***Rentrée littéraire 2022**
Choisi le 30 août 2022, à la Librairie Anagramme, Meudon- en flânant... et me demandant quel autre texte assez prenant allait pouvoir succéder à ma lecture précédente, épatante, celle du dernier roman de F. Bouysse....
Autre pépite... de cette rentrée littéraire !
Mon choix a été dicté par deux élans : le premier : la couverture :une détail d'une peinture d'une artiste des années 1930, que j'ai découverte cette année à l'exposition "Pionnières" au Musée du Luxembourg. Ce détail représente un homme noir qui écrit studieusement....
Ce tableau est magnifique et interpelle évidemment... L'artiste, en question se nomme
Lucie Cousturier, et la seconde curiosité est le sujet...: L'histoire d'un très jeune tirailleur sénégalais, enrôlé de force, comme toutes les autres recrues , Amadou Lo. Il a 17 ans lorsqu'il doit quitter sa Guinée natale ainsi que frères, soeur et mère !
Troisième coup de coeur de cette rentrée littéraire 2022, après deux autres ouvrages aux univers et thématiques autres: "Les
trois ruches bleues" de
Patrick Cloux et "
L'Homme peuplé" de
Franck Bouysse....
Gravement blessé, il est sauvé par un médecin militaire, "le Major" , qui le prend sous son aile, s'attache à lui, tant et si bien, qu'à la fin de la guerre, au bout de quatre années, il veut le garder auprès de lui comme chauffeur... Amadou ne comprend pas, il voudrait retourner dans son pays, comme les autres "tirailleurs"
Amadou, déçu et incrédule, se résigne, et accepte par reconnaissance envers le Major, à qui il doit la vie...
Ce dernier, même si généreux et bienveillant dans l'ensemble, ne veut pas s'avouer son égoisme ni son attirance ambiguë envers ce très beau jeune homme. ...
Amadou va arriver dans le village du Major et devoir faire face aux différents rejets des villageois et des "domestiques" du Manoir...
Heureusement il fera , sur le chemin de la bêtise , de la méchanceté, et des coups tordus des uns et des autres, la rencontre de belles personnes: Hélène, la petite fille des châtelains du coin, qui lui apprendra à lire, ensuite , Hélène partie chez ses grand-parents, cela sera son oncle, Augustin, qui continuera à lui donner des livres et à lui donner des cours de français... Car Amadou, son obsession est de parler bien le français comme un vrai Français et non pas ce charabia infantilisant avec lequel les Blancs s'adressent à eux...
"Et en même temps, il pensait aux manuels d'histoire qui vantaient les bienfaits que la République aurait apportés aux peuples colonisés : la civilisation ! On ne leur a même pas appris à lire ! On ne leur a même pas appris à parler ! Pire, on leur a appris cet affreux sabir, une langue d'idiots, une langue d'Esclaves.La France, le premier pays à avoir aboli l'esclavage ! Tu parles ! On a seulement aboli le mot ."
Amadou, au fil de ses mésaventures, et multiples efforts pour s'adapter, s'instruire, prendra douloureusement conscience que le racisme est une maladie sournoise et pernicieuse , qui perdure en dépit de tout...
"Une pensée lui vient qu'il n'avait jamais eu encore: je suis habillé comme eux, je me tiens comme eux- je fais encore des fautes mais je parle français-, je me recueille comme eux devant la tombe et pourtant, leurs regards le disent que ne suis pas comme eux, que je ne le serai jamais...quoi que je fasse...quoi que je fasse...et cela uniquement parce que ma peau est d'une autre couleur. Cette pensée surgissait soudain comme la solution d'une énigme. Il n'avait cessé de se heurter à ce qui représentait pour lui un mystère ou plutôt n'avait cessé d'écarter, d'éviter ce qui était là sous ses yeux, évident, indéniable. Maintenant, cette pensée éclatait en lui: uniquement parce que la couleur de ma peau..."
On s'attache à Amadou, très jeune homme , naïf et plein de bonne volonté, faisant tout ce qu'il est humainement possible pour s'adapter, se comporter en " bon français bien éduqué " , dans un monde qui lui est pourtant bien lointain et souvent incompréhensible...mais rien n'y fait...Les uns et les autres, entre le racisme de base, bête et méchant, puis les fantasmes des uns et des autres pour exhiber " son Noir "...jusqu'à la châtelaine, Louise, la mère de la petite Hélène, qui rêve d'être une grande photographe, veut se démarquer et ce jeune homme, très beau est le modèle parfait pour se différencier des autres photographes classiques, convenus....
Elle a un vrai sens artistique, mais dans un même temps, elle aussi, fait d'Amadou, son sujet, " sa chose"...
Antoine Rault , en racontant le parcours douloureux d' Amadou...relate subtilement toutes les ambiguïtés et réactions excessives des Blancs à l'égard des gens de couleur : fascination- répulsion...!!!
J'allais oublier un procédé peu courant choisi par l'écrivain, pour souligner encore plus les mentalités de l'époque, en insérant des publicités, des extraits d'articles de presse, etc.de l'époque. Au début, je n'étais guère convaincue et au final, certains échos journalistique sont malheureusement très éloquents , trop éloquents...
Premier texte que je lisais de cet écrivain et je suis très enthousiaste....sauf un mini- mini bémol...concernant
L 'artiste,
Lucie Cousturier , à laquelle il fait allusion plusieurs fois...car cette femme , en plus d'être une artiste inspirée était une militante anticolonialiste, très engagée...je me permets de vous transmettre un lien, pour en savoir plus sur cette femme exceptionnelle, qui elle, ne voulait pas que les personnes de couleur parlent un "petit nègre " infantilisant mais soient instruits comme chaque " bon français " !!!
******Voir lien sur l'artiste et femme incroyable qu' est
Lucie Cousturier :
https://awarewomenartists.com/artiste/lucie-cousturier/