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440 pages
Harpitanja (01/03/2020)
4.5/5   10 notes
Résumé :
Élevée dans une famille profondément religieuse, Claire se donne tout entière à sa foi. Pourtant, dès son mariage, ressurgissent les démons du passé demeurés pendant des années enfouis au plus profond d’elle et dont elle ne soupçonnait pas l’existence. Deux événements tragiques vont l’amener à questionner ses croyances et mettre en doute la sincérité des personnes de son entourage. Elle entame alors un voyage qui, petit à petit, l’amènera à réfléchir sur ce qui a to... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Je remercie l'auteur pour l'envoi de son livre.

Ce livre nous est présenté comme un plaidoyer contre les violences sexuelles faites aux enfants.
Même si ce thème est abordé sur la deuxième partie de l'ouvrage, pour moi, ce livre est sur les témoins de jéhovah : leur fonctionnement archaïque, l'endoctrinement, l'effacement des liens familiaux au profit des chefs religieux, l'absence totale de féminisation du pouvoir. Les femmes n'existent que pour servir, enfanter, prier, colporter la parole de leur secte.

Comprenez bien, Eneeh Quarter fait ici le procès de ce fonctionnement mais le fait à travers son personnage principal qui mettra plus de la moitié du livre avant de commencer à se poser des questions.
Le principal reproche est que cette secte s'immisce dans la sphère privée de ses croyants et, à l'inverse, use de son influence sur ses moutons pour mettre en place une omerta constante sur les faits de viol, d'inceste, de pédophilie pour taire les faits et protéger les coupables.

Notre personnage principal Claire va donc être confrontée à cet univers conservateur fermé et sexiste.
Elle y est née, y a grandi et s'y marie à un homme qui deviendra, lui-même, un dirigeant de leur église.
C'est son mariage qui sera le déclencheur ou plutôt le point de départ du blocage de Claire dans l'intimité de son couple.

De cet évènement découle plusieurs remises en question : le bien-fondé des préceptes des témoins de jéhovah, leur façon violente voire obscène de s'immiscer dans les affaires intimes des couples, leurs reproches culpabilisant les victimes de violence sexuelle, le constant rabais que subissent les femmes de la congrégation.

Mais pourtant, la démarche intellectuelle sera lente, vraiment très lente.
Je n'ai jamais connu l'endoctrinement et je ne peux imaginer la force qu'il faut pour s'en défaire, s'en sortir mais que de longueurs.
Claire a pourtant un pied à l'extérieur avec son travail et certaines de ses fréquentations mais pourtant il lui faudra connaître plusieurs tragédies pour se défaire de la main mise des chefs religieux.
Je me permets ses commentaires car l'auteur précise bien, en préambule, qu' il s'agit d'une fiction, c'est donc son choix que de laisser Claire avec ses œillères si longtemps.
A chaque fois qu'elle est victime, elle se culpabilise d'elle-même et se fait tous les reproches possible.

La principale libération que connaîtra Claire sera d'essayer d'expliquer le blocage physique, psychique qu'elle rencontre avec son mari.
Cette négation du vécu, cette absence de souvenirs sont tellement véridiques et réalistes. Claire aura la chance de tomber sur les bonnes personnes et d'avoir un entourage de confiance, patient et compréhensif.

J'ai apprécié échanger avec l'auteur qui a pu m'expliquer certains choix de style, de syntaxe ou d'écriture et je l'en remercie.

Pour conclure, de par mon aversion pour toutes les religions en général, j'ai peu apprécié lire le quotidien de ces personnes embrigadées, emprisonnées dans un quotidien ou des pensées qui ne sont pas les leurs.
Situer Claire dans ce monde semble pourtant logique pour expliquer le silence le non-dit qu'elle subira enfant.
Le parallèle fait avec les évènements de Sydney de l'époque et la libération de la parole des victimes est intelligent.

Eneeh Quarter a effectué ici un travail de recherche exceptionnel, tant sur les témoins de jéhovah que sur le possible vécu et ressenti d'une victime de pédophile.

