Que se cache-t-il derrière les portes d'une maison close ? Les murs du Pilar, établissement de plaisirs charnels d'un certain standing à Plymouth, entendent nombre d'aventures dont voici la narration. Tout commence avec le retour du vaisseau « Last Chance » dont l'un des capitaines est immédiatement convoqué pour une mission top secrète. Quand cette intrigue mystérieuse entrera-t-elle en contact avec les prostituées du Pilar ? Nul ne le sait, si ce n'est, évidemment, l'autrice
Teresa Radice. La scénariste italienne parvient à imbriquer les histoires les unes aux autres de façon à ce que le lecteur pense lire une sorte de journal intime en images, une succession d'événements liés de près ou de loin aux demoiselles aux moeurs légères…
C'est ainsi que le maori dénommé Tane, fraîchement débarqué à bord d'un autre trois mats, le Cormoran, cherche à revendre divers objets, des bijoux tribaux notamment, aux filles du Pilar dans l'espoir de récolter assez d'argent pour repartir en Nouvelle-Zélande. Mais au lieu de pièces sonnantes et trébuchantes, il devient le garde-du-corps de ces belles face aux clients parfois trop éméchés et/ou violents. Ce géant tatoué a beau n'avoir qu'un bras, il a une force colossale et un coeur d'or. Ses histoires sont également attrayantes, quand il narre les recherches d'un scientifique, hélas mort en mer, dans les forêts encore inexplorées de cette île proche de l'Australie.
Autant dire que même en restant entre les murs de la maison close, l'imaginaire voyage. Soit par les récits des clients et de Tane, soit par les sorties de l'une ou l'autre d'entre elles. Notamment à cause, ou grâce à ce professeur dont les travaux étaient toujours à bord du Cormoran et sujet à conflits d'intérêt scientifiques majeurs pouvant rapporter gros. Mais trêve de détails scénaristiques pour s'épancher sur le dessin de l'époux et collègue de notre autrice :
Stefano Turconi. Dans un choix certainement délibéré du format de l'ouvrage et des pages en papier mat, l'impression de journal intime, de carnet de bord persiste ; si ce n'est un tracé net et régulier, on pourrait imaginer le graphiste avec ses crayons, ses peintures, … pour donner vie aux aventures imaginées par son épouse.
«
Les filles des marins perdus » ça pourrait être ça : un recueil savamment mis en relief graphique et scénaristique, un dessin accrocheur, aux visages sympathiques pour les héroïnes pour des aventures tantôt romanesques comme les livres de la bibliothèque de l'ancienne tenancière du bordel, rencontrée dans l'album «
le port des marins perdus » nommés aux Samb'or 2016, tantôt un vécu rocambolesque et romantique comme le veut l'époque où les faits se déroulent. Pour un peu, on pourrait imaginer le Péquod, baleinier dans Moby Dick amarré comme les autres près du port, attendant de lever l'ancre… Tane a d'ailleurs tout du géant amérindien du classique de la littérature.
Un récit attrayant, aux personnages attachants et aux aventures encore à venir pour la belle June et les protagonistes mis petit à petit en place dans ce premier tome.
Lien :
https://sambabd.net/2020/12/..