-Antibiotique-
Elle traîne. Qui saurait l'aider à se réfugier dans une vraie maladie ? Personne en ce monde ne semble préposé à cette fonction, si nécessaire pourtant.
Peut-être était-ce celle de sa mère lorsque la fille était enfant ? En ce temps-là, on avait le droit de fabriquer de grosses fièvres à la place de la souffrance. Le droit, la ressource. A désappris. Acquis tant de mots, de gestes. Perdu l'essentiel. (Livre de Poche, juillet 2000,p.36)
Oui, ces dimanches soir-là, la fille et son compagnon se retrouvaient dans un étrange face-à-face. Ne s'y retrouvaient pas ? Lui avait mangé chez sa mère très âgée, capable cependant de mettre des aliments dans son assiette, tout en le gavant de paroles. Il rentrait vidé. Elle aussi, après avoir tenté de gaver une mère mutique. Ils posaient leurs fatigues côte à côte, des fatigues floues et denses. Et se taisaient. (Actes Sud, 1997, p. 36)
Questionnaire
--Mange -t-il seul? Non
--Marche-t-il sans aide? Non
--Parle -t-il? A peine
--Lit-il le journal? Non
--Regarde-t-il la télévision? Un peu
--est-il propre? La nuit? Non
Le jour? Non.
La fille s'interrompt accablée. Non,elle ne remplit pas ce questionnaire pour un enfant handicapé mais pour son père, hospitalisé en urgence. Elle a consulté le medecin-chef qui a préconisé de constituer un dossier en vue d'un " placement": --Au cas où votre père sortirait....
Il a eu l'intelligence de mourir.
... Mal au ventre ,crampes.Les crampes de l'enfance auxquelles personne n'a pu fournir de remède. S'allonger .La chatte soyeuse ,sinueuse vient s'installer sur ce ventre spasmé. Une vibration sourde et intense .Bientôt la douleur ronronne,presque apaisée.
FOETUS
Grâce à la chatte tutélaire ,la fille s'endort et retrouve sa mère. A l'intérieur du ventre ,le cadavre de celle-ci est recroquevillé en foetus. Le crâne appuie contre le gros colon droit,ça fait mal ,très mal.La douleur vrille ,la fille enceinte de sa mère se réveille en sursaut.La chatte préfère s'en aller laissant mère et fille en tête à tête.
ENTRE-DEUX
Peu après le décès de ses parents ,elle s'est rendue à la caisse d'épargne. Sur La porte elle a lu:"Veuillez entrer dans l'absence un par un ." Elle est entrée--le réduit était minuscule--est restée là ,longuement ,encore qu'il soit hasardeux d'estimer la durée de l'absence .
Près de soixante ans plus tard ,la même petite fille s'est retrouvée en cage dans le sas de la caisse d'épargne.Une impossibilité de bouger similaire.Sans angoisse ,ni souffrance .Un vide blanc--contre cette menace du blanc ,le rempart du carreau coloré ? La petite fille s'était sans doute absentée d'elle-même afin de supporter l'absence .