N'oublions qu'il n'y a pas besoin de l'excuse de la religion pour expliquer le silence des familles.

Un livre à lire pour découvrir le cheminement des victimes et le renaissance lorsque les réponses sont trouvées.


L'avez-vous lu ?
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Ce roman aux premiers abords me faisait un peu peur. En effet, j'avais peur de ne rien comprendre à cette histoire de religion et de me retrouver face à un livre dans le genre ‘ Da vinci code ‘ qui est beaucoup trop complexe pour moi. Mais mes craintes ce sont rapidement évanouies. Nous avons ici un roman dont l'écriture est fluide et l'on se plonge avec aise dans l'histoire De Claire, cette jeune femme qui vient de se marier avec Jérémie malgré les réticences de certaines personnes. Nous suivons alors le jeune couple et comment ils essaient tant bien que mal de joindre les deux bouts tout en gardant une vie professionnelle, sociale, sentimentale et surtout spirituelle.

Spirituelle, en effet car la vie de Jérémie et De Claire tourne autour de leur religion qui prend énormément de place dans leur vie. Ils font tout les deux parties des témoins de Jéhovah et baignent dans cette doctrine depuis leur enfance. On découvre alors petit à petit l'organisation et sa façon de fonctionner, les grands principes ainsi que le statut hierachique. On y découvrira également la place de la femme, le système de ‘ sanctions ‘, leur politique d'exclusion et leur manière de ‘résoudre' les problèmes au sein de leur organisation.

J'ai énormément aimé en apprendre plus sur cette religion (qui ressemble, soyons honnêtes plus à une secte qu'à autre chose) et leurs façons de fonctionner. En effet qui n'a jamais vu ces gens dans la rue attendant patiemment à côté de prospectus promettant la vie éternelle? Qui n'a jamais reçu la visite des témoins de Jehovah? Nous les connaissons tous plus ou moins, mais alors, qui sont-ils réellement?

Je me rappelle encore ces deux femmes qui m'avaient gracieusement offert leur bible après avoir passé un quart d'heure a essayé de me montrer à quel point j'avais besoin d'aide dans ma vie. J'ai également une amie faisant partie de cette religion et c'est amusant de voir à quel point les dialogues que l'on retrouve dans le roman d'Eneeh auraient très bien pu sortir de la bouche de mon amie tant ils sont authentiques. Authentiques, mais parfois effrayants. Tout comme les personnages de cette histoire.

Certains sont extrêmement attachants, comme la meilleure amie De Claire, ses collègues de travail, son mari… Mais d'autres sont détestables. Et pas du genre des vilains que l'on aime détester, non, détestable à avoir envie de leur foutre des claques. Nous avons le droit à des personnages sexistes, manipulateurs et j'en passe. J'ai plusieurs fois eu envie de secouer Claire, de rentrer dans le roman et de répondre à sa place tant certains m'énervaient. L'héroïne est vraiment adorable, elle essaie toujours de faire au mieux malgré les épreuves tragiques que lui réserve la vie. Tout au fil du roman on la suit dans ses questionnements et sa quête de la vérité. Elle aura l'occasion d'échanger sur un tas de sujets intéressants avec les personnages qu'elle rencontrera et j'ai adoré voir les différentes façons de penser de certains.

L'histoire en elle-même est bien ficelée, l'auteure arrive à instaurer du suspens grâce à la chronologie du récit. En effet, nous sommes plusieurs fois sur le point de découvrir des révélations, que l'on se retrouve propulsé quelques jours voir semaines plus tôt ou plus tard dans le récit, ce qui nous pousse à vouloir continuer la lecture pour découvrir ce qu'il s'est réellement passé pour que Claire devienne qui elle est aujourd'hui et qui sont ses deux yeux qui la fixe constamment lorsqu'elle s'apprête à passer à l'acte avec son mari?

