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EAN : 9782266336475
368 pages
Pocket (24/08/2023)
4.29/5   21 notes
Résumé :
" Il pensa que sa place n'était pas là-bas. Et que sa place n'était plus ici ".
On les appelle les " tirailleurs sénégalais " et pourtant Amadou Lo, vingt ans, n'est ni l'un ni l'autre. Tirailleur, il ne l'est plus : c'est la fin de la première guerre mondiale et il est démobilisé. Et sénégalais, il ne l'a jamais été. Il rêve de retourner dans sa Guinée natale où, pense-t-il, l'attend sa famille. Seulement le médecin-major Robert Desvaux, qui lui a sauvé la v... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
***Rentrée littéraire 2022**

Choisi le 30 août 2022, à la Librairie Anagramme, Meudon- en flânant... et me demandant quel autre texte assez prenant allait pouvoir succéder à ma lecture précédente, épatante, celle du dernier roman de F. Bouysse....

Autre pépite... de cette rentrée littéraire !

Mon choix a été dicté par deux élans : le premier : la couverture :une détail d'une peinture d'une artiste des années 1930, que j'ai découverte cette année à l'exposition "Pionnières" au Musée du Luxembourg. Ce détail représente un homme noir qui écrit studieusement....
Ce tableau est magnifique et interpelle évidemment... L'artiste, en question se nomme Lucie Cousturier, et la seconde curiosité est le sujet...: L'histoire d'un très jeune tirailleur sénégalais, enrôlé de force, comme toutes les autres recrues , Amadou Lo. Il a 17 ans lorsqu'il doit quitter sa Guinée natale ainsi que frères, soeur et mère !

Troisième coup de coeur de cette rentrée littéraire 2022, après deux autres ouvrages aux univers et thématiques autres: "Les trois ruches bleues" de Patrick Cloux et "L'Homme peuplé" de Franck Bouysse....

Gravement blessé, il est sauvé par un médecin militaire, "le Major" , qui le prend sous son aile, s'attache à lui, tant et si bien, qu'à la fin de la guerre, au bout de quatre années, il veut le garder auprès de lui comme chauffeur... Amadou ne comprend pas, il voudrait retourner dans son pays, comme les autres "tirailleurs"
Amadou, déçu et incrédule, se résigne, et accepte par reconnaissance envers le Major, à qui il doit la vie...

Ce dernier, même si généreux et bienveillant dans l'ensemble, ne veut pas s'avouer son égoisme ni son attirance ambiguë envers ce très beau jeune homme. ...
Amadou va arriver dans le village du Major et devoir faire face aux différents rejets des villageois et des "domestiques" du Manoir...

Heureusement il fera , sur le chemin de la bêtise , de la méchanceté, et des coups tordus des uns et des autres, la rencontre de belles personnes: Hélène, la petite fille des châtelains du coin, qui lui apprendra à lire, ensuite , Hélène partie chez ses grand-parents, cela sera son oncle, Augustin, qui continuera à lui donner des livres et à lui donner des cours de français... Car Amadou, son obsession est de parler bien le français comme un vrai Français et non pas ce charabia infantilisant avec lequel les Blancs s'adressent à eux...

"Et en même temps, il pensait aux manuels d'histoire qui vantaient les bienfaits que la République aurait apportés aux peuples colonisés : la civilisation ! On ne leur a même pas appris à lire ! On ne leur a même pas appris à parler ! Pire, on leur a appris cet affreux sabir, une langue d'idiots, une langue d'Esclaves.La France, le premier pays à avoir aboli l'esclavage ! Tu parles ! On a seulement aboli le mot ."

Amadou, au fil de ses mésaventures, et multiples efforts pour s'adapter, s'instruire, prendra douloureusement conscience que le racisme est une maladie sournoise et pernicieuse , qui perdure en dépit de tout...

"Une pensée lui vient qu'il n'avait jamais eu encore: je suis habillé comme eux, je me tiens comme eux- je fais encore des fautes mais je parle français-, je me recueille comme eux devant la tombe et pourtant, leurs regards le disent que ne suis pas comme eux, que je ne le serai jamais...quoi que je fasse...quoi que je fasse...et cela uniquement parce que ma peau est d'une autre couleur. Cette pensée surgissait soudain comme la solution d'une énigme. Il n'avait cessé de se heurter à ce qui représentait pour lui un mystère ou plutôt n'avait cessé d'écarter, d'éviter ce qui était là sous ses yeux, évident, indéniable. Maintenant, cette pensée éclatait en lui: uniquement parce que la couleur de ma peau..."

