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5 ETOILES.
(je ne sais par quel miracle ou fausse manipulation un peu plus de trois étoiles ont été mentionnées).

Je remercie Albin Michel mais aussi Babelio. Ils m'ont adressé ce livre dans le cadre de Masse critique privilégiée. Sur le coup je me suis dit que j'avais beaucoup de chance de traverser le paradis. En fait j'ai côtoyé le très-bas. Merci à eux de m'avoir permis de mesurer ma capacité à assumer cette lecture jusqu'au bout et de témoigner : Un beau roman n'est pas toujours un pur moment de détente.
La confusion, le désordre, la douleur dans lesquels je me suis engagée volontairement me laissent encore un brin de lucidité pour me dire que oui, j'ai la chance de ne pas avoir vécu à cet endroit, à cette époque précise.

Au coeur de la nuit je confie mon ressenti sur cet ouvrage cette période terrifiante ou parler demeure un risque, aimer n'est pas de bon augure et espérer malheureusement vain. . Durant ces longues heures de lecture j'ai suivi les personnages propulsés entre les entrailles de l'enfer et les modestes remontées lumineuses qui ne mènent nulle part ou presque ! .

Russie. 1917. Régime Tsariste renversé. 1920. Révolution bolchévique. Lénine. Trotski. Staline. Armée rouge. Dictature du Prolétariat. Camps. Famine. Micros. Traque. Misère. Arrestation .Compromissions. Dénonciations. Supplices. Calculs. Manipulations. Famine, Arrestation. Camps. Misère. Pain noir. Privations. Camps. Supplices……Faim, prostitution, supplices, espionnage. Rien. Misère. Liberté, Jamais. Néant. Peur, Toujours. Toujours…... Souffrir toujours. Non plus jamais. Finir. Partir. Mourir.


« C'est une formidable leçon de vie, non ? On découvre enfin la condition de nos semblables. Tous dans la merde : c'est ça, la véritable égalité entre les hommes. »…… « Alors, je le dis, je le proclame : la Révolution, c'est un monstrueux cauchemar. » (Page 460)


C'est dans ce contexte violent que l'auteur, Antoine Rault a choisi de tremper sa plume. J'ai rencontré Karl Radek, Djerzinski, Tchicherine et bien d'autres camarades de Lénine.

Qu'ils aient été commandités par le diable en personne je ne suis pas loin de le penser. Antoine Rault a démontré la force d'un régime oppressif révolutionnaire, la force d'un groupe d'hommes s'appuyant sur un idéal, sur les propos d'un tribun, sur leur pouvoir soudain, pouvoir dont ils abusaient ou sur la peur qu'ils suscitaient. Les 550 pages de ce roman racontent une belle histoire avec comme toile de fond Moscou « Meurtrie et misérable …… dévastée », habitée par un peuple asservi au coeur duquel règne le régime bolchévique en maître absolu.

Oui c'est une belle histoire qui nous est racontée. L'histoire de Charles, le personnage principal, autour duquel se greffent d'autres combats, d'autres situations tout aussi réalistes, d'autres profils tout aussi convaincants, tout aussi attachants ou méprisables.
J'ai été invitée à le suivre Charles, à être témoin de ses doutes, de ses émotions les plus intimes, de ses rencontres les plus improbables. Il n'est pas Russe mais il veut être là. « Ça sent l'urine, les excréments et les ordures » mais c'est son choix. « Un cadavre gît contre terre, corps décharné flottant dans un vieux manteau, l'air d'un épouvantail renversé », mais c'est à Moscou qu'il doit être. « Parce que l'absence rend l'amour idéal » il résistera contre tous !

Avant de conclure je me dois de parler du style d'Antoine Rault, qui ne peut laisser indifférent. Un livre rythmé soutenu par des phrases courtes, des explications claires et des idées bien campées font du récit un torrent limpide, bouillonnant et documenté. Les dialogues animent les personnages malgré la mort qui rôde.

Mais le tour de force de l'auteur, à mon avis, est d'avoir ancré des passages de pure poésie au milieu de ce fatras de désolation, comme si, ayant conscience de nous avoir bousculés, il nous offrait régulièrement une respiration. Et quelles respirations ! jugez plutôt :
« La Fontanka. Les eaux de la rivière dansent et se dressent en petites vagues tranchantes comme des lames d'argent, soulevées par un vent chargé d'humidité salée. Des nuages de feutre épais, gris ou noirs, étirent des ombres menaçantes sur les toits des demeures aristocratiques. Il pourrait y avoir un orage ».

