur, comme un singulier huis clos au coeur du décor grandiose du Kamchatka. Celle qui m'a le plus touchée est Ksyusha, fille d'un éleveur évène, étudiante réservée et sérieuse, sous la coupe d'un petit ami blanc, elle se révèle à elle-même en tombant amoureuse d'un jeune autochtone comme elle, plus doux. Cette dizaine de portraits féminins - jeunes filles, mères, épouses, blanches, autochtones – finissent par résonner les uns avec les autres comme une ronde sororale , jusqu'à ne plus former qu'un seule femme, inscrite dans la société russe du Kamchatka. Au final la femme dans toute son universalité.

Et c'est là toute la prouesse narrative de Julia Phillips que de nous plonger dans les expériences émotionnelles de ces femmes entre douleurs et espoirs tout en faisant converger les indices parcimonieusement disséminés dans chaque chapitre jusqu'à une résolution. Lorsqu'elle arrive, franche et claire, dans les deux derniers chapitres, j'en ai été presque déconcertée tellement j'ai été hypnotisée par ces voix féminines.

Un premier roman puissant, sous tension douce, nimbé de mystères, peuplé de femmes inoubliables, déployé dans le décor inédit du Kamtchatka. La comparaison avec Laura Kasischke ( une de mes auteures préférées ), proposée aux Etats-Unis, me semble totalement justifiée.
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La lecture de Dégels est quelque peu déconcertante. Au début on ne sait pas trop comment lire ce roman : si le premier chapitre pose les prémices d'un thriller classique avec la disparition de deux petites filles, ce n'est qu'une simple illusion. Au lieu de guider l'intrigue vers un dénouement, Julia Philips opère un décentrement avec une succession de portraits de femmes sans lien apparent, si ce n'est que tous les parcours abordés indépendamment des uns des autres se cristallisent autour des mêmes sentiments de défaite sans fin, de frustrations et d'impuissance. Prisonnières d'une vie décevante, abandonnées ou en proie à l'échec, ces femmes remettent aux lecteurs et lectrices leur intimité la plus secrète, la plus sombre faisant presque disparaître la tragédie au coeur de ce livre.

Il faut progresser patiemment dans la lecture pour retomber sur la disparition inquiétante et ressentir ce qui ressemble à une volonté chez l'auteure de mettre en oeuvre un tissage immatériel entre ces femmes et les petites disparues, montrer toutes les violences faites aux femmes, du saccage de l'enfance à l'aliénation familiale. L'auteure américaine n'a pas élu un personnage central en lui laissant le monopole de la parole, et c'est là véritablement la force de ce roman. En sinuant à travers leurs regards croisés, elle donne une vibration permanente à la problématique de la condition féminine dans un cadre géographique spécifique qui ne manque pas de distiller ses ambiances post-soviétiques et ses rigueurs froides, le Kamtchatka. Région implacable reliée au continent russe par une mince bande de terre difficilement accessible ou offrant peu d'échappatoire, la péninsule ayant été une zone militaire fermée jusqu'au début des années 90.
Toutes les caractéristiques de cette région isolée, bien plus éloignée de Moscou que par la simple distance au regard des frontières sociales, culturelles et ethniques invisibles mais puissamment ressenties sont finement restituées par Julia Philips. Elles constituent le cadre idoine pour des formes variables de tragédie. de là à prêter à la romancière l'intention de tracer dans un même mouvement le portrait de ses personnages et de la région extrême-orientale...c'est le glissement auquel s'expose ce roman profondément féministe dans sa voix et ses thèmes.
Il reste que j'ai aimé cette constellation intensément désenchantée même si, le temps de bien assimiler la structure du bouquin, le plaisir a été rétrospectif, du moins pas immédiat.
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Ce qui frappe au coeur de ce roman c'est le décor: les rivages lointains de cette région perdue au fin fond de la Russie , Esso, le plus beau village de la péninsule du Kamtchatka—- à neuf heures d'avion de Moscou—— , ses cabanes en rondins sculptés et son air de la montagne, frais comme une pomme, mais aussi la ville de Petropavlosk- kamchatsky , aux immeubles d'habitation soviétiques de quatre étages , recouverts de béton aux motifs en patchwork, des charpentes en bois de maisons effondrées , un pays sauvage où il faisait très chaud en août et où le centre - ville sentait bon le sel, le sucre , l'huile et la levure.
Là - bas en été , autrefois ,les lacs grouillaient de saumons , des ours éventraient les poissons et éparpillaient leurs oeufs rouges et luisants sur la grève ….
Ce qui frappe aussi , c'est la construction originale : courts chapitres qui nous font découvrir les espoirs , la vie , les rêves de dix femmes , leur quotidien , amours contrariées , lucidité , rêves souvent avortés sur une année à tel point que le lecteur se demande si c'est un thriller :car le roman s'ouvre sur l'enlèvement et la disparition de deux petites filles de onze et huit ans. ,Alyona et Sophia , leur mère : Marina déchirée , anéantie.