En résumé, j'ai passé un bon moment lors de cette lecture et j'ai été touché par certains passage qui sont à briser le coeur mais la fin m'a donné de l'espoir pour la suite.

Ce roman n'est évidement pas à mettre dans toutes les mains, car il traite de sujets forts tel que la pédophilie et le viol mais également le deuil. Il mérite d'être lu par le plus grand nombre et je félicite Eneeh d'avoir eu le courage de pointer du doigts les faiblesses de cette organisation qu'est les témoins de Jéhovah.
Lien : https://margorotsuki.wordpre..
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« le poète a dit un seul être nous manque et tout est dépeuplé. le chansonnier lui a répondu que la solitude, ça n'existe pas. Qui croire ? Avec la perte d'un être cher c'est toute la vie de celui qui reste qui se vide. Il est dépouillé de son essence même, il n'a plus de raison d'être. Un arbre sans feuille ne peut donner d'ombre, une rivière sans eau n'abreuve personne, une ville sans habitants est une cité sans âme. »

Claire fait partie d'une famille de témoins de Jehovah. Elle même est témoin de Jehovah.
Très jeune elle décide de se marier avec Jérémie. Également membre de l'Organisation, il souhaite vouer sa vie et sa carrière à celle-ci.
Mais ce mariage tant attendu par Claire ne se passera pas comme elle l'avait imaginé. Les relations intimes sont compliquées entre les deux êtres. Pour ainsi dire elles sont absentes. Claire est envahit par des pensées qui la perturbent sans en comprendre leurs significations.
C'est un suivi psychanalytique, bien que proscrit par l'Organisation, qui révélera la réalité des faits de ces pensées. Une réalité bien difficile à accepter et à digérer. Pourtant les faits sont là et Claire devra affronter les démons de son enfance...

Un coup coeur ! Je commence par ces simples mots aux sens pertinents car ce livre m'a passionné et prit aux tripes du début à la fin. L'histoire est captivante ; tant par ces personnages que par le contexte lui-même. Un contexte peu soulevé en littérature. Qu'est-ce qu'un témoin de Jehovah ? Qu'est-ce que l'Organisation ? Comment fonctionne t-elle ? En suivant Claire années après années nous découvrons avec elle un monde insoupçonné pour celui qui n'a pas connaissance de celui-ci. La plume de notre auteure, Eneeh Quarter, est aussi subtile que saisissante. Les émotions nous traversent, nous transpercent, nous bouleversent. Je ne pouvais plus m'arrêter, les pages tournaient, s'envolaient ; ce récit m'a mise dans tout mes états. J'étais à la fois presser d'en connaître le dénouement ; mais lorsque celui-ci est arrivé, j'étais triste de quitter cette vie dans laquelle j'étais plongée.

Mes chères lectrices, mes chers lecteurs, vous l'aurez compris, je ne peux que vous recommander ce roman. Premier coup de coeur de cette année 2021. Laissez-vous emporter dans ce roman qui ne demande qu'à être lu et relu.
Très bonne lecture 😉
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Nous commençons avec un prélude dont nous connaîtrons le fin mot de l'histoire à la fin du livre quand tout sera mit en place. Puis nous entrons dans la vie de Claire, elle fait partie des témoins de Jéhovah. Nous évoluons avec cette dernière et découvrons la vie de cette communauté. Elle a une jeunesse agréable et pleins de projets en tête avec sa meilleure amie Isabelle. Puis, elle se mari avec Jérémie, un jeune homme gentil, tendre et très patient avec elle. Après son mariage, Claire commence à entendre des voix et avoir des hallucinations. Elle décide de se faire soigner mais en commençant sa thérapie, elle se découvre un passé que son cerveau avait décidé d'oublier. Elle n'a personne à qui se confier car Isabelle a été excommunié, donc personne de la communauté ne peut lui adresser la parole... Mais le choix des anciens au sujet de cette dernière était-il juste ? Avec Claire ont-ils le droit de se comporter ainsi ? Jusqu'où peuvent-ils aller au nom de Dieu ?

