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Ariela Kristantina (Illustrateur)
EAN : 9781506705613
128 pages
Dark Horse (26/03/2019)
4/5   1 notes
Résumé :
This book explores the life of the controversial and historical figure, Mata Hari -- the exotic dancer, convicted double agent, and original femme fatale--told from her own perspective. It collects the five-issue series and includes additional historical material and an artist's sketchbook.

Dancer. Courtesan. Spy. Executed by a French firing squad in 1917. One hundred years on from her death, questions are still raised about her conviction.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ce tome constitue une histoire complète et indépendante de toute autre. Il comprend les 5 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2018, écrits par Emma Reeby, dessinés et encrés par Ariela Kristantina, avec une mise en couleurs réalisée par Pat Masioni. Il s'ouvre avec 2 pages comprenant 9 photographies en noir & blanc de Mata Hari. Il se termine avec une page de texte relatant la condamnation de Mata Hari, une photographie d'elle prise le jour de son arrestation, et une page de texte écrite par la scénariste se demandant si Mata Hari peut être considérée comme une martyre.

Le 15 octobre 1917, à Saint Lazare, dans la prison pour les prostituées de Paris, Grietje Zelle-MacLeod est assise nue sur un tabouret face à sa paillasse dans sa cellule. Elle relit ce qu'elle vient d'écrire. La soeur Léonide entre, et Zelle s'habille et accompagne la soeur vers son exécution, tout en repensant à sa vie. Elle a interprété salomé (l'opéra en 1 acte de Richard Strauss, d'après la pièce d'Oscar Wilde) à Rome en 1913, Vénus en 1911 à Milan, Cléopâtre en 1910 à Monte-Carlo, et également vécu à Vienne avec un amant. le 15 octobre 1917, elle se tient devant Bouchardon (1870-1950) et décline le bandeau qu'il lui tient. Elle lui remet la liasse de feuillets qui constituent ses mémoires en lui demandant qu'il fasse en sorte qu'ils soient publiés. le capitaine sort ensuite se promener dans les rues de Paris et jette les feuillets dans l'eau, depuis un pont de la Seine. Il se souvient du jour trois mois plutôt où il avait apporté son dossier au juge, et de la première comparution de Grietje Zelle devant le tribunal. Elle était accusée d'acte de trahison. Dans la foule, un individu l'avait montrée du doigt, la désignant comme responsable de la mort 50.000 enfants. le juge avait rappelé qu'il s'agissait d'un tribunal militaire, et qu'à ce titre l'avocat civil Édouard Clunet (et ancien amant de Grietje) ne pouvait pas avoir accès aux pièces du dossier de sa cliente. le capitaine Bouchardon indique que le chef d'accusation est celui d'espionnage pour l'Allemagne, acte pour lequel elle a accepté un paiement de 20.000 francs. Tout ce temps, Grietje Zelle pense à la déesse hindoue Shiva.

Grietje Zelle commence sa déposition en indiquant sa date et son lieu de naissance : 7 août 1876 en Hollande. Elle est issue d'une riche famille, et elle se souvient de sa petite voiture tirée par une chèvre qu'elle avait eue pour un de ses anniversaires. le capitaine Bouchardon apporte ensuite plusieurs photographies montrant Mata Hari plus ou moins dénudée au cours de différentes représentations, faisant des observations sur sa vie dissolue, et son habitude d'utiliser ses charmes pour obtenir des faveurs. À la demande du juge, il raconte son arrestation, ses tentatives de séduction, ses larmes en arrivant à la prison, ses dénégations quant à toute forme de crime. Elle se souvient du jour où son père avait abandonné sa mère, et qu'elles avaient perdu tout leur confort matériel. En prison, elle demande à conserver le portrait de sa fille Nonnie.