Que s'est - il passé et pourquoi toutes ces femmes différentes qui ne se connaissent pas nécessairement mais qui ont toutes à voir , leur destin plus ou moins liés ?
Les petites disparues sont dans l'esprit de chacune ,celle que j'ai préféré est sans aucun doute Ksyyusha, une pure Évène, avec l'ossature large , les yeux bridés, les sourcils presque inexistants et le nez retroussé ,le visage indigène ou presque et sa cousine Alisa .

Ksyusha , fille d'éleveur Évène, parcourait les plaines auprès de ses parents et leur camp d'élevage l'été - le camp d'élevage — qui puait — fumée , viande , moisi, c'était une étudiante sérieuse , attentive , réservée , sous la coupe de son ami blanc …..elle venait juste de commencer la fac lorsqu'une première fille Lilia disparut , trois ans avant les deux petites filles.

Chacun se demandait si elle ne s'était pas enfuie ….

Magnifique roman choral, imprégné des voix de toutes ces femmes , l'auteure avec finesse , doigté , sensibilité , dévoile dans ce décor inoubliable, les tensions familiales et raciales : femmes de toutes origines russes et indigènes Evènes , Koriaks, Itelmènes ou Tchouktches …

Toutes en quête d'une vie meilleure et aussi les tensions et incompréhensions entre générations .

On apprend à connaître le peuple Événe, l'auteure mêle suspense et approche ethnologique .
C'est un huit - clos prenant , intense , tendu , émouvant , parfois effrayant ,romanesque ,partant sur les bases d'un polar , au coeur de ce pays sauvage avec ours , glace, cabanes, fresques soviétiques, filets de pêche à repriser ,,thé de l'après - midi, vodka, vagues et souffle de l'océan , rennes et toundra , mais où l'émotion et la découverte prennent le dessus , un peu à la Laura- Kasischke
Un premier roman étonnant de maitrise !:Thriller ou pas?

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Un jour du mois d'août, alors qu'elles sont parties se promener toutes seules, deux fillettes disparaissent au bord du Kamtchatka, péninsule russe quasiment inaccessible, terre sauvage et inhospitalière.

Le drame n'en finira d'avoir un impact sur les habitants de ce secteur, et notamment sur douze personnages féminins liées plus ou moins directement à l'affaire. Toutes ces femmes liées d'une manière ou d'une autre, et les deux petites disparues sont toutes présentes dans leur discours et au cours des 12 mois suivant la disparition des fillettes vont livrer une part de leur mystère.

Raconté à douze voix, une par mois de l'année le premier roman Julia Phillips éblouit par sa construction et également par la façon dont la romancière qui a vécu un an au Kamtchatka réussit à rendre compte de cette l'atmosphère particulier de cet endroit perdu aux confins du monde.

On apprend à connaitre le peuple Évène qui habite dans cette région et Phillips parvient à mélanger approche ethnologique en nous montrant comment on peut vivre au Kamtchatka, de nos jours et la dimension du thriller liée à la disparition d'enfants au cours d'un huis clos prenant et intense.