Cinq étoiles pour ce roman qui m'a convaincue une fois de plus qu'il vaut mieux ne pas se laisser gagner par une douce torpeur. Les années, les siècles se succèdent. Comme Dieter un des personnages "maintenons une petite aiguille au creux de notre ventre qui, comme celle d'une boussole, nous rappelle la direction à suivre. C'est un appel lancinant qui prend irrésistiblement l'ascendant sur la voix lasse de nos conscience. »
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Tout aussi prenant que La danse des vivants, La traversée du paradis nous fait retrouver Charles, le soldat amnésique recruté par les services secrets français pour espionner les Allemands, soupçonnés de réarmement. Mais Charles, devenu Gustav Lerner, a déserté et a rejoint Mona, la mère de Gustav, à Hanovre. Malheureusement pour peu de temps car il est récupéré par les services secrets allemands et envoyé contre son gré à Petrograd...

On découvre avec horreur Petrograd (Saint-Pétersbourg) complètement dévastée. En cette année 1920, la population meurt de faim, alors que la police politique fait régner la terreur ; la Tcheka, bras armé de Lénine et Trotski qui ordonnent l'élimination en masse des ennemis réels ou supposés des Bolcheviks. On découvre aussi les Allemands prêts à pactiser avec les communistes pour construire des usines d'armement sur le sol russe. Un jeu de dupes, engagé entre Français, Russes et Allemands, auquel Charles, toujours à la recherche de Tamara son grand amour, est obligé de participer.

" Gorki m'a dit : " la logique de la hache ". C'est ça ! Un pouvoir sans restrictions, sans lois, fondé sur la force au sens le plus simple du mot, c'est précisément ce qu'est une dictature. Nous ne reconnaissons ni la liberté, ni la démocratie, ces concepts bourgeois qui s'opposent à l'émancipation du travail vis-à-vis du capital, mais la violence au nom de la dictature du prolétariat, contre le capital, pour l'émancipation du travail : voilà la justice révolutionnaire ! Il faut faire des exemples. Et aussi des procès modèles. Chaque procès doit servir l'édification du peuple. La loi ne devra pas abolir la terreur, même quand la terreur ne sera plus nécessaire. Au contraire, la terreur devra être inscrite dans la loi pour toujours. Et la Tcheka renforcée. Sans la Tcheka, le régime des ouvriers n'existerait pas. Tout bon communiste doit être un bon tchékiste. Nous devons nettoyer la Russie. Par le fer et par le sang, toujours, et pur, et dur ! Peu importe les moyens, peu importe les effets, pourvu que l'idée triomphe ! Tout ce qui contribue à la victoire du communisme est moral. "

Un roman historique d'ampleur, vivant, documenté et très instructif d'Antoine Rault — habile à mêler petite et grande histoire, personnages fictifs et figures historiques — que j'ai lu avec un réel plaisir. Un grand merci à Babelio et aux Éditions Albin Michel.

Challenge MULTI-DÉFIS 2018
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Dans "La traversée du paradis" on retrouve Charles Hirscheim ("La danse des vivants"), jeune officier français, utilisé comme espion par le service du renseignement français du ministère de la guerre. Soldat amnésique, normalien, il est le pion idéal à déplacer dans un camp comme dans l'autre. Il parle français, russe, allemand.

On traverse l'Histoire au lendemain de la Première Guerre mondiale ; la signature du traité de Versailles, l'Allemagne humiliée qui ne peut s'avouer vaincue, les mensonges des politiciens, l'Armée rouge, la Tcheka, la Freikorps, poussant le peuple à la vengeance, à la haine, à la violence.

Sous le regard de Charles, endossant l'identité de Gustav Lerner, s'éclaire la scène où « Quelques-uns qui n'ont jamais connu et ne connaîtrons jamais sans doute la violence physique, la furie, l'horreur, la puanteur des champs de bataille, quelques-uns qui ne connaissent pas cette peur qui rend fou, jouent avec la vie des autres comme des enfants jouent avec des bouts de bois, leurs soldats de plomb. »

Charles, l'amnésique, l'apatride, avec sa sensibilité et son intelligence, ne peut que soulever l'énorme mensonge qu'est la guerre. La traversée du paradis, où la révolution russe se révèle être un cauchemar pour le peuple, où les soldats sont des marionnettes, est une traversée en enfer.

