Nous sommes en automne 1943, et Rosa Sauer vient d'être "recrutée", un peu de force quand même, pour un travail bien particulier : elle va être payée, et relativement grassement d'ailleurs, pour manger trois fois par jour des mets raffinés, dont la plupart sont introuvables en ces temps de rationnement. Un job de rêve, n'est-ce pas ? Mais il y a quand même un tout petit hic, c'est qu'à chaque bouchée elle risque de mourir dans d'horribles souffrances. Voilà qui fait déjà moins rêver n'est-ce pas ! C'est que cette nourriture qu'elle ingère en compagnie de neuf autres jeunes femmes est préparée tout spécialement pour le petit moustachu qui met l'Europe à feu et à sang et dont l'un des hobbies est d'éradiquer tous les êtres humains qui ne correspondent pas à son idéal aryen (il aurait dû se regarder dans une glace à mon avis...).
L'histoire est centrée sur Rosa, "la Berlinoise" qui fait un peu tache dans ce groupe de femmes dont la plupart viennent du village voisin, Gross-Partsch. Elle y vivait également depuis peu chez ses beaux-parents, son mari étant comme beaucoup d'autres hommes parti au front. Plus rien ne la retenait à Berlin, elle y a tout perdu, sa mère, son appartement, et c'est ainsi qu'elle se retrouve avec la jeune Leni, la mystérieuse Elfriede, les "enragées" Gertrude, Sabine et Theodora totalement acquises à la cause nazie, ou encore Beate, Ulla et les autres. Ces jeunes femmes vont nouer des liens selon leur sensiblité politique, leurs affinités ou parfois les circonstances.
Je précise que même s'il s'agit d'un roman, et donc d'une fiction, les goûteuses d'Hitler ont réellement existé (il était connu pour sa parano notamment envers les risques d'empoisonnement), le personnages de Rosa est librement inspiré de Margot Wölk, hélas décédée alors que l'auteure souhaitait la rencontrer pour peaufiner certains détails de son récit. Et de nombreux évènement relatés sont réels, notamment la tentative d'attentat à la Wolfsschantze (la tanière du Loup, en l'occurrence celle du chancelier).
Je sais que certain(e) ami(e)s sont gêné(e)s par le mélange fiction-réel, ce n'est pas mon cas, et je pense qu'ici il est relativement aisé de faire la part des choses. Tout ce qui concerne l'histoire personnelle des filles relève de l'imagination de l'auteure, le reste : lieux, évènements et personnages historiques, modalités des repas est au plus proche de la réalité. J'ai certes mis un peu de temps à venir au bout des 380 pages, mais ce ne sont ni l'écriture ni l'histoire qui sont en cause, simplement mon état de fatigue qui a fait que je ne parvenais pas à lire plus de quelques chapitres par jour.
Mon bémol : l'histoire d'amour entre Rosa et un officier nazi alors que son mari est porté disparu, je n'ai pas trop aimé la façon dont elle n'assume pas cette liaison. Et un autre détail concernant une des filles m'a également paru étrange, mais je n'en dirai pas plus. Un petit bémol, parce que sinon j'ai trouvé la psychologie des personnages assez fine, leurs angoisses et leurs émotions sont bien rendues. Quelques scènes sont assez dures , notamment au début quand Rosa perd sa mère lors d'un bombardement, mais rien d'insupportable quand même. Un roman intéressant par rapport à des femmes dont le rôle est assez méconnu jusqu'à maintenant et que
Rosella Postorino a mises à l'honneur.