Une évidence le saisit : l'identité d'un individu est forgée par le moindre moment de sa vie. Renier un seul de ces instants équivaut à nier qui l'on est, à répudier un morceau de soi-même.
C'est quand la part matérielle de notre être s'effrite que nous mesurons véritablement la nature de notre rapport au monde. Ce monde ne nous semble accueillant, bienveillant que si nous ne nous sentons pas menacés par lui. C'est peut-être ce qui explique que l'humanité n'ait eu de cesse de détruire, pour ne pas avoir peur.
Il est ardu de se débarrasser des croyances que l'on vous a tatouées dans le cerveau depuis votre plus jeune âge. ce n'est pas quelque chose dont on se débarrasse comme un tique.
L'homme a ceci de stupide et touchant ; il a bien du mal à se représenter la vie aller son cours et le monde tourner en dehors de sa petite conscience prétentieuse qui refuse de disparaître, comme la tique refuse de lâcher sa peau. C'est peut-être ce qui a perdu les grandes civilisations autrefois.
Puisqu'elle ne peut pas vivre, elle, qu'importe ce que deviennent les autres, tous les autres ? C'est cela vieillir sans doute : ne plus se soucier du devenir du monde, puisqu'on n'a plus rien à y faire . Après moi le déluge !
Sans ce fameux amour - et tout le cortège des fausses vertus qu'il trimballe avec lui, bonté, compassion, abnégation - l'être humain ressemblerait au monstre qu'il est en réalité.
Il faut aimer pour comprendre intimement quelqu'un !
Ne dit-on pas que les hommes restent des enfants leur vie entière ?
L'humanité n'aura-t-elle jamais fini de justifier toutes les avanies et les bienfaits qui la frappent en invoquant un dessein supérieur, une volonté transcendante ? Ne cesserons-nous jamais de chercher un sens à la vie ? La vie n'a d'autre sens qu'elle-même, elle est le principe originel, ultime, et notre rôle dans cette dynamique éternelle n'a pas plus ou moins d'importance ou de signification que celui de la fourmi ou du roseau. C'est ce que l'Homme nouveau est censé avoir appris depuis la Chute. Mais cette conception demande du cran, une bonne dose d'humilité et de courage qui finit toujours par nous faire défaut.
Ce qui est interdit fascine, c'est toujours la même bonne vieille histoire. L'humain désire ce qu'il ne peut posséder.