Un roman historique passionnant et enrichissant. Les personnages illustres de l'Histoire tout comme les simples soldats, y sont décrits avec beaucoup de clarté et de finesse. On pointe du doigt les mensonges, les erreurs, l'hypocrisie, la lâcheté, la bassesse, de ceux qui tirent les fils de l'Histoire. Mais aussi l'ignorance et l'aveuglement de ceux dont le sacrifice est le plus lourd.

Une suite peut-être aux aventures de cet espion malgré lui ? La fin du roman s'y prête et je serais ravie de la lire.

Je remercie les Éditions Albin Michel et Babelio pour cette belle surprise. Je ne pensais pas lire dans les pages de ce roman la suite de "La danse des vivants". "La traversée du paradis" peut cependant se lire indépendamment du premier roman.
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Je m'étais beaucoup attachée à l'espion français Charles Hirscheim, devenu l'espion allemand Gustav Lerner dans la danse des vivants et je l'ai retrouvé avec une aussi grande émotion dans La traversée du paradis, en proie aux horreurs de l'histoire dans une Europe meurtrie par la première guerre mondiale et bousculée par la révolution communiste . Antoine Rault sait tenir son lecteur en haleine, entremêlant la fiction à des faits ou des personnages historiques. Ce roman extrêmement bien documenté, comme le précédent, permet une plongée passionnante dans cette période tourmentée tout en s'attachant à Gustav, à ses doutes et ses souffrances.
C'est un livre haletant, finement dialogué, âpre, douloureux, rien n'est épargné au lecteur, les odeurs pestilentielles , les températures glaciales, la peur, la mort, mais aussi la beauté et l'amour...
Je remercie les éditions Albin Michel et Babelio pour ce moment de lecture intense.
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Lorsque j'ai lu « La danse des vivants » d'Antoine RAULT à aucun moment je n'ai pensé qu'il y aurait une suite. C'est donc avec grand plaisir que j'ai démarré le roman «La traversée du paradis ».

1920. Charles Hirscheim, espion français que les services de renseignement utilisent pour espionner l'Allemagne, est également devenu bien malgré lui espion allemand sous le nom de Gustav Lerner. Toujours amnésique à cause d'un éclat d'obus reçu pendant la guerre, il s'est réfugié à Hanovre chez Mona. Mère du vrai Gustav Lerner, mort au combat, celle-ci l'a accueilli tout en sachant qu'il n'est pas Gustav. Veuve, ses deux fils morts, elle retrouve en Charles ce fils tant aimé et accepte bien chaleureusement de jouer le jeu. Mais on ne défit pas impunément les services secrets du renseignement français. Ceux-ci le retrouvent et le somment de reprendre du service. S'il refuse il sera considéré comme traitre et fusillé. Il doit impérativement partir en mission en Russie. Pour qu'il accepte, ils lui font croire que Tamara, jeune danseuse russe dans un cabaret à Berlin, dont il est tombé amoureux est également très éprise de lui et vit en Russie.
Il n'en fallait pas plus pour convaincre Charles. A l'heure où Lénine et les Bolcheviks font régner la Terreur rouge, notre héros en mission se faisant passer pour un communiste, part en fait à la recherche de la femme qu'il aime.

« La traversée du paradis » comme le premier volume est un grand roman d'amour et d'aventures, dans lequel Antoine Rault raconte le destin de héros inoubliables.
Mêlant avec brio personnages de fiction et personnages réels, nous traversons en compagnie de Charles Hirsheim l'histoire avec un grand « H » au lendemain de la première guerre mondiale. L'auteur dresse le portrait de toute une époque : celle de l'Europe des années vingt avec une Allemagne humiliée et vengeresse et une Russie dans laquelle règne la terreur à travers la Révolution communiste. Pour Charles, convaincu d'être un pion aux mains des politiciens français et allemands, « la traversée du paradis » va très vite se transformer par « une traversée en enfer ».