On s'attache à Amadou, très jeune homme , naïf et plein de bonne volonté, faisant tout ce qu'il est humainement possible pour s'adapter, se comporter en " bon français bien éduqué " , dans un monde qui lui est pourtant bien lointain et souvent incompréhensible...mais rien n'y fait...Les uns et les autres, entre le racisme de base, bête et méchant, puis les fantasmes des uns et des autres pour exhiber " son Noir "...jusqu'à la châtelaine, Louise, la mère de la petite Hélène, qui rêve d'être une grande photographe, veut se démarquer et ce jeune homme, très beau est le modèle parfait pour se différencier des autres photographes classiques, convenus....
Elle a un vrai sens artistique, mais dans un même temps, elle aussi, fait d'Amadou, son sujet, " sa chose"...

Antoine Rault , en racontant le parcours douloureux d' Amadou...relate subtilement toutes les ambiguïtés et réactions excessives des Blancs à l'égard des gens de couleur : fascination- répulsion...!!!

J'allais oublier un procédé peu courant choisi par l'écrivain, pour souligner encore plus les mentalités de l'époque, en insérant des publicités, des extraits d'articles de presse, etc.de l'époque. Au début, je n'étais guère convaincue et au final, certains échos journalistique sont malheureusement très éloquents , trop éloquents...

Premier texte que je lisais de cet écrivain et je suis très enthousiaste....sauf un mini- mini bémol...concernant
L 'artiste, Lucie Cousturier , à laquelle il fait allusion plusieurs fois...car cette femme , en plus d'être une artiste inspirée était une militante anticolonialiste, très engagée...je me permets de vous transmettre un lien, pour en savoir plus sur cette femme exceptionnelle, qui elle, ne voulait pas que les personnes de couleur parlent un "petit nègre " infantilisant mais soient instruits comme chaque " bon français " !!!

******Voir lien sur l'artiste et femme incroyable qu' est Lucie Cousturier :

https://awarewomenartists.com/artiste/lucie-cousturier/







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“Pourquoi leur apprenaient-ils ce “parler tirailleur” ? Amadou ne le saura jamais. Parler “le vrai français” l'aurait pourtant éloigné des préjugés concernant “le gentil nègre”.
Mais quitter “le francé” l'aurait rapproché de ceux qui ne voulaient pas de cette intégration.

Amadou Lo, 20 ans, est ce qu'on appelle un “tirailleur sénégalais”.
Démobilisé en 1919, après le service rendu à la France, il voulait rentrer au pays après trois années passées loin de chez lui.
Il restera six mois supplémentaires auprès de son major qui veut le garder comme aide de camp.
Le roman est celui de son regard éberlué questionnant par le bout de sa lorgnette notre société du début du siècle dernier.

Le roman d'Antoine Rault est émaillé de textes d'époque et de publicités, façon de rester ancré dans la réalité historique de l'après grande guerre.
Ainsi si vous voulez parler “le français tel que le parlent nos tirailleurs sénégalais… pour éviter toute complication, il est bon de supprimer purement et simplement l'article en parlant aux tirailleurs” :
“ça y en a rentrer dans tête de vous ?”

Ils avaient servi la France, mais les Français ne se sentaient aucunement redevables de la part active des tirailleurs sénégalais prise pour la défense de notre pays.
Le retour à la vie civile de Lo, en province française, sera un nouveau combat pour obtenir une vraie identité hors des clichés racistes.

Comment ne pas être en empathie avec ce gentil personnage naïf à qui on refuse son émancipation par la langue, alors qu'il “faisait des efforts pour se défaire de ce foutu charabia tirailleur” ?

On mesure comment, avec de bonnes intentions, la société française a maintenu une forme moderne d'esclavage.“La France, le premier pays à avoir aboli l'esclavage ! Tu parles ! On a seulement aboli le mot.”

