“Le désir, c'est le désastre.”
Avoir une âme, cela veut dire avoir un secret.
Corollaire. Peu de monde a une âme.
L’injonction au secret est universelle parce qu’elle caractérise tous les rituels d’initiation.
« Mystique » dans sa forme grecque signifie de façon directe et impérative ce devoir de silence auquel sont astreints les « mystes » à l’égard des « mystères » dont ils viennent de faire l’épreuve.
On transmet ce qu’on ignore avec ce que l’on croit savoir.
Je cherche une pensée aussi impliquée dans son penseur que le rêve peut l’être pour le dormeur.
Ceux qui aiment ardemment les livres constituent, sans qu'ils le sachent, la seule société secrète exceptionnellement individualisée. La curiosité de tout et une dissociation sans âge les rassemblent sans qu'ils se rencontrent jamais.
Leurs choix ne correspondent pas à ceux des éditeurs, c'est-à-dire du marché. Ni à ceux des professeurs, c'est-à-dire du code. Ni à ceux des historiens, c'est-à-dire du pouvoir.
Ils ne respectent pas le goût des autres. Ils vont se loger plutôt dans les interstices et les replis, la solitude, les oublis, les confins du temps, les moeurs passionnées, les zones d'ombre, les bois des cerfs, les coupe-papier en ivoire.
Ils forment à eux seuls une bibliothèque de vies brèves mais nombreuses. Ils s'entre-lisent dans le silence, à la lueur des chandelles, dans le recoin de leur bibliothèque tandis que la classe des guerriers s'entre-tue avec fracas sur les champs de bataille et que celle des marchands s'entre-dévore en criaillant dans la lumière tombant à plomb sur les places des bourgs ou sur la surface des écrans gris, rectangulaires et fascinants qui se sont substitués à ces places.
Il y a dans toute passion un point de rassasiement qui est effroyable. Quand on arrive à ce point, on sait soudain qu’impuissant à augmenter la fièvre de ce qu’on est en train de vivre, ou même incapable de la perpétuer, elle va mourir.
On n’aime qu’une fois. Et la seule fois où on aime on l’ignore puisqu’on la découvre.
Elle disait sans cesse de tout ce qu’elle faisait, quoi qu’elle fît, qu’elle s’en mordait les lèvres.
Pourquoi l’âme tremble-t-elle quand le coude effleure par hasard le bras d’une femme qui est encore complètement inconnue ?