L'écriture et le style d'Antoine Rault rendent ce récit extrêmement réaliste en nous plongeant dans cette période noire de la Russie et en décrivant l'état de délabrement de ce pays ainsi que la souffrance de toute une population. Mais c'est également un roman qui montre à quel point le peuple quel qu'il soit est le pion de politiciens prenant des décisions qui entrainent le monde dans l'enfer, à savoir quelques années plus tard : la seconde guerre mondiale.

Je remercie donc les Éditions Albin Michel et Babelio pour m'avoir permis de découvrir en avant première les nouvelles aventures de notre héros. Ce fut une belle surprise et je ne doute pas que Monsieur RAULT s'est déjà penché sur une suite….

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Ignorant tout du premier tome, j'ai lu ce roman comme s'il était seul...Et j'ai été très séduite.
Les romans historiques très bien documentés sur le XXème siècle, je ne m'en lasse pas. Là, on est en 1920, entre l'Allemagne vaincue et l'URSS naissante de Lénine...Et c'est pas triste. Gustav Lerner n'est pas Gustav Lerner, c'est en fait Charles Hirscheim, un Français qui a perdu la mémoire en 1918 à la fin de la guerre...Lui l'ignore, il ne sait pas trop qui il est, mais les services secrets français le savent et le recrutent pour espionner en Allemagne, car il parle parfaitement le français, l'allemand et ...le russe. Pratique. Ca, visiblement, c'est le tome 1...Bref, au début du tome 2, on le retrouve en Allemagne chez la mère du vrai Gustav Lerner, puis, à Petrograd, en URSS, à la recherche de Tamara, la fille dont il est tombé amoureux dans le tome 1 et qui est rentrée chez elle...
Le récit est une suite d'aventures palpitantes sur fond de République de Weimar et de terreur bolchévique. J'ai appris beaucoup de choses : les liens qui se nouent déjà entre l'Allemagne et les Bolchéviks pour un réarmement secret des Allemands et surtout l'état de l'ancienne Russie au lendemain de la grande guerre.
Petrograd (Saint Petersbourg, future Leningrad), dévastée par la terreur et la famine, plus un chat, plus un chien, plus un cheval, tous bouffés ! Les gens qui s'entassent dans les appartements communautaires et s'entraident ou se dénoncent les uns les autres, la Tcheka, police secrète, (déjà rencontrée dans le Village ) toujours aussi sympa et ouverte d'esprit, quelques entretiens entre Trotsky et Lénine où ils envoient sans broncher à la mort des milliers de gens, l'espionnage généralisé de chacun par chacun...Un monde où des ordinateurs et des caméras...On préfère ne pas y penser...Le totalitarisme des cours d'histoire, mais incarné..Les passages descriptifs de Petrograd sont particulièrement réussis : la ville morte, glacée, tous les magasins fermés, les immeubles à l'abandon, la perspective Nevski déserte et fantomatique, les bandes d'enfants des rues se jetant sur des passants comme des Bacchantes, pour les dépecer, les gens marchant dans les rues comme des ombres, craignant les uniformes, les civils, tout le monde...
Je remercie vraiment Babelio et les éditions Albin-Michel pour l'envoi de ce livre, car ce fut un réel plaisir de le lire, et instructif. J'attends la suite-car il en faut une ! -avec impatience.
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Charles, choqué par l'explosion d'un obus, est amnésique. Un chef des services secrets français lui propose de devenir un espion en Allemagne. Il devient Gustav Lerner, officier allemand, aucun autre papier, aucun autre pays, un homme qui n'est pas lui, Gustave est mort et on lui a donné son identité.

Un chien n'oublie jamais l'odeur de ses maîtres, s'il était le vrai Gustav, il lui aurait fait la fête. Mais Mona l'a accueilli comme son fils, elle est veuve et vit seule, comme lui elle a tout perdu. Mais un espion à partir du moment où on a dit oui, il est lié, il doit obéir. Un agent double en activité, ou en retraite, est un traître, il peut être fusillé.

Tamara rêvait d'être une grande danseuse, elle a fini dans un cabaret. Elle revient à Petrograd pour retrouver sa mère et sa fille. Avec le temps les choses s'arrangent, elle a voulu y croire, eh bien non, il faut se rendre à l'évidence rien n'a changé, sa mère ne lui pardonne pas, sa petite fille l'ignore. L'ancienne Saint Pétersbourg, la ville des tsars est une ville morte, ruinée, la famine, le chaos, les gens sont devenus des loups pour les autres.

