La Madone de Notre-Dame

Et depuis quand la peur a-t-elle valeur d'aveu ? Depuis quand l'égarement et la maladie mentale ont-ils valeur d'aveu ? Depuis quand la mort a-t-elle valeur d'aveu ? L'avez-vous seulement écouté, ce garçon ? Lui avez-vous seulement parlé ?

Agir avant qu'il ne soit trop tard, agir tant que la liberté de choix et d'action est là. Enfin il pensa à son frère. Agir, agir avant que la mort ne vienne nous cueillir, agir avant de finir en poussière. Agir avant d'être enterré sous les regrets et les pelletées de terre.

Il pensa au conseil donné par l'assassin : prier, oui, mais agir aussi ; agir avant qu'il ne soit trop tard, agir tant que la liberté de choix et d'action est là.

La touriste fit un signe de croix puis s’approcha du banc. Dans un murmure empreint d’un fort accent, elle demanda à la jeune femme en blanc s’il lui était possible de s’asseoir à ses côtés pour prier. Celle-ci ne daigna pas répondre, invariablement figée, le regard aimanté par la statue de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs. L’Américaine, après avoir répété sa question sans davantage obtenir de réponse, finit par poser son séant sur le banc dont le bois craqua sous l’effort. Alors, comme dans un cauchemar venu du plus profond de la nuit, la madone blanche hocha la tête. Son menton vint se poser sur sa poitrine puis, en douceur, presque avec grâce, son corps entier bascula vers l’avant et s’effondra sur le dallage à damier.

C’est alors que la grosse Américaine se mit à hurler.

Kern acquiesça. Ils reprirent la direction de la sacristie. en chemin. Ils passèrent devant la vierge au pilier et kerne demanda une minute de solitude à la jeune magistrate. Il s'agenouilla sur les marches du podium, puis il ferma les yeux et joignit les mais en signe de prière. Ses lèvres murmurèrent des mots que Claire Kauffmann ne put saisir de là où elle se tenait. Le père leva son regard vers la vierge de pierre. Son visage diaphane semblait avoir retrouvé sa quiétude légendaire, et dans la lumière du soir qui baignait la cathédrale, elle paraissait plus blanche encore.

Que faire ? Où aller ? Qui voir ? Depuis qu'il était aumônier à Poissy, il avait appris à aborder cette machine immense avec prudence : la Justice française,aux buts si nobles en apparence, à la fonction si nécessaire, et qui pourtant offrirait un visage si différent selon qui lui faisait face.
(p89)

La peur universelle à la vue d'une arme. Celle qui détermine en un instant qui est l'esclave et qui est le maître.

La centrale, tu vois, ça te laisse le temps de réfléchir, refaire à l'infini le petit film de ta vie. Tourner tout ça dans tous les sens. Admettre qu'il n'y a plus moyen de faire machine arrière.
Je sais bien.
Ressasser. Ici c'est ça la vraie torture : ressasser ses erreurs en attendant de crever. Le purgatoire avant l'enfer, quoi.

Je le crois terriblement coupable. Coupable d'avoir mal interprété les Écritures, d'avoir changé la Vierge en idole. D'avoir cédé à la facilité de l'intolérance, à la facilité de la bêtise. Ce garçon est un illuminé et un paumé.