« Battant pavillon du vice-amiral Herr, commandant en chef notre escadre d’Extrême-Orient, le croiseur cuirassé Waldeck-Rousseau, qui nous ramène des Philippines, s’engage à bonne vitesse, à travers les chenaux et les méandres de cette forêt marine, de cette Polynésie fantastique, une des merveilles du monde, qui s’appelle la baie d’Along.
L’énorme masse pesante du navire, avec ses ponts superposés, ses canons, ses tourelles, sa quintuple cheminée, comment réussira-t-elle à trouver, sans s’accrocher, un passage dans cet enchevêtrement d’îlots et de rochers, qui ne laissent entre eux aucune place, aucun intervalle, semble-t-il ?
Mais, à mesure qu’on approche, le chenal, bien qu’il soit très étroit, très zigzagant, se découvre, dans lequel le puissant bateau, conduit par des mains expertes s’engage audacieusement.
Il est quatre heures de l’après-midi : un soleil éclatant fait resplendir les rocs aux formes étranges, les pointes déchiquetées auxquelles s’accroche la chevelure sombre des pins, les anses, les criques, les sommets surplombant des eaux limpides et profondes.
Féerie harmonieuse du ciel, des rochers et des eaux, en aucun autre endroit du monde, elle ne s’épanouit avec une aussi grande plénitude de tons, une richesse d’effets, une fantaisie luxuriante et capricieuse.
Tout est agencé, combiné, pour produire sur les yeux, sur l’esprit, une impression si vive, si forte, que cette excitation persistante et renouvelée finit par émousser votre vision, tarir votre source d’admiration et d’étonnement. »