Dans ce roman où l'on retrouve le personnage de Charles de « La danse des vivants », Antoine Rault nous raconte une histoire d'amour sur fond de révolution communiste, l'histoire d'un homme qui ne va pas hésiter à plonger dans l'enfer pour l'amour d'une femme. Un roman d'aventures entre Hanovre, Moscou, Berlin et Saint-Pétersbourg, on y croise Lénine, Trotski, Staline, l'auteur nous décrit l'horreur du régime bolchevique et de la Tcheka la police politique qui n'hésite pas à enlever les enfants dès les premiers jours de leur vie pour les soustraire à l'influence néfaste de leur famille. L'histoire d'un homme avec sa vie atrophiée qui est condamné à ne jamais aimer, il est un fantôme à la recherche d'autres fantômes, à la recherche de son identité véritable. Allemands, Russes et français jouent une partie de poker menteur où l'Allemagne essaye de détourner le diktat du traité de Versailles en construisant des usines d'armement en Russie pour fabriquer des canons, des avions et des gaz.

L'écriture et le style d'Antoine Rault rendent ce récit très vivant. Il sait peindre avec réalisme l'atmosphère de cette époque et l'état de délabrement de la Russie après la révolution d'octobre.
Je remercie Babelio et les Éditions Albin Michel pour cet agréable moment de lecture.


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Trois Russes au goulag, comparant les motifs de leur arrestation :
- Moi, j'ai pointé à l'usine avec 5 minutes de retard, alors on m'a accusé de sabotage.
- Moi, j'ai pointé avec 5 minutes d'avance, alors on m'a accusé d'espionnage.
- Moi, j'ai pointé pile à l'heure, alors on m'a accusé d'avoir acheté ma montre à l'Ouest.

Pouf pouf, voilà.
Ca, c'était pour détendre un peu l'atmosphère avant d'entamer, dans les pas de Charles, cette glaciale épopée au pays des Soviets.

Charles est né français, mais la Grande Guerre et un éclat d'obus l'ont rendu amnésique. le voilà désormais allemand, dans le camp des vaincus, des grands perdants du Traité de Versailles (cf. le programme d'histoire-géo de 4ème, ou le précédent roman d'Antoine Rault, La danse des vivants, dont j'ignorais l'existence jusqu'à la réception de ce second volet gracieusement offert par Babelio et les éditions Albin Michel, que je remercie cordialement au passage !).
Heureusement, nul besoin d'avoir lu le tome 1 et d'en savoir davantage sur le passé de Charles, puisque lui-même n'en garde aucun souvenir. Aujourd'hui, c'est vers l'Est qu'il faut regarder. Cap sur Petrograd, où notre agent-double est catapulté de force, avec deux autres espions, pour infiltrer les Rouges et prendre la mesure de la menace bolchévique. Lui espère juste retrouver la belle Tamara, une jeune danseuse de cabaret dont il est tombé éperduement amoureux.
Avec Charles et Tamara, entre les Boches et les Bolch', nous voilà vite plongés dans l'enfer communiste. Famine, misère, délation et terreur imposée par la Tchéka, la redoutable police politique aux ordres de Lénine : rien ne nous est épargné !

Antoine Rault dresse un tableau glaçant, très réussi dans son genre, d'un pays en ruine, exsangue, ravagé par la première guerre mondiale et par la Révolution d'Octobre. Dommage que dans ce décor saisissant de réalisme les personnages soient si peu mis en valeur. Nos trois espions m'ont en effet paru un peu fades, sans épaisseur, noyés dans un tourbillon historique qui les dépasse. Leur mission, plutôt confuse, m'a semblé presque anecdotique, ce qui est un peu regrettable tant le cadre romanesque invitait à des péripéties de plus grande envergure.
Malgré quelques longueurs, la lecture reste plaisante et très instructive, car l'auteur insère avec une certaine finesse son récit d'aventure dans une trame historique très bien documentée, émaillée d'anecdotes réelles, où de véritables figures soviétiques (de Félix Dzerjinski, dirigeant de la Tchéka, à Vladmir Illitch lui-même), côtoient les personnages de fiction.