Une immersion totale dans la communauté des témoins de Jéhovah, pour connaître le fonctionnement et la place de chacun. L'auteure a passé plus de 2 ans pour écrire ce témoignage criant de vérité malheureusement. Plus d'un millier de cas de pédophilie caché dans une communauté a été découverte en 2015, ce qui à créé un scandale en Australie.
Un roman poignant, prenant et très touchant. J'ai apprécié que chaque termes de la communauté soient expliqués en bas de page, ce qui nous permet de nous repérer. Une très belle découverte, l'auteure à réussi à m'embarquer totalement dans un monde que je ne connaissais pas.
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Claire grandit dans une famille religieuse. Ou plutôt, Claire se voit élevée au sein d'une organisation profondément pratiquante, voire sectaire : les Témoins de Jéhovah.

Ce récit vous immerge dans ce monde à part, qui m'a personnellement révoltée. Un univers où tout est contrôlé par l'organisation, où posséder une vie privée est particulièrement compliqué, même impossible. Une organisation qui pratique la loi du silence à merveille, étouffant sans hésiter une seconde des faits d'une gravité sans nom (viol, inceste…), use de son influence pour inciter ses disciples à suivre toute décision les yeux fermés. OMERTA.

Il faut saluer les recherches réalisées par l'auteure dont elle nous fait part en notes de bas-de-page. Sans alourdir le texte, elles permettent une totale compréhension des us et coutumes de l'organisation. Vous apprendrez des choses, c'est une certitude.

Vous suivrez donc Claire tout au long de sa vie, tant personnelle que spirituelle. Personnage attachant, elle mettra un temps considérable pour s'affranchir de cette emprise, pour passer outre le déni, pour pouvoir se libérer. Ceci explique d'ailleurs sûrement les longueurs que j'ai ressenties, et qui forment le point négatif de ma lecture. Se défaire de l'endoctrinement est un processus lent et long. J'aime à penser que ces longueurs ont en réalité un sens.

Pour finir, il est important de souligner la neutralité avec laquelle l'auteure a écrit son récit. Elle ne prend pas position, elle ne juge pas. Elle voulait simplement faire la lumière sur une vérité, difficile certes mais indispensable. Pari réussi.

Un énorme merci à l'auteure pour l'envoi de son livre en service presse.

Si ce roman vous intéresse, il est disponible par ici : https://harpitanja.eu/souviens-toi/reservation.php
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Clara veut la lune
Il poussa un juron en ouvrant la porte d’entrée de la villa. Tout à son occupation, il ne s’était pas aperçu du changement de temps. Il tira la moustiquaire, qui avait été fermée pour protéger l’habitation des insectes indésirables, nombreux en ces journées d’été. Plus que les moustiques, ce qu’il détestait par-dessus tout, c’était les mouches, particulièrement les grosses noires au corps strié. Puis aussi les vertes, les mouches à merde, qui se pavanaient sur la viande, quand sa femme la sortait du réfrigérateur et qu’elle la laissait à l’air quelques minutes, soi-disant pour qu’elle s’attendrît et prît du goût. Il lui avait dit plusieurs fois de la couvrir, mais elle oubliait régulièrement. Ce n’était pourtant pas compliqué, de mettre un bout d’aluminium sur le plat! Une fois, il avait trouvé des vers qui grouillaient dans les saucisses. De toute évidence, la femelle s’était posée dessus alors que son épouse en prélevait quelques-unes et s’était retrouvée piégée au moment où elle avait refermé le paquet pour le remiser au frais. Écœuré, il n’avait plus mangé de viande pendant un mois.

Dehors, le ciel était noir de nuages et, au loin, l’horizon se confondait entre la plaine et ce qui avait été encore l’azur, quelques minutes auparavant. Les réverbères de la rue s’étaient éclairés, donnant une impression de soirée d’hiver à cette seconde partie de l’après-midi. Un éclair zébra l’espace, et tout de suite après, un coup de tonnerre qui le fit sursauter sonna le départ de l’averse. En quelques instants, la pelouse s’était transformée en un terrain boueux. Le sol, qui avait subi la sécheresse de ces dernières semaines, buvait avidement cette eau, finissant par en régurgiter l’excès, tout comme un ivrogne que l’on aurait soumis à un sevrage forcé pendant un mois vomirait la bouteille avalée d’un seul coup dès son premier jour de liberté.

