Un événement inattendu nous stupéfia tous. Une dizaine de nos officiers déjeunaient un jour chez Silvio. On buvait comme à l'accoutumée, c'est-à-dire beaucoup ; après le déjeuner nous pressâmes le maître de la maison de tailler une banque. Il refusa longtemps : il ne jouait presque jamais ; en fin de compte il fit apporter des cartes, déversa sur la table une cinquantaine de pièces d'or et tailla. Nous l'entourâmes et la partie s'engagea. Silvio avait coutume, lorsqu'il jouait, de garder un silence absolu, refusant toute discussion ou explication. S'il arrivait à un ponte de commettre une erreur, il payait aussitôt la différence ou notait l'excédent. Nous le savions tous et ne l'empêchions pas d'en user à sa guise ; or, il se trouvait parmi nous un officier nouvellement affecté au régiment. En cours de partie il corna par mégarde un pli de trop. Silvio, à son habitude, prit sa craie et rectifia les chiffres. Croyant à une erreur, l'officier se lança dans des explications. Silvio ne soufflait mot et poursuivait la taille.
Perdant patience, l'officier s'empara d'une brosse et effaça le compte qui lui paraissait inexact. Silvio prit la craie et le réécrivit. Échauffé par le vin, le jeu et les rires de ses camarades, l'officier se crut mortellement offensé ; fou de rage, il saisit un chandelier de cuivre et le lança à la tête de Silvio qui l'esquiva de peu. Nous étions troublés. Silvio se leva, pâle de fureur. Ses yeux jetaient des éclairs.
Sa grande occupation était de tirer le pistolet. Les murs de sa chambre, criblés de balles, ressemblaient à des rayons de miel.
L'arrivée d'un voisin riche fait époque dans la vie des campagnards.
La couardise est la chose que les jeunes gens excusent le moins, car ils voient d'ordinaire dans le courage le mérite suprême et l'excuse de tous les vices.
Il plaisante toujours, comtesse, lui répondit Silvio; une fois il me gifla en plaisantant; en plaisantant il traversa d'une balle cette casquette que voici; en plaisantant il vient de me manquer; maintenant c'est à mon tour de plaisanter.
он всегда шутит, графиня, - отвечал ей Сильвно, - однажды дал он мне шутя пощечину, шутя прострелил мне вот эту фуражку, шутя дал сейчас по мне промах: теперь и мне пришла охота пошутитъ.
Il avait des livres : surtout des livres militaires, mais aussi des romans. Il les prêtait volontiers, et ne les réclamait jamais ; par contre, il ne rendait jamais les livres qu'il empruntait.
La couardise est la chose que les jeunes gens excusent le moins, car ils voient d'ordinaire dans le courage le mérite suprême et l'excuse de tous les vices.
– Je ne tirerai pas, répondit Silvio, je suis satisfait : j'ai vu ton trouble, ta frayeur ; je t'ai forcé de tirer sur moi. Nous sommes quittes. Tu te souviendras de moi. Je te livre à ta conscience.
Le meilleur tireur qu'il m'arriva de rencontrer tirait tous les jours au moins trois fois avant son dîner. C'était réglé chez lui comme son verre de vodka.
Il avait des livres : surtout des livres militaires, mais aussi des romans. Il les prêtait volontiers, et ne les réclamait jamais ; par contre, il ne rendait jamais les livres qu'il empruntait.