Se presser, là est le danger. On ne parvient jamais à ses fins sans intelligence et habileté.
-C'est vous qui vous occupez du ménage, madame, n'est-ce pas?, dit l'inspecteur à l'adresse de madame Herdéléa, avec la plus distinguée des galanteries. Très bien, très bien ! Le ménage est le plus bel ornement de la femme !
- Moi je ne parle pas hongrois, dit madame Herdéléa sans même relever les yeux de son travail et avec un calme qui terrifia son mari.
- Comment, comment? Je ne comprends pas, dit l'inspecteur, très étonné.
- Je comprends ce que vous dites mais je n'ai pas envie de parler hongrois ! A quoi bon me déformer la bouche pour baragouiner dans une langue étrangère, si je n'ai pas besoin, conclut madame Hédérléa d'un ton de supériorité magistrale en pinçant les lèvres comme si l'idée de parler hongrois lui agaçait les dents.
La vraie passion fait bon ménage avec la discrétion.
Le paradis des uns risque bien d'être l'enfer des autres. Le bonheur se trouve sur l'imagination de chacun et chacun s'en fait un vêtement à sa mesure.
Ion avait deviné que son beau- père voulait chercher à s’entendre avec lui et redoutait une nouvelle manœuvre de sa part. Il aurait bien aimé lui tirer les vers du nez mais il était si troublé qu’il ne trouvait pas les mots… D’ailleurs Vasilé Baciou ne disait rien non plus, il grognait seulement comme un ours qu’on aurait tiré de son sommeil hivernal. Il regrettait déjà d’avoir eu envie de lui donner tout son bien. (….) Le vent soufflait de face et semblait lui suggérer de reprendre ses esprits avant qu’il ne soit trop tard.
L’égoïsme humain ne s’étale plus impudemment nulle part que devant la justice.
Les enfants sont comme ça en grandissant et en s’éloignant de la famille. N’avait- t - il pas fait de même ? Il était allé à l’enterrement de son père mais ne s’était jamais déplacé pour le voir tant qu’il était alité, pendant sept semaines. Et il habitait pourtant juste à côté dans un village très proche. Quant à sa mère, chaque fois qu’elle vient les voir, il lui sert un verre d’eau-de - vie sucrée. Et c’est tout, c’est comme si elle n’existait pas. Il garde ses soucis et son amour pour son seul foyer. Pourquoi s’étonner alors que Laura n’éprouve plus ses souffrances ? C’est la vie.
Les hommes vivent pour mourir. Et ils meurent comme ils ont vécu. S’ils ont mené une vie de malheurs, la mort leur est douce comme un baiser de jeune fille vierge. S’ils ont trop bien vécu, alors la mort est dure…
Dis- nous, Ion, c’est vrai que tu aimes bien Ana ?
Ion hésita, sourit, gêné :
Ben, oui mademoiselle…bien sûr. Pourquoi pas ?
Laura faillit lui dire qu’Ana était plus laide que Florica mais elle se ravisa à temps et ne dit mot.
Dommage qu’elle soit la fille d’un méchant homme, fit remarquer la femme de l’instituteur.
C’est vrai, madame, marmonna le garçon. Mais moi son père ne m’intéresse pas…Ce n’est pas avec lui que je vais me marier, non ?
La vie est une machine à détruire les illusions. Seul celui qui peut sauvegarder ses rêves en dépit de ses cruautés ne perdra jamais confiance.