« le Faussaire de Hambourg » est le dernier tome de la Trilogie Hambourgeoise, de
Cay Rademacher, que j'avais découverte avec son deuxième volet, «
L' orphelin des docks ». Vous pouvez lire ce troisième volume indépendamment, les éléments fournis concernant le personnage principal et ceux qui l'entourent sont suffisants pour les situer.
Trois ans après la fin de la guerre, la ville de Hambourg, appartenant à la zone sous contrôle des forces britanniques, militairement présentes, n'émerge que très difficilement de ses décombres. Les tickets de rationnement sont encore à l'ordre du jour, le marché noir sévit et les conditions de vie de la population sont loin d'être confortables.
Parce qu'elles ont découvert, dans un ancien immeuble dont un pan de mur vient de s'écrouler, des objets d'art mais surtout un cadavre, des Trümmerfrauen (femmes fouillant les ruines) préviennent les autorités.
L'inspecteur en chef Franck Stave est chargé d'enquêter sur les oeuvres d'art, mais pas sur le corps : après avoir reçu une balle qui a failli lui coûter la vie, il a en effet décidé de quitter la brigade des Homicides pour rejoindre l'Office de lutte contre le marché noir. Il ne peut malgré tout s'empêcher d'être intrigué par ce mort inconnu car divers détails sont troublants et son collègue Dönnecke, au passé douteux, s'est un peu trop vite empressé de classer l'affaire.
Dans le cadre de ses fonctions, d'autres investigations l'occupent aussi, concernant des coupures de fausse monnaie : elles ont été repérées alors même que les alliés s'apprêtent à en lancer une nouvelle, le deutsche mark, et risquent donc de compromettre la confiance qu'elle est censée susciter.
Cette fois encore, il ne faut pas s'attendre à un rythme trépidant : « le faussaire de Hambourg » est un polar qui prend son temps (et le lieutenant MacDonald, qui dynamise un peu les choses lorsqu'il fait équipe avec Stave, n'est que peu présent dans cet opus). Mais Stave, flic tenace en plus d'être un policier intègre n'ayant jamais sympathisé avec les nazis, persévère et on finira par avoir le fin mot des deux histoires.
La ville de Hambourg est, comme dans le tome précédent, le personnage principal et le roman ne pourra qu'intéresser ceux qui sont curieux de l'Allemagne en général et de celle d'après-guerre en particulier. Les oeuvres d'art mises au jour rappellent celles qui ont été saisies en 1937 pour être exposées en tant que représentantes de ce que les nazis qualifiaient d' « art dégénéré ». Quelques personnages croisés (certains ayant existé et, à ce propos, la postface de l'auteur permettant au lecteur de démêler le vrai de la fiction est un modèle de limpidité), au passé récent peu glorieux mais qui ont réussi à ne pas être mis sur la touche en arguant du fait qu'ils avaient agi sous la contrainte, sont l'occasion de revenir sur la dénazification opérée par les alliés juste après la fin de la guerre.
On se penche aussi sur les circonstances et les enjeux de la naissance du deutsche mark : le jour J, celui où la nouvelle monnaie sera mise en circulation, avec un quota distribué par habitant et l'affichage de la (très faible) valeur résiduelle du reichsmark qu'elle remplace, est attendu fébrilement par les Hambourgeois. Et lorsqu'il survient, ô miracle, les commerçants se mettent soudain à garnir leurs vitrines comme autrefois et il semble qu'on puisse recommencer à vivre normalement, même si l'inquiétude ressurgit avec dans la foulée le démarrage du blocus de Berlin, le 24 juin 1948.
« le faussaire de Hambourg » apporte enfin quelques réponses aux questions que Stave se posait au sujet de ceux qu'il aime, son paysage s'éclaircit et s'ouvre sur des perspectives d'avenir : de quoi se reconstruire par-dessus les ruines.
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