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Monsieur Sénégal, c'est une image de la France, juste après la première Guerre Mondiale, prémices de notre société d'aujourd'hui.
Au fond, les choses n'ont pas beaucoup changé.
Quand Amadou est arrivé de sa Guinée natale pour chasser l'envahisseur et qu'il s'est retrouvé en compagnie de ses compatriotes, enrôlé dans les tirailleurs, que croyait-il ?
Bien sûr, il ne pouvait imaginer la férocité des combats, les conditions de vie, les camarades qui tombent, les blessures.
D'ailleurs, lui aussi sera blessé et c'est là que son histoire commence.
Soigné et sauvé par le Major Desvaux qui, la guerre terminée, décide de le prendre à son service.
Bonne idée dites-vous ?
Sauf qu'Amadou, lui, c'est rentrer dans son pays et retrouver les siens qu'il voulait.
Mais bon, le Major à été si bon, il veut bien rester quelques semaines de plus.
Et c'est là que Rault place le miroir.
Le Boche est rentré chez lui, vaincu.
Merci à ceux qui ont combattu pour la liberté,  mais maintenant, la vie reprend son cours.
On oublie vite.
Dans ce coin de campagne Franc-Comtoise, Amadou va apprendre.
Le français, cette langue qu'on a déformée pour communiqué avec les tirailleurs. Simplifiée diront-ils, ces beaux penseurs, persuadés que ces Africains ne pourront jamais parler comme eux.
Les Français, ces gens qu'il est venu aider et qui vont se révéler à lui, par leurs sourires, leurs grimaces, leurs regards.
Antoine Rault, sans prendre parti, nous entraîne dans les pas d'Amadou,  caméra sur l'épaule.
Son personnage ne se sent pas à sa place.
En ce temps-là, évidemment, sa couleur de peau ne passe pas inaperçue.
Et tout le monde profite de sa naïveté.
Ceux qui prétendent lui vouloir du bien, ont des arrières-pensées qui ne les rendent, au fond, pas meilleurs que ceux qui lui veulent du mal et qui, eux, ne se cachent pas.
On se méfie, on le montre du doigt, on le méprise, on s'en moque, ou alors on l'exploite, on l'exhibe.
Il ne sera jamais des leurs, des nôtres.
Aujourd'hui encore, il n'est malheureusement pas rare d'entendre ce genre de discours.
Il y en aura bien pour polémiquer, évidemment.
On a vu, ces dernières semaines, les réactions disproportionnées et parfois imbéciles (oui, j'ose le dire) à la suite de la sortie d'un film sur les tirailleurs.
Il est tellement plus facile de nier que d'analyser et reconnaître l'absurdité de certains comportements.
D'ailleurs, Monsieur Rault, suivant les directives en cours, n'avez-vous pas peur que la censure s'empare de votre texte pour le modifier ?
Il est des termes, que vous utilisez, à bon escient, qui peuvent choquer les blanches oreilles paraît-il.
J'ai moi-même fait très attention au choix de mes mots, afin de pouvoir publier cette chronique sur les réseaux.
Oui, dans quel monde vit-on ?
Ils sont nombreux à penser comme ceux de 1919, mais ils changent les mots, pour se donner bonne conscience...
Monsieur Sénégal, une histoire d'hier pour nous parler d'aujourd'hui, d'une société qui pointe du doigt les différences, qui oublie et qui accuse de tous les maux.
Une société qui n'assume pas, qui vit dans le déni et la haine de l'autre.
C'est aussi cette image-là que nous renvoie ce livre.
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Traitement original de la relation entre blancs et noirs dans ce roman bien écrit et facile à lire. L'auteur prend l'exemple d'un tirailleur sénégalais venu se battre pour la France en 14-18 pour évoquer les difficultés relationnelles entre personnes de couleurs et de cultures différentes.
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Très belle lecture et quel beau personnage que met en scène Antoine Rault dans son dernier roman !
Amadou Lo est venu se battre à Verdun pendant la première guerre mondiale, réquisitionné pour la France, convaincu de s'être battu pour son pays, la France des colonies. Il fait partie de ceux qu'on nomme les tirailleurs Sénégalais.

A la fin de la guerre, et alors qu'il aspire à retrouver sa famille en Afrique, le major qui lui a sauvé la vie sur le front choisit de le garder à son service.

Amadou va donc le rejoindre, un peu contre son gré, dans sa petite ville de province où il exerce en tant que médecin et lui servir de chauffeur.

Une petite ville et une époque où les gens ne sont pas habitués à voir une personne de couleur noire...

