L'automne
Un cheval s'écroule au milieu d'une allée
Les feuilles tombent sur lui
Notre amour frissonne
Et le soleil aussi
Alicante
Une orange sur la table
Ta robe sur le tapis
Et toi dans mon lit
Doux présent du présent
Fraîcheur de la nuit
Chaleur de ma vie.
Le bonheur qui ne pense à rien
...
Le malheur qui pense à tout …
...
Et qui gagne « presque » à tous les coups
Presque.
Des milliers et des milliers d'années
Ne sauraient suffire
Pour dire
La petite seconde d'éternité
Où tu m'as embrassé
Où je t'ai embrassée
Un matin dans la lumière de l'hiver
Au parc Montsouris à Paris
A Paris
Sur la terre
La terre qui est un astre.
CHEZ LA FLEURISTE
Un homme entre chez une fleuriste
et choisit des fleurs
la fleuriste enveloppe les fleurs
l’homme met la main à sa poche
pour chercher l’argent
l’argent pour payer les fleurs
mais il met en même temps
subitement
la main sur son cœur
et il tombe
En même temps qu’il tombe
l’argent roule à terre
et puis les fleurs tombent
en même temps que l’homme
en même temps que l’argent
et la fleuriste reste là
avec l’argent qui roule
avec les fleurs qui s’abîment
avec l’homme qui meurt
évidemment tout cela est très triste
et il faut qu’elle fasse quelque chose
la fleuriste
mais elle ne sait pas comment s’y prendre
elle ne sait pas
par quel bout commencer
Il y a tant de choses à faire
avec cet homme qui meurt
ces fleurs qui s’abîment
et cet argent
cet argent qui roule
qui n’arrête pas de rouler.
p.186-187
Extrait de Jacques Prévert, Paroles, Le livre de Poche 239.
LE DROIT CHEMIN
A chaque kilomètre
chaque année
des vieillards au front borné
indiquent aux enfants la route
d'un geste de ciment armé.
p.155
Extrait de Jacques Prévert, Paroles, Le livre de Poche 239.
Démons et merveilles, vents et marées
Au loin déjà la mer s’est retirée.
Et toi,
Comme une algue doucement caressée par le vent,
Dans les sables du lit, tu remues en rêvant.
Démons et merveilles, vents et marées
Au loin déjà la mer s’est retirée.
Mais dans tes yeux entrouverts,
Deux petites vagues sont restées.
Démons et merveilles, vents et marées,
Deux petites vagues pour me noyer.
LE JARDIN
Des milliers et des milliers d'années
Ne sauraient suffire
Pour dire
La petite seconde d'éternité
Où tu m'as embrassé
Où je t'ai embrassée
Un matin dans la lumière de l'hiver
Au parc Montsouris à Paris
A Paris
Sur la terre
La terre qui est un astre.
Martyr, c'est pourrir un peu.
Notre Père qui êtes aux cieux
Restez-y
Et nous nous resterons sur la terre
Qui est quelque fois si jolie