Par delà une histoire d'amour et d'espionnage pas toujours captivante, je retiendrai surtout de ce roman la violence du contraste entre le paradis promis par les révolutionnaires bolchéviques et l'atrocité de ces années d'enfer qui ravagèrent la grande Russie. Ou comment l'utopie vira au cauchemar.
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Bon, j'ai loupé le premier tome qui avait pour titre La Danse des vivants mais j'ai grappillé ici et là deux trois infos que je vous livre pour bien démarrer ce tome deux (cela dit, si c'est plus confortable, ce n'est pas non plus indispensable) : donc, à la fin de la Première Guerre, Charles Hirscheim, soldat français, est retrouvé à moitié mort sur un champ de bataille, touché par un éclat d'obus. L'explosion l'a rendu amnésique et les nombreux électrochocs qu'il subit ne lui permettent pas de recouvrer la mémoire. Cela dit, il parle français, allemand et possède une solide culture. Les services de renseignement français voient dans cette amnésie une aubaine et vont faire à Charles la proposition suivante : soit il part à l'aventure, devient un espion, infiltre l'armée allemande, adhère à la Division de fer et file vers la Baltique, soit il croupit dans un asile jusqu'à la fin de ses jours. Il deviendra Gustav Lerner, prenant sans le savoir l'identité d'un officier allemand décédé à Berlin mais dont la mort n' a jamais été déclarée et il partira au combat sur le front de l'Est contre les Russes.
Tome 2 : La traversée du paradis. Gustav Lerner (Charles Hirscheim) est rentré chez lui, enfin, plus exactement, chez Mona, la mère du lieutenant dont il a pris le nom.
Évidemment, cette femme voit bien que ce n'est pas son fils, mais tant pis, elle le garde et l'aimera comme tel. Gustav s'interroge : qui est-il vraiment ? Peut-il vivre comme cela avec l'identité d'un autre, appeler « mère » une femme qui lui est inconnue ? Notre personnage n'aura pas le temps de s'interroger très longtemps car il va être de nouveau en service : ce coup-ci, récupéré par les services secrets allemands, (oui, c'est un peu compliqué, mais on s'y fait!), il est envoyé en Russie et accepte cette proposition parce qu'à Berlin, il est tombé amoureux d'une prostituée et danseuse russe. Il sera chargé du rapatriement des prisonniers de guerre, mais en réalité il lui faudra surveiller le travail de coordination entre l'Armée rouge, la Reichswehr et les entreprises d'armement allemandes. Il va donc infiltrer le Komintern, organisation que les Bolcheviks ont mise en place pour former les communistes du monde entier. Les services secrets russes (la Tcheka) sont très efficaces et la mission est extrêmement risquée. Il part avec deux autres agents et ce qu'ils vont découvrir à Petrograd et à Moscou est terrifiant : les gens meurent littéralement de faim et de froid : « on croisait seulement des fantômes et des cadavres et la bise sifflait dans les rues blanches comme un chant de mort. » Les bâtiments tombent en ruine, les magasins sont fermés, il n'y a plus de transports, des trous se forment sur les routes, les gens se font attaquer dans la rue par des gamins affamés. « Pas de promeneurs ni de chiens ni de chats ni de chevaux - presque tous mangés. Très peu de pigeons et de merles, mangés aussi. » Des odeurs pestilentielles de cadavres, d'excréments et d'ordures flottent dans l'air. Les emprisonnements, tortures, exécutions sont quotidiens. Les Bolcheviks assurent que c'est le blocus des Alliés et des Blancs qui les ruine. Tout le monde surveille tout le monde. Les appartements communautaires sont rendus obligatoires. Les enfants, enlevés à leur famille, sont élevés par l'État. (Tiens, ça, ce n'est pas une mauvaise idée… je plaisante!) Chaque camarade récite sa leçon, plus ou moins convaincu : le communisme mène à un monde meilleur mais il faut du temps. Et les gens vont, résignés...
« … les Russes sont comme le garde qui nous répond : « Qu'est ce que vous voulez qu'on fasse ? » J'avais oublié à quel point c'est ça, la Russie. le train s'arrête, plus de bois : on attend, c'est emmerdant mais c'est comme ça, c'est pire qu'avant mais qu'est-ce qu'on y peut ? C'est ça, la Russie : on accepte, on prie. On pleure les morts et les malheurs. Et on se console. On boit. On rit. On pleure encore. On prie encore. »
Cela dit, des révoltes commencent à éclater ici et là contre la réquisition des récoltes, même les marins du Kronstadt se mutinent, les grèves se multiplient. Un notaire croupissant au fond d'une prison résume ainsi la situation : « voilà le seul endroit en Russie où le communisme est parfaitement réalisé… Tous ensemble dans la merde : c'est ça, la véritable égalité entre les hommes ! »
A dire vrai, cette évocation de la Russie entre 1918 et 1920 est ce que j'ai préféré dans ce roman : l'auteur montre de façon saisissante la pauvreté absolue qui s'est emparée du pays et qui contraste fort avec les propos toujours très positifs de bolcheviks parfaitement endoctrinés et persuadés d'être sur le bon chemin, n'hésitant pas à tuer en masse pour arriver à leurs fins. Un « paradis en formation » d'après la féministe Hélène Brion. Et quel paradis ! Quelle traversée nous est donnée à faire dans ce roman ! Encore une fois, c'est impressionnant !
Le roman est très documenté et j'avoue m'être parfois un peu perdue. On rencontre en effet de très nombreux personnages historiques ! Et l'on sent toute la passion d'Antoine Rault pour cette période de l'Histoire, passion évidemment très communicative !
Et puis, si vous aimez les romans hautement romanesques, les aventures palpitantes et les histoires d'amour, vous serez servi ! Bon, ce n'est pas toujours très crédible, c'est vrai, mais tant pis, on tremble pour Charles et ses acolytes, on espère qu'il retrouvera sa danseuse chérie et qu'il pourra fuir cet enfer sur terre. Et surtout, on goûte à chaque page le bonheur de n'être pas né là-bas, à cette époque-là.
Je ne peux m'empêcher de penser à ma grand-mère russe (née à Serpoukhov) qui avait fui Moscou pour se réfugier en France en 1918. Je ne l'ai pas connue, hélas. Elle n'est jamais retournée en Russie. Je n'y suis moi-même jamais allée, mais je sais qu'il me faudra un jour découvrir ce pays parce que j'y ai des racines...
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Je n'ai jamais eu beaucoup de goût pour les histoires d'amnésiques. Cela m'a toujours semblé une facilité d'auteurs flirtant avec le plus total irréalisme à l'exception peut-être du superbe "La Moisson du hasard" de James Hilton. Rien que sur Babelio plus de 840 livres sont classés sous le thème "amnésie " !! Et qui plus est, je n'ai pas lu le livre précédent de cet auteur, indispensable si l'on veut comprendre d'où vient cet homme, pourquoi il est amnésique, espion, déserteur, allemand et français… D'ailleurs ce livre aurait du porter la mention "tome 2".

