Dans un futur proche, l'hyperdémocratie de Clair-Monde est le seul pouvoir en place. le ciel obscurci depuis plusieurs décennies par de multiples émanations polluantes ne laisse plus passer la lumière du soleil, et les citoyens désormais appelés des Abonnés vivent dans des lumières artificielles destinées à imiter les variations de la lumière du jour. La jeunesse, la beauté ne sont plus des droits, mais des devoirs, sous peine de déportation dans les non-zones hors de la ville. le suicide est interdit, et on surveille de près toute personne dépressive notamment grâce au S.P.S le Service de Protection contre Soi-même, service où travaille Syd Paradine, flic taciturne et alcoolique. Alors qu'il rumine son mal-être et son divorce avec Myra Vence, riche héritière gâtée et infantile, Syd Paradine commence une enquête pour le moins inédite dans un lieu tel que Clair-Monde : un suicide collectif d'obèses. À force de se heurter aux silences du S.P.I le Service de Protection de l'Information, Syd va mener lui-même sa barque pour comprendre cette aberration et croise notamment la route de Blue Smith, fille insaisissable qui va l'aider dans sa quête.
Difficile d'empêcher certaines réminiscences à la lecture de ce roman : le ciel noir de Matrix ou Dark City, « le bonheur est obligatoire » est la loi qui régit le jeu de rôles Paranoïa, les parias exilés hors de la ville sont très proches de l'Ile de Manhattan transformée en prison dans New York 1997... L'anticipation est un genre extrêmement difficile à renouveler, surtout depuis que le cinéma, plus encore que la littérature l'essore jusqu'à la corde. Aussi on ne peut empêcher le petit air de déjà-vu.
Pille se réapproprie ces clichés avec une certaine aisance, les cent premières pages de
Crépuscule Ville sont pour le moins réussies dans la peinture minutieuse de ce monde où la « mort bancaire » est pire que la vraie, les drogues sont légales suite à la Guerre Narcotique et les enfants de moins de 12 ans peuvent être achetés et utilisés comme bibelots de décoration ou sex-toys humains. C'est dans ces pages que son écriture est la plus travaillée, en dépit d'un vocabulaire inutilement trash jeté ça et là et qui ne fonctionne que moyennement.
Le souci c'est qu'au-delà de ces pages,
Lolita Pille ne sait pas où elle va. Et si elle ne le sait pas, le lecteur lui le sait encore moins. le fameux suicide collectif d'obèses qui est le point de départ de l'enquête de Syd n'est jamais élucidé, d'ailleurs, à peine évoqué, on n'en parle plus. Les personnages sont pour la plupart désincarnés, sans consistance. Par contraste, il y a surabondance souvent gratuite de gadgets markétés anticipation qui fleurissent à tous les coins de paragraphe. L'écriture redevient poussive par l'accumulation de métaphores grotesques, pour ne pas dire bâclée et confuse. Il faut vraiment se forcer à aller jusqu'au bout pour enfin connaître le dénouement. Un dénouement de dix pages de dialogue brillant, bien mené, critique du néo-libéralisme et de l'individualisme sauvage, certes un peu convenue, mais malgré tout convenable. Cent dix pages convenables pour un livre qui en compte près de quatre cents...