Mine de rien, le récit raconte pas mal de chose sur la violence patriarcale, la charge mentale qui incombe aux femmes et l'impossibilité de faire le deuil.

Une tragédie à la fois noire et glacée pour un des grands premiers romans étrangers de la dernière rentrée littéraire.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Un thriller pas comme les autres ! Par son cadre, d'abord, le Kamtchatka, une péninsule devenue perméable à l'immigration des non russes. Julia Philips a pris les codes du genre et les a faits tous exploser. le criminel ? On ne sait pas rien de lui. Il a le profil du marginal, mais l'auteure ne s'étend pas sur sa psyché, en cherchant à comprendre, par exemple, en quoi une enfance malheureuse aurait pu le mener au crime le plus odieux. Les enquêteurs ? Une bande d'incapables dont les hésitations coupables et les incompétences sont aussi révoltantes qu'incompréhensibles. Les victimes ? Là encore, on a peu d'informations. le mobile ? Totalement inconnu ! le dénouement et la scène finale ? D'une désarmante discrétion. Alors de quoi ça parle ? de la manière dont les cercles (1°famille, 2°proches, 3°habitants du coin) absorbent le choc de la disparition de deux fillettes. Chaque chapitre est un mois de l'année, dédié à l'un de ces cercles – ce qui en fait un roman choral. Plus le temps passe, et plus on découvre à quel point cette affaire non élucidée a perturbé le quotidien de chacun, à en devenir obsédante, pathologique. La plus grande qualité de ce roman est aussi son défaut : la multitude des personnages impliqués. Chaque chapitre est presqu'un nouveau livre, ce qui demande un gros effort de concentration. On s'y perd un peu et puis, à partir de la page 250, accélération, la trame, avec tous ses fils tendus, se resserre, jusqu'à l'apothéose finale qui m'a prise de cours. Malgré quelques longueurs, c'est un thriller inattendu que vous n'oublierez pas de sitôt !
Bilan : 🌹
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Un premier roman plutôt original dans sa construction : nous sommes au Kamtchatka alors que deux jeunes filles sont enlevées. Sur une année nous allons suivre une dizaine de femmes autour de cette affaire, qu'elles soient plus ou moins concernées. Pas toujours facile de s'y retrouver dans les nombreux personnages ( dont les prénoms se finissent souvent par un "a") mais heureusement on finit par repérer tous les liens entre eux ( avec quelques retours en arrière parfois). Et c'est là qu'on se dit que ce bouquin est superbement écrit jusqu'au final. Et puis ce décor, peu connu, avec ses peuples différents aux traditions marquées, ajoute à l'exotisme. On a envie de le relire une fois la fin arrivée pour repérer tous les détails et revoir certains personnages à la lumière de la conclusion. J'ai passé un très bon moment !
Challenge Mauvais genres 2021
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Magnifique roman choral, que je referme imprégnée de ces destins de femmes et de ce territoire qu'est le Kamtchatka, situé dans l'Extrême-Orient russe.  Deux petites filles vivant à Pétropavlosk disparaissent;  en déambulation dans la ville comme tous les jours où leur mère travaille, elles aident un homme s'étant foulé la cheville à regagner son véhicule, qui leur offre de les raccompagner chez elles, ce qui aura des conséquences funestes.  Une femme, qui les reconnait lorsque leur disparition est télévisée, se présente comme témoin de la scène, mais ses descriptions sont trop générales et n'aident pas aux recherches.  La police, de son côté, conclut à une noyade, faisant peu d'efforts pour maintenir le dossier actif.  Chaque chapitre, un nouveau mois de l'année suivant la disparition des soeurs Golosovskaya, se concentre sur un personnage féminin, touché de près ou de loin par l'événement, ce qui finit par créer une fresque - la fille de, la femme de, la soeur de, la petite amie de… -, qui nous place en quelque sorte dans le rôle de l'enquêteur, et de cette interconnectivité, des liens se créeront, qui mènerons au développement final.  Posant un regard ethnologique, Julia Phillips développe autour des tensions familiales et raciales que vivent ces femmes, qui sont en quête d'une vie meilleure pour elles et leurs enfants, femmes de toutes origines (russes et indigènes) et classes sociales, dans cette ère post-soviétique où les frontières ont été ouvertes, non sans tensions. Une façon originale de réinventer la forme du roman policier.
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Une atmosphère toute particulière pour ce roman, huis-clos sur la péninsule du Kamtchatka à l'extrémité orientale de la Russie.
A neuf mille kilomètres de Moscou, un endroit du monde entouré d'histoires et de légendes, peuplé de différentes ethnies, notamment les Evènes et les Koriaks, peuples nomades.
« Péninsule de feu et de glace ».
Une lecture glaciale et troublante.