Ce livre, qui se lit très facilement, fait preuve de beaucoup de profondeur et de sensibilité.
Amadou est un vrai gentil, on ne peut que l'aimer et hormis trois personnages, je n'ai vu que de la méchanceté autour de lui.
Sous des formes différentes, certes, allant de la violence verbale ou physique, la tromperie, le mépris ou encore l'intérêt caché, le faire valoir, mais toujours avec de mauvaises intentions.
C'est tellement facile de tourmenter Amadou !

C'est une histoire émouvante que nous raconte Antoine Rault, un portrait particulièrement précis des comportements humains qui donne à réfléchir et que je ne peux que vous conseiller.





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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
Finalement , la mer, il l'avait vue, et l'aventure...
Mais il n'avait pas eu le choix, personne n'avait eu le choix.Les officiers français étaient arrivés, ils avaient ordonné de rassembler les hommes et ils avaient choisi ceux qui étaient en bonne santé, les jeunes, ils avaient noté leurs noms, les noms de leurs pères et mères et leur avaient demandé de s'engager pour sauver la patrie.Ma mère ne voulait pas. On savait que beaucoup ne revenaient pas, que les familles recevaient des lettres, des télégrammes leur annonçant que leur fils était mort.Le deuxième jour, ils essayèrent encore de nous convaincre ( ça nous vaudrait la reconnaissance éternelle de tous les Français et on serait bien traités, bien nourris- et payés).Mais le troisième jour, ils nous menacèrent.Ils allaient revenir et nous arrêter même la mère, même les mères , ils les arrêteraient si on refusait de faire notre devoir- et ils nous jetteraient en prison, tous.Notre patrie, ils disaient. Notre devoir.Et maintenant, alors ?
( p.30)
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L'homme avait peur d'une grosse femme peinte en noir et Amadou comprenait que ce n'était pas parce qu'elle était grosse mais parce qu'elle était noire, parce qu'elle était censée représenter une noire, que l'homme avait peur.D'abord, cela le rendit triste, puis il éprouva un sentiment de colère. Les blancs riaient d'une noire.Les blancs trouvaient normal et drôle qu'une femme noire fût la vision la plus horrible, la plus repoussante qui pût se présenter au regard d'un homme.

( p.200)
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- Je vais revenir voir vous, corrigea le jeune homme
Il faisait des efforts chaque jour pour se défaire de ce foutu charabia tirailleur.D'autant plus difficile que les militaires français ne s'adressaient aux noirs que de cette façon. Même le major.Il lui avait demandé pourtant de lui parler comme à un Français normal, mais sans doute avait-il mal formulé son désir ou bien le major pensait qu'il se faisait plus facilement comprendre en petit nègre ?
Toujours est-il qu'il avait continué de lui parler presque toujours ainsi comme les autres militaires blancs.
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Pourquoi j'ai fait la guerre ? Pourquoi nous avons tous fait la guerre si ce n'était pas pour la France ? Pour tuer les Boches ? Je ne sais rien des Boches mis à part qu'ils ressemblent aux Français mais parlent une autre langue.Je n'en ai jamais connu et ils ne m'avaient rien fait.La mort de maître Antonin ( ***détruit par la guerre, il se suicidera quelque temps après son retour à la vie civile) menait les pensées d'Amadou sur un chemin inconnu et douloureux.Les blancs sont venus nous chercher.Ils nous ont parlé de devoir, d'honneur, de patrie. Maintenant des milliers, des milliers sont morts, des jeunes...

( p.344)
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Extrait de Presse- " L'Humanité " - journal socialiste.

Amertume ! Écoeurement ! J'ai reconnu la foule d'aujourd'hui .Ce n'est pas celle qui prit la Bastille et chanta pour la première fous la liberté dans les rues ; ce n'est pas celle qui suivit le cercueil de Zola ou de Jaurès..
(...)
C'est bien moins la victoire et la paix qu'on célèbre que la joie de la guerre et la haine des vaincus..
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Videos de Antoine Rault (29) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Antoine Rault
A l'occasion du Festival "Le livre sur la place" 2022 à Nancy, Antoine Rault vous présente son ouvrage "Monsieur Sénégal" aux éditions Plon. Rentrée littéraire automne 2022.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2641424/antoine-rault-monsieur-senegal
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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