[A l'homme] ce qui est plus précieux que son corps, c'est son âme.
Gorgias.
Parle toujours, mon beau !
Gorgias.
Que tu me plais, Socrate ! Les sages dont tu parles, ce sont des imbéciles !
Gorgias.
Dis-moi, Socrate, à l'âge que tu as, ne rougis-tu pas d'être à la chasse des mots, et, s'il arrive que l'on se trompe l'impression de prendre cela pour une bonne aubaine ?
Gorgias.
D'une part,il est beau de pratiquer la philosophie pour autant qu'on le fait en vue de la culture, et il n'y a rien de déshonorant pour un adolescent à s'occuper de philosophie. Mais, d'un autre côté, quand déjà avancé en âge, on continue à philosopher, cela devient, Socrate, un emploi de son temps qui mérite la risée. Quant à moi, en face de ces tenant de la philosophie, je ressens la même impression qu'en face de ceux qui parlent de façon puérile et font les gamins.
Gorgias.
La philosophie en effet a certainement, Socrate, son agrément, à condition qu'on s'y applique avec modération dans la jeunesse ; mais si l'on y passe plus de temps qu'il ne faut, cela est ruineux pour un homme.
Gorgias.
Se place-t-on, en parlant, du point de vue de la loi ? C'est du point de vue de la nature que tu pose tes questions ; est-ce au point de vue de la nature ? Tu prends celui de la loi.
Gorgias.
Tu m'as l'air, Socrate, dans ce rôle d'orateur populaire que véritablement tu te donnes, de t'y comporter en tes discours comme un petit fat !
Gorgias.
Dis-moi Chéréphon, est-ce que Socrate est sérieux ? ou bien s'amuse-t-il ?
Gorgias.
Quand un homme qui a injustement comploté contre un régime de tyrannie s'est fait prendre et que, une fois pris, il est mis à la torture, qu'on le mutile, qu'on lui brûle les yeux, qu'il doit souffrir personnellement quantité d'autres souffrances aussi cruelles que variées, qu'il y voit soumis ses propres enfants et sa femme, que pour finir, il est mis en croix ou enduit de poix pour être brûlé vif, cet homme-là sera-t-il plus heureux que si, ayant réussi à échapper, il s'était lui-même élevé à la tyrannie et qu'il eût, ayant le pouvoir dans la cité, passé son existence à y faire ce qu'il peut bien vouloir ; objet d'envie pour ses concitoyens, comme d'autre part pour les étrangers, que tous proclament son bonheur ?
Gorgias.