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Citations sur Oeuvres complètes, tome 1 : Oeuvres poétiques (24)

Les chiens d’Asnières

On enterre les chiens on enterre les chats
on enterre les chevaux on enterre les hommes
on enterre l’espoir on enterre la vie
on enterre l’amour – les amours
on enterre les amours – l’amour
on enterre en silence le silence
on enterre en paix – la paix
la paix – la paix la plus profonde
sous une couche de petits graviers multicolores
de coquilles Saint-Jacques et de fleurs multicolores

il y a une tombe pour tout
à condition d’attendre
il fait nuit il fait jour
à condition d’attendre

la Seine descend vers la mer
l’île immobile ne descend pas
la Seine remontera vers sa source
à condition d’attendre
et l’île naviguera vers le Havre de Grâce
à condition d’attendre

on enterre les chiens on enterre les chats
deux espèces qui ne s’aiment pas



Raymond Queneau (1903-1976)

Il faut entendre ce texte dit par Philippe Noiret, à retrouver sur le site de France Inter, "La prochaine fois, je vous le chanterai" de Philippe Meyer, en date du 9 février 2013.

lien : http://www.franceinter.fr/emission-la-prochaine-fois-je-vous-le-chanterai-hors-les-murs-la-banlieue ( +/- à 9'15" du début de l'émission mais tout s'écoute avec infiniment de plaisir.).

Bien à vous,

Phil

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Battre la campagne

ENCORE LE CYCLE DE L'EAU


La pluie vadrouille entre les chênes
se frotte aux nids de lichens
s'enfonce à travers l'humus
on la croit morte ou perdue

sassé par les branches torses
le soleil sèche feuilles écorces
voici la pluie réapparue
elle renaît dans ce ru

elle ira jusqu'aux usines
jusqu'aux égouts jusqu'aux sardines
et reviendra comme autre plu-
ie verdir les chênes orangés

p.466
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Le Chien à la mandoline

LES HÉRULES SONT LÀ


Jujule
où as-tu mis la pâte de jujube

dis-moi
où l'as-tu mise cette absulde pâte de jujube
ce jujube qui pullule habituellement entre tes doigts
entre tes pattes
ah Jupatte
toujours le même
toujours le même
toujours le même sale con

ah ça Jujule
faut que je te jugule
faudra bien qu'un jour je te jugule
Jujule
que je t'attrape par la jugulaire
et que je te traîne dans la poussière
que je te mette la lunule en l'air
que je te dédore la pilule
ta pilule de sale con
au fait Jujule
où as-tu mis les pilules
où est-ce que tu as mis les pilules qui pullulent
— qui pullulent entre tes doigts de con
les pilules de Jujube
les si bonnes pilules de Jujube
que l'on fabriquait au temps de l'empereur Jules

mais Jujule ne le sait pas au juste
et moi je m'appelle Romulus Augustule

p.262-263
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Poèmes inédits 1919-1939

S'AMUSER SANS SE FATIGUER


Une femme de vache à la tête d'orange
           Étrange étrange étrange
Dérobait du susucre à un vétérinaire
Qui fabriquait un cercle avecques des losanges
           Étrange étrange étrange
Lorsqu'il eut aperçu ce méfait sublunaire
Le bonhomme enleva sa tête de rechange
           Étrange étrange étrange
Et s'assit sur un lit perpendiculaire

p.749
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Poèmes inédits


Les nuages ont percé leur abcès transatlantique
la pluie, la longue pluie, infiniment tombe
lignant le ciel de ses longs fils gris
En violet les maisons et les boutiques
Elle ronge les métaux rouillés
et coule le long des murailles.
Là-bas, la mer si lointaine
confondu avec le ciel indéfini,
vert et bleu uniformément.
Le Soleil périclite et s'écroule
derrière la foule
Les nuées.
Les franges de l'Océan
troublé par les vents
roulent les galets,
bruit des peupliers
balancés en longues théories
Encore un automne et les feuilles
Couleur de chevreuil
mélancolies durant la pluie
le vent de Novembre
qui vient souffler jusque dans ma chambre