L’homme n’avait pourtant pas le choix. Il respira à fond, endossa un anorak qui pendait à la cloison de la véranda, en rabattit la capuche sur la tête et parcourut à la hâte la distance qui le séparait de l’appentis adossé au mur de la maison adjacente. Il y préleva une pioche et une pelle, puis se dirigea vers le fond du jardin, à l’arrière de l’habitation. En fin de compte, cette pluie avait du bon. Personne n’irait prêter attention à lui. Une enceinte élevée faisait frontière entre la propriété et le cimetière communal et de toute façon, avec ce qu’il dégringolait, aucun quidam ne songerait à s’y promener. Quant aux voisins, un jeune couple avec deux enfants qui avait emménagé il y a peu, ils se trouvaient sûrement en ce moment sur une des plages bondées de la Côte d’Azur.

Depuis qu’ils étaient arrivés dans le quartier, il n’avait pas cherché à faire leur connaissance, hormis quelques salutations par-dessus la haie. André, le mari, avait l’air sympathique et était bien mis de sa personne, se rendant à son travail en costume trois-pièces et cravate, tenue convenant tout à fait à ses fonctions de cadre dans une agence bancaire. Par contre, il n’aimait définitivement pas le genre de sa femme, de laquelle il n’avait pas voulu retenir le prénom, aguicheuse maquillée à outrance, qui semblait ne rien avoir à faire de ses journées, s’exhibant dans des jupes ultracourtes et des hauts qui épousaient ses formes et révélaient l’absence de soutien-gorge, ce qu’il trouvait être le comble de la vulgarité. C’était le type même de la femelle qui se pensait libérée parce qu’elle s’affichait sans pudeur et qui le mettait mal à l’aise.

Le fils devait être âgé d’environ huit ans. C’était un petit gros qui se gavait de bonbons et de pâtisserie à longueur de journée. Plusieurs fois, il l’avait croisé dans la rue et ce jeune malappris ne lui avait même pas dit bonjour. La fillette, quant à elle, avait à peu près l’âge de sa fille. Elle partageait avec elle de longs cheveux blonds et de grands yeux azur. Il savait qu’elle s’appelait Cassandra. Il l’observait souvent, quand elle se berçait sur la balançoire du jardin, pendant que sa mère, impudique, s’offrait au soleil et à la vue des passants dans un maillot de bain minuscule au bord de la piscinette installée au milieu du terrain. Il eût aimé que les deux enfants se liassent d’amitié et que Cassandra vînt parfois jouer à la maison. Malheureusement, sa propre fille était particulièrement sauvageonne et refusait la compagnie de quiconque en dehors de la sienne et de celle de sa maman. Il ne savait comment favoriser la rencontre. Seule la prudence l’avait retenu jusque-là de se montrer téméraire et d’entreprendre quoi que ce fût. Les gens sont tellement suspicieux, quand il s’agit de leur progéniture!

Affrontant l’orage, il déplaça un à un les rondins entassés qui attendaient l’hiver pour être brûlés dans le poêle en fonte trônant dans le salon. Une fois le déménagement effectué, il s’attela à la tâche la plus harassante, mais aussi la plus importante. À coups de pioche et de pelle, il creusa une fosse profonde, plus ou moins de la taille d’un gros chien. Malgré la pluie qui avait redoublé d’intensité, il était en sueur. Remuer cette terre devenue lourde n’était pas une besogne aisée. Il n’avait pas l’habitude des activités physiques, mais il n’avait pas le choix. Vivienne finissait sa journée de travail à sept heures et demie et il ne lui faudrait pas plus de vingt minutes pour arriver à la maison. En cette période de vacances, il était même possible qu’elle rentrât un peu plus tôt, n’ayant pas à affronter l’intense circulation habituelle des autres mois de l’année. Il fallait absolument que tout fût terminé au retour de sa femme.

L’opération dura près d’une heure. Pendant ce temps, il ne cessa d’émettre des imprécations, se maudissant pour son imprudence et la manière dont s’étaient déroulés les événements. Mais aussi était-ce de sa faute si la petite, d’ordinaire si docile, avait aujourd’hui montré autant de mauvaise volonté? Si elle l’avait laissé faire, comme cela avait été le cas jusqu’à présent, il ne serait pas dans cette situation. C’est ce qu’il y a de terrible, avec les enfants. On ne peut jamais prévoir leurs réactions. Le fait qu’elle sortît d’une varicelle qui l’avait contrainte au lit ces dernières semaines ne pouvait en aucun cas excuser son manque d’entrain dans les activités qu’ils avaient toujours partagées et auxquelles elle semblait prendre plaisir.

Au lieu de ça, elle avait préféré jouer avec le mobile au-dessus de son lit, un Pierrot assis sur une lune, qu’elle affectionnait depuis toute petite et qui l’avait accompagnée durant sa maladie. Devant sa réticence, il s’était énervé et avait cassé le jouet, causant les pleurs hystériques de la fillette, crise qui avait abouti à son accès de colère et engendré la volée de gifles fatales. Ces semaines de privation l’avaient mis à cran. Pourtant, il n’était pas dans ses intentions de lui faire du mal. Mais comment eût-il pu s’attendre à ce que sa tête allât frapper le rebord du lit et la faire sombrer dans l’inconscience?

Lorsqu’il fut satisfait de la taille de son trou, il rentra à la maison. Sur le palier, il se déshabilla complètement afin de ne pas salir les lieux, ce qui l’eût obligé à procéder à un fastidieux nettoyage. Il aura déjà assez à faire dans la chambre. Quand elle était revenue à elle, l’enfant avait vomi, puis avait resombré dans l’inconscience, définitivement, cette fois. Il se dirigea vers la gamine et resta un petit moment à la contempler. Ses longs cheveux blonds, ses yeux bleu profond et son teint clair l’émurent, comme ç’avait été le cas depuis cinq ans. Il se baissa et l’embrassa tendrement. Ensuite, il la prit dans ses bras et ressortit avec elle. La pluie avait diminué d’intensité. Il rendossa ses vêtements et retourna au jardin. Il déposa son fardeau à terre, courut à l’appentis, en extirpa une bâche en plastique et regagna son chantier. Il déroula la toile et en enveloppa l’enfant. Après quoi, il coucha la bambine au fond du trou. Il reboucha soigneusement le tout, remit le tas de bois en place de manière à masquer l’excavation, nettoya et rangea ses outils et, satisfait, s’en revint chez lui.

Après avoir effacé les traces de son délit et refait la chambre, il se doucha longuement, puis se dirigea vers le téléphone et composa le numéro de la gendarmerie:

— Je voudrais vous signaler la disparition de ma fille Clara.
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Le poète a dit qu’un seul être nous manque et tout est dépeuplé. Le chansonnier lui a répondu que la solitude, ça n’existe pas. Qui croire? Avec la perte de l’être cher, c’est toute la vie de celui qui reste qui se vide. Il est dépouillé de son essence même, il n’a plus de raison d’être. Un arbre sans feuilles ne peut donner d’ombre, une rivière sans eau n’abreuve personne, une ville sans habitants est une cité sans âme. Et pourtant, seul, il ne l’est jamais totalement. La famille, les amis, les connaissances, chacun lui apporte son soutien, partage sa douleur, comprend sa peine, promet de rester à disposition à n’importe quel moment du jour ou de la nuit.
Mais partager sa douleur, c’est comme dispenser l’amour, on ne s’en trouve dépouillé d’aucune part. La peine d’autrui ne se comprend pas, chacun vit la sienne à sa manière, mystérieuse pour les autres. On est aux petits soins de sa personne, trop, bien souvent, jusqu’à l’étouffement. Il en vient à manquer d’air, à la désirer, cette solitude qu’il ne voudrait partager qu’avec le seul disparu. Puis le temps passe, pour lui comme pour le reste du monde. Il s’écoule simplement plus vite pour le bienheureux. Ce n’est qu’une question de relativité, en somme. Un matin, il se rend compte que les visites s’espacent, que le téléphone sonne plus rarement. On parle d’autres choses, on ne mentionne pas le défunt en sa présence, on fait attention aux mots que l’on prononce, craignant de réveiller un souvenir et, par les larmes qui en découlent, retarder la guérison d’une blessure qui peine à cicatriser. Ce n’est pas de l’indifférence, ce n’est pas de l’égoïsme, c’est tout simplement que la vie continue son cours. Et elle n’a que faire, la vie, de ceux qui sont tombés à l’arrière. Elle ne veut pas s’offrir le luxe de regarder derrière elle. Avançant de concert avec son compère le temps, c’est l’avenir qui est l’objet de son attention. Il faut penser aux vivants et oublier les morts.
Et lui, qui n’est plus qu’un survivant, finit par se retrouver tout à fait seul, avec des images, des sons, des odeurs. Des amertumes et des regrets. Des si qui restent en suspens. Des pourquoi sans réponse. Des comment sans solution. Cette solitude tant aspirée lui est maintenant pesante. Il voudrait une épaule disponible à volonté pour pleurer dessus. Mais cette épaule a trop à faire. Elle a ses soucis personnels, peut-être même ses propres chagrins, ses peines. Elle accorde quelques instants et retourne à ses préoccupations.
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Avais-je envie de passer le plus clair de mon temps recluse, prisonnière de mes frayeurs ? Devais-je m’attendre à sursauter au moindre bruit, à constamment me retourner pour vérifier que personne ne me suivît ? En viendrais-je à refuser tout contact avec l’extérieur, à me couper du monde ? Sur le coup, cela pouvait sembler improbable, mais qu’en serait-il, dans les dix années à venir ? C’était de suite qu’il me fallait réagir. J’avais déjà surmonté bien trop d’épreuves, pour me permettre de baisser les bras à ce stade.
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Par le hublot, j’observe les lumières de la ville qui, petit à petit, disparaissent. Me voyant sombre, papa m’en demande la raison, mais devant mon silence, il n’insiste pas. Il doit penser que mon humeur est due au retour, après un séjour bien trop court. De toute façon, il se doute bien que je lui dirai ce que j’ai sur le cœur, au moment opportun. Il pose sa main sur ma joue, mais je tourne la tête et ferme les yeux. Dans près de quinze heures, ce sera l’escale à Singapour, puis, dix heures après, l’arrivée à Zurich. Il ne nous restera plus qu’à monter dans le train qui nous ramènera à la maison.
L’appareil a maintenant crevé les nuages. Au-dessus de nous, le scintillement des étoiles a remplacé les éclats artificiels de la métropole. Morose, je sasse et ressasse les circonstances qui m’ont conduite à entreprendre ce long voyage et dont les racines se trouvent profondément ancrées dans les années de ma prime enfance, événements qui marqueront à jamais ma vie.
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La vie est une rose et souvent, nous nous blessons à ses épines. Mais nous savons que c’est le prix à payer pour profiter de la beauté de la fleur. Ainsi, pour paraphraser quelqu’un, au lieu de nous plaindre de ce que les roses ont des épines, réjouissons-nous au contraire de ce que les épines aient des roses. Pourtant après toutes ces épreuves, j’étais plutôt encline à observer que quand la rose était fanée, il ne restait que les spinules.

– Tu as raison. Mais si tu prends soin du rosier, que tu le nourris et que tu l’arroses, quand revient la saison, il fleurit de nouveau.
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