Puis, Il faut convenir ici d'absurdités comme le fait que cet espion français amnésique donc, soit un presque sosie d'un défunt allemand, que sa mère de remplacement accepte un étranger chez elle, que son ex-fiancée n'ai aucun doute sur son identité, que son père l'ait rejeté, qu'il croise sa soeur en Russie …
Puis on prend peur, l'impression que Résurrection, Docteur Jivago et un ou deux Troyat vont être passés au shaker !

Mais une fois ce début dérangeant dépassé, démarre vraiment le roman. D'ailleurs, plus on avance dans sa lecture, moins se font présents et cette amnésie et cette impression première de déjà vu.

La tension s'accélère et notre rythme de lecture avec. On veut savoir ce que vont devenir ces trois hommes envoyés d'Allemagne dans la Russie bolchévique, on s'atterre devant le réalisme des descriptions de ce pays glacé par la misère et la dictature fut-elle du peuple et même si l'on sait déjà tout cela depuis Tintin au pays des soviets !!
On regrette au passage certains poncifs narratifs qu'il est impossible de décrire ici sans révéler le fils du récit mais c'est trop tard ! Nous sommes pris au piège des talents de narrateur et d'historien d'Antoine Rault et ne nous en sortirons peut-être qu'avec ses héros à l'ultime page de ce livre. Grand récit d'espionnage, bien monté, je n'ai pas vraiment ressenti l'amour qui liait le héros à la belle Tamara, faute peut-être de n'avoir pas lu le premier volume.

Un grand merci à Babelio et à l'éditeur Albin Michel pour ce livre découvert dans le cadre d'une opération Privilège.
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