        Octobre 1919-février 1920.

p.725
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Battre la campagne

DESTIN D'UNE EAU


Où cours-tu, ru ?
où cours-tu, ru,
au fond des bois ?
agile comme une ficelle
tu coules liquide étincelle
qui éclaire les fougères
minces souples et légères
abandonnant derrière toi
la mobile splendeur des bois

où cours-tu, ru ?
où cours-tu, ru,
du fond des bois
tu te précipites à la mort
tu perdras tes eaux vivaces
dans un courant bien plus fort
que le tien qui se prélasse
au pied des fougères
minces souples et légères
ignorant sans doute tout ce qui t'attend
la rivière le fleuve et le dévorant océan

p.522
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Fendre les flots

CAPITAINE DE PORT


La sécrétion blanche
de l'écume de mer
flotte entre les dents
du loup qui s'endort
sur le petit banc
tout au fond du port
est-ce toi grand-père ?
est-ce toi tonton ?
la navigation
tourne tourne en rond
dans la fumée grasse
on marche au charbon
et puis on s'arrête
au seuil du poème
qui l'écrira donc ?
est-ce toi grand-père ?
tu sais des chansons
j'ignore les airs
mais tu es parti
et ta place vide
se chauffe au soleil
le poème écrit
se termine ici

p.573
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Poèmes inédits 1919-1939

La Guerre et au-delà


au fond d'un cornichon
vivait un ver de terre
il était en prison
le pauvre cornichon
dans un bocal de verre
dans un bocal tout rond
et rempli de vinaigre
liquide acidulé
dans lequel vivotaient
des cornichons ses frères
un jour du mois d'août
se dit la pauvre bête
il faudrait être fou
lorsque tout est en fête
de rester à moisir
au fond d'une conserve
suivant cette impulsion
il sortit sa tite tête
et d'abord avala
de l'acide acétique
nageant plein d'énergie
le plafond il creva
de papier savonné
c'était la Saint-Jean d'été
dans le feu il sauta
puis il se maria
avec un ver de terre
hermaphrodite aussi
telle est, telle est la vie
des pauvres cornichons

p.798
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Battre la campagne

LA MAIN A LA PLUME


J'écrirai des poèmes
sur le lait le beurre la crème
j'écrirai des odes en vers heptasyllabiques
sur les vaches les brebis les biques
j'écrirai des myriades de myriades de sonnets
sur le vent qui couche les lourds épis de blé
j'écrirai des chansons
sur les mouches et les charançons
j'écrirai des sextines
sur les fonds de jardin où se mussent les latrines
j'écrirai des phrases obscures
sur l'agriculture
j'utiliserai des métonymies et des métaphores
pour parler de la vie des porcs et de leur mort
j'utiliserai l'assonance et la rime
pour parler des prés, de la forêt, de la campagne
j'écrirai des poèmes
la main sur la charrue du vocabulaire

p.465-466
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Le Chien à la mandoline
Sonnets

DODO, L’ENFANT UT


Enfants qui déchiffrez dans l’ambre des agathes
Des entrailles le miel du lapins étendues
Sur l’étal du marchand avec leurs quatre pattes
Pour qu’ils ne courent pas deux ensemble cousues

Enfants qui préférez le goût des aromates
Au vol des papillons sur les pousses touffues
Y semant le pollen de leurs corps antennates
Exemples confondants des ères révolues

Enfants qui déchiffrez dans le cercle de lune
Un bûcheron bossu qui porte sa fortune
Quelques fagots de bois valant bien quatre sous

Enfants qui dans la nuit apercevez la hune
De bateaux sinistrés recouverts par la dune
Enfants vous qui rêvez enfants endormez-vous

p.325
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