En 2018, l'éditeur Dark Horse Comics indique fièrement qu'il a réussi à embaucher Karen Berger, l'ex responsable éditoriale de la branche Vertigo de DC Comics. le lecteur est curieux de savoir quel genre de comics va porter son sceau, et si ces histoires renoueront avec les séries innovantes publiées 3 décennies plus tôt par Vertigo. Pour ce troisième projet, elle choisit d'accompagner la réalisation d'une bande dessinée sur une femme emblématique : Mata Hari, espionne et peut-être agent double, exécutée par un peloton de zouaves. le lecteur s'attend donc à une fibre féministe dans la narration. Effectivement, Grietje Zelle est montrée au ban des accusés, et son histoire personnelle fait ressortir la place accordée aux femmes à cette époque. Par voie de conséquence, le mode de vie de Grietje Zelle ne pouvait qu'en faire une coupable, ne serait-ce que de transgresser les conventions sociales, de refuser de se comporter comme attendu d'elle, de montrer son corps nu, d'avoir plusieurs amants, de ne pas s'occuper de sa famille, de se mêler et d'intervenir dans des affaires d'état. Pour autant, la scénariste montre également que cette femme refuse de se conformer au rôle d'épouse docile, mais aussi apprécie le luxe qui vient avec l'agent, et a besoin de se sentir le centre d'attention, quitte à manipuler les gens. Au fil des séquences, le lecteur ressent bien qu'Emma Beeby a choisi de présenter le procès de Mata Hari, comme étant entaché par une présomption de culpabilité, mais elle ne fait pas de l'accusée une victime totalement innocente. du coup, la fibre féministe n'est autre que la volonté de considérer le point de vue de Grietje Zelle, sans tomber dans le pamphlet revendicatif, mais sans occulter la dimension oppressive de la société de l'époque vis-à-vis des femmes.

Le lecteur découvre donc la vie de Grietje Zelle au travers de différents moments choisis, allant de son enfance à son exécution, intégrant ses prestations de danseuse et d'actrice, ses amours et ses amants en étant plus ou moins consentante, sa soif d'accéder (ou de retrouver) un rang social élevé, sa capacité à parler une demi-douzaine de langues, ses voyages à travers l'Europe. le lecteur sait bien qu'il s'agit d'une vision morcelée, racontée de manière chronologique, entrecoupée avec des scènes de 1917. Il apprécie cette reconstitution qui présente plusieurs aspects de sa vie, sans se contenter d'une vision orientée pour prouver une théorie. Ariela Kistantina avait déjà illustrée la série InSEXts écrite par Marguerite Bennett, mêlant horreur corporelle et époque victorienne. Pour l'histoire présente, elle doit à nouveau investir du temps pour donner de la consistance à une reconstitution historique. En comparant avec les photographies présentes en début d'ouvrage, le lecteur peut apprécier la ressemblance de Mata Hari avec la réalité, ainsi que celle de ses costumes de scène. L'artiste la dépeint comme une jeune femme bien faite de sa personne, montrant une gamme d'émotion assez large sur son visage, jouant parfois de sa séduction auprès des hommes. Elle la représente dénudée à 2 ou 3 reprises, sans se focaliser sur ses attributs sexuels, sans chercher à titiller le lecteur, juste pour ses spectacles, ou pour une relation physique avec un amant.

Ariela Kristantina détoure les formes d'un trait fin et sec, pas forcément lissé, donnant parfois une impression de dessin pas tout à fait fini. Pour autant, la reconstitution historique s'avère effectivement soignée : les tenues vestimentaires des hommes comme des femmes en fonction l'endroit du globe et des conditions climatiques. Les différents lieux présentent des caractéristiques spécifiques : les intérieurs des différentes chambres de Grietje Zelle, le tribunal avec son Christ en croix, le bureau du capitaine Ladoux, la petite ville de Sneek en Hollande, l'établissement scolaire où Zelle exerce quelques temps, la demeure coloniale à Sumatra, le salon littéraire de Natalie Clifford Barney à Paris, etc. Néanmoins si le lecteur y prête attention, il se rend compte que les représentations de Kristantina restituent plus l'esprit de ces lieux que leur exactitude historique, ce qui peut se déceler avec les bâtiments en arrière-plan quand le capitaine Bouchardon jette les pages manuscrites de Zelle dans la Seine. le lecteur peut donc se projeter aux côtés de Grietje Zelle, observer ses actions, ses états d'esprit, et l'admirer dans son costume de Shiva. En effet dès le début, il apparait sporadiquement des images d'elle dans ce costume, des incrustations au détour d'une planche.

Emma Beeby a choisi de placer le comportement de Grietje Zelle à la fois sous la tutelle de ce dieu, à la fois de l'éclairer par des citations extraites de la pièce d'Oscar Wilde. Ces 2 références évoquent à la fois la conviction de Mata Hari qu'elle sera vengée de ceux qui l'ont condamnée à tort, et à la fois le pouvoir implacable de sa séduction, attirant à elle des hommes incapables de se protéger de ses charmes. Avec ces 2 éclairages, le regard du lecteur s'en trouve modifié. Il peut comprendre que Grietje Zelle se soit accoutumée au pouvoir de sