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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Pourriez-vous enseigner sans avoir appris ?

L'auteur débute par le récit-socle de son ouvrage, l'expérience du français Joseph Jacotot qui, au tournant du XIXème siècle, parvint à enseigner le français à ses étudiants des Pays-Bas, tout en ignorant lui-même le flamand ! Ils ont appris sans comprendre autrement dit sans explications (Hartelijk gefeliciteerd !).

Nous sommes d'accord pour reconnaître que l'explication est nécessaire en pédagogie, la parole du maître, qui pourtant disparaît dans l'instant, l'emporte sur l'écrit indélébile du manuel donné par les parents par exemple. C'est par cet acte que la famille ne peut se substituer au maître, l'art de l'explication, l'art des raisonnements. Et le maître est seul juge du moment où l'élève a compris les explications.

Jacotot, et Rancière après lui, veulent torpiller ce postulat. Car pourtant chaque enfant, quelle que soit ses origines sociales, dans le monde, fait déjà un apprentissage conséquent sans maître : celui de la langue maternelle. Alors pourquoi décréter ensuite qu'il a besoin de maître pour apprendre ? C'est tout le postulat qui fait dire qu'il faut soi-même savoir pour transmettre et apprendre et qui divise le monde entre maîtres et élèves, entre intelligents et ignorants.

Pour Jacotot c'est un abrutissement. L'élève fait le deuil du fait qu'il ne peut pas comprendre sans explications. L'émancipation, est le but et le moyen de l'enseignement universel « il faut apprendre quelque chose et y rapporter tout le reste ».

Le maître ignorant n'est pas là pour corriger, pour permettre à l'élève de faire l'économie de quoi que ce soit mais pour juger de la radicalité de son effort et de sa vigilance : en d'autres termes de son attention, qui est la condition sine qua non de son apprentissage.

On comprend bien que l'émancipation est l'effort personnel de se croire à égalité et c'est ainsi le contraire de l'abrutissement. Ce dernier consistant à croire en des intelligences supérieures et inférieures et sans moyen pour l'intelligence supérieure de se faire comprendre et sans moyens pour l'inférieure de vérifier le raisonnement de l'intelligence supérieure qui débouche sur un dialogue « entre un aveugle et un chien ».

A la lecture de cet ouvrage on s'interroge : une société émancipée, si nous partons du principe qu'elle est faisable, repense entièrement l'organisation de l'instruction mais aussi du travail et de la vie en communauté. En fin de compte, la question n'est pas tant « est-ce faisable ? » mais « souhaite-t-on dans notre société des individus égaux, émancipés, en lieu et place des « abrutis » que la société produit actuellement ? (Le terme « abruti » a un sens qui lui est propre chez Jacques Rancière et n'est pas synonyme de bêtise, de sorte qu'on peut se lâcher sans culpabilité, absous de l'onction philosophique, un peu à la façon du « salaud » de l'existentialisme Sartrien).

Pour l'auteur c'est le mépris qui empêche les individus d'utiliser la raison et de se considérer comme des égaux. le mépris est la passion de l'inégalité : il se manifeste par une humilité qui n'est que paresse et qui cache en creux une supériorité latente (je ne peux pas faire ça moi, mais sous-entendu, je suis au-dessus de ça). L'auteur développe également une théorie sociale, sur le modèle scientifique : si chaque individu est intelligent, la société n'est pas pour autant une intelligence collective.

Jacques Rancière rend hommage à Jacotot, ce pédagogue singulier de l'émancipation intellectuelle qui déboulonne bien des postulats sociaux, que nous avons encore aujourd'hui dans l'organisation de l'éducation nationale, et qui participent, au-delà de l'éducation, à la hiérarchie sociale dans le travail, dans la vie citoyenne etc…Dommage que le philosophe et enseignant Rancière n'ait pas poussé la révérence jusqu'à essayer à son tour les méthodes de Jacotot.

Au sortir on a aussi envie de lire « Les Aventures de Télémaque » de Fénelon, comme ces jeunes néerlandais qui ont appris le français sur la seule base de cet ouvrage en édition bilingue.

Qu'en pensez-vous ?
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Partant de préceptes tels que "qui enseigne sans émanciper abruti" ma foi fort justes, je reste néanmoins circonspect sur les méthodes d'enseignement prônées ici.
J'aurais aimé trouver des exemples concrets de ce type d'enseignement autre que celui de Jacotot de 1818(exemple qu'il aurait peut être pu trouver dans l'application de ces méthodes à son enseignement, J.Ranciere enseignant la philosophie)
Néanmoins la volonté de vouloir émanciper "l'esclave" d'un enseignement conçu pour qu'il se maintienne à son statut est louable et en cela la lecture du maître ignorant pourra intéresser ceux se questionnant quant à la pédagogie.
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Rancière retrace l'épopée de Jacotot qui, au début du XIXe, affirma qu'il n'était nul besoin de connaître une matière pour l'enseigner à ses élèves. Plein de belles idées égalitaristes et pédagogiques mais on s'interrogera sur la faisabilité actuelle de la méthode.
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Un essai édifiant que l'on aurait dû nous faire lire à l'IUFM.
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