Un été 42
Nous sommes en 1942, la famille Cohen tente de quitter Marseille pour la Corse d'abord et Israël ensuite.
Seuls Suzanne et son fils, Sacha, parviennent à Bastia.
Suzanne est arrêtée par la Police de l'infâme Rossi, tandis que Sacha est mis à l'abri par leur passeur, dans le petit village de Canari, dans le Cap Corse.
Suzanne parvient à s'enfuir et rejoindre Sacha à Canari où tous deux sont protégés par la population et par un Préfet peu pugnace.
Mais à cette époque, le danger est partout.
Cet album a le mérite de retracer une histoire intéressante (déjà abordée en 2013, dans un documentaire de France 5) et des faits peu connus. le scénario de
Stéphane Piatzszek est également très équilibré et montre bien les tentations des uns, la force du devoir et le courage des autres. Les sinistres crapules côtoient les Justes.
On pourra juste s'étonner de la facilité avec laquelle tout le monde a l'air de se rendre de Bastia à Canari, ce qui à l'époque, ne devait pas être une partie de plaisir compte tenu de l'état des routes, du relief (il faut quand même passer par le col de Teghime ou faire le tour du Cap Corse) et du fait qu'il y a quand même a minima une cinquantaine de Km et non pas 20, comme présenté dans la BD (sauf si on est un oiseau).
Le dessin d'Espé est très agréable et m'a rappelé celui de Nury et Vallée pour "Il était une fois en France". Les personnages sont bien typés, l'action, bien retracée (seules 2 cases -le même personnage est répété pour la suite de son discours- m'ont semblé curieuses).
La mise en couleurs est très soignée, même si j'aurais préféré des cieux et des mers aux bleus plus affirmés.
Une belle surprise.
Pour bien comprendre d'où vient ce récit, il faut remonter aux évènements récents et à la demande adressée à l'association Yad Vashem (qui reconnait et honore les Justes des Nations), par
Maxime Cohen, responsable de la communauté juive de Corse, appuyée par
Serge Klarsfeld.
Il s'agissait d'obtenir pour la Corse, le titre d'"Ile juste".
Sur quels fondements ?
Des chiffres d'abord. Durant la Seconde guerre mondiale, la Corse est le seul département français où aucun Juif n'a été déporté (en fait, il y en a eu un, sans que personne n'en connaisse les raisons d'ailleurs).
Des faits avérés ensuite.
Comme le comportement du courageux Préfet Balley ou celui de Rix, Sous-Préfet de Bastia, qui trainent des pieds pour établir le recensement des juifs pour aboutir tardivement à une liste de 146 noms, dont pas un seul enfant, et tous français (c'est à dire non "déportables" en 42).
Comme les comportements individuels et en effet, une solidarité importante d'une population traditionnellement portée à l'hospitalité.
Mais bien entendu, comme souvent, la réalité est plus complexe, qui explique le refus opposé par Yad Vashem, à la demande de classement.
Il y a eu en Corse, comme ailleurs (même si souvent moins qu'ailleurs), des "collabos" et des antisémites, des volontaires pour la "Légion Française des Combattants" de Darnan, des écrits...
Il y a eu aussi, le fait que l'occupation de l'Ile a surtout été le fait des Italiens, moins extrémistes dans la chasse aux Juifs.
Quoi qu'il en soit, cet album apporte un éclairage intéressant et mérite d'être connu.