Citations sur Les Reines (56)
Les livres me manquent cruellement, bien plus que la musique, que les draps de fin coton et les vins d'Italie ou d'Espagne, que les bijoux, les armes et les fourrures, le sceptre, le poids parfait de la couronne sur ma tête, les hurlements de la foule acclamant mon apparition, les cris de guerre, la folle et délicieuse angoisse avant la bataille et l'odeur du sang.
Première partie
- p 76 -
C'est quand la part matérielle de notre être s'effrite que nous mesurons véritablement la nature de notre rapport au monde. Ce monde ne nous semble accueillant, bienveillant que si nous ne nous sentons pas menacés par lui. C'est peut-être ce qui explique que l'humanité n'ait eu de cesse de détruire, pour ne pas avoir peur.
Quatrième partie
- p438 -
Un dernier et ultime acte libre. Un des seuls en une vie de cinquante années. Les hommes se bercent d'illusions en pensant poser des choix d'une absolue liberté ; ils sont toujours tributaires d'une kyrielle de facteurs qui les dépassent complètement, dont ils ne savent la plupart du temps rien .
Troisième Partie
- p 331 -
Faith observe le grain de beauté au-dessus de la lèvre supérieure d'Edda, une petite sphère parfaite en relief, non pas noire mais d'un bleu de nuit profond, comme la robe de la jument Hrimfaxi. Le grain se rapproche, les lèvres de la reine effleurent les siennes, son haleine embaume le clou de girofle et la cardamome, sa langue a le goût de la neige.
Deuxième Partie
- p 232 -
il n’y a qu’un seul monde et il est faux, cruel, contradictoire, séduisant et dépourvu de sens
Les femmes sont-elles plus aptes à exercer le pouvoir ? Ont-elles véritablement, comme veulent nous le faire croire les mythes de la Renaissance, plus de jugement, d'empathie, davantage le sens de la justice et de l'équité ? Sont-elles, sinon exemptes, du moins plus affranchies que les hommes du désir de puissance, de l'orgueil, de ce que dans le Très Vieux Monde on nommait l'hubris ? Je l'ai longtemps cru, j'ai défendu cette conception avec passion, avec une conviction fanatique, à la mesure de l'effarante inanité de cette croyance. Je sais aujourd'hui qu'elle est infondée et dangereuse. Je sais qu'une femme peut se révéler abjecte, retorse, envieuse, fourbe, d'une patience diabolique, destructrice et narcissique ; c'est une créature nuisible et prédatrice.
Je le sais parce que cette créature, c'est moi.
De toute éternité, sommeille en chacune d'entre nous un démon, le monstre d'amour. Cette perversion prend possession de nous à la seconde où le nourrisson vagissant sort de nos entrailles et atterrit sur notre poitrine, tout contre notre peau. Ce premier contact a un caractère foudroyant, il nous submerge, nous métamorphose, nous arrache des émotions inconnues, violentes, originelles, qui nous relient, tels d'infinis cordons ombilicaux, à toutes les femmes que la Terre a jamais portées, toutes les femmes qui, depuis l'aube des temps humains, ont donné la vie.
C'est une beauté et une malédiction.
Elle a hâte de mettre son enfant au monde, de la rencontrer, mais aussi de se retrouver seule dans sa chair. Ce n'est pas toujours facile de devoir partager son corps.
(p. 469, 470)
Mais où trouver l’equilibre lorsqu’il faut reconstruire sur les cendres d’une civilisation qui a œuvre à son propre anéantissement.
Il n'a plus de lui-même qu'une image fragmentée, incomplète, il se voit comme un estropié, un homme à qui il manquerait un membre, ou même un organe vitale. Il n'est plus qu'une carcasse, jeune et saine certes, mais une carcasse dénuée de volonté, se laissant porter au gré du bon plaisir des hommes, du pas de son cheval et du temps qu'il fait.