Au bord du rivage, deux petites filles disparaissent ….

Un mystère qui se dévoile peu à peu, au fil des mois passés à découvrir la vie - amours, secrets et failles - de plusieurs femmes pour trouver le lien (plus ou moins évident) avec ce qu'il s'est réellement passé. Mais le saura-t-on ?
Un malaise qui s'installe et s'impose, grandissant.

Une sensation de trouble – le besoin de fuite et d'évasion des personnages de leur milieu oppressant, lourds du poids des secrets, des rumeurs, des jugements portés.
Le passé historique et politique ressort également avec toute sa complexité.

Culture et modes de vie des différentes communautés – Psychologie des personnages –

Une opacité dans le récit qui éveille soupçons et malaises ; figé dans les séquelles d'un passé difficile incitant à la méfiance.

« Nous célébrons ce Nurgenek (…) Formons un cercle pour rendre hommage au soleil du solstice (…) le son des tambours enfla (…) le soleil ancien meurt, et le nouveau est créé. Les portes du monde de l'esprit s'ouvrent (…)
Tenez bien votre souhait en vous rendant vers l'autre feu. Vous allez marcher entre ces deux mondes. »
*
Original et dépaysant, pourtant j'ai eu du mal à m'accrocher au cheminement de ce roman.
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Nous sommes dans le Kamtchatka, une péninsule aux confins de la Russie. En août, deux petites filles (la plus grande s'occupait de la plus jeune) disparaissent. Mois après mois pendant un an, à la manière d'un roman choral (mais sans une once de feel good) nous allons apprendre à connaître cette région. Chaque mois est consacré à une femme différente. Toutes ne se connaissent pas mais sont néanmoins liées d'une manière ou d'une autre, et les deux petites disparues sont dans leur esprit. C'est comment, de vivre au Kamtchatka, de nos jours ? Les petites sont-elles mortes ? Qu'est-ce qui s'est passé et pourquoi toutes ces femmes différentes ?…
Pour son premier roman Julia Phillips frappe très fort. Elle nous offre tout le suspens d'un roman policier tout en flirtant avec la nouvelle pour la forme et en soutenant le tout par un fond très solide : tenant de l'ethnologie et du social pur, elle parvient à nous émouvoir aux larmes (Revmira) avant de faire s'envoler notre rythme cardiaque. C'est une découverte assez éblouie, pour ma part, par le talent de l'autrice bien sûr mais aussi par celle du peuple Évène dont j'ignorais l'existence. Tendu, émouvant, effrayant et invitant avant tout au voyage et à la rencontre de l'autre, ce roman est ultra prenant.
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Je suis passée à côté de ce roman, je crois.
Je m'attendais à un thriller classique dans un pays lointain et que je ne connaissais pas : le Kamtchatka, de ce point de vue là, c'est réussi, le dépaysement est total et j'ai appris des choses sur les Evenes. Mais j'ai eu du mal avec la construction du roman.
Au départ, enlèvement de 2 soeurs, puis on passe à une dizaine d'autres personnages féminins qui ont un rapport plus ou moins éloigné avec ces deux fillettes. Certains personnages sont intéressants mais hors-sujet et on a à peine le temps de s'attacher à eux qu'on passe à d'autres. Trop de personnages que je confondais.
Pas assez de suspense.
Bref, je me suis ennuyée et ai eu du mal à aller jusqu'à la fin du roman, mais c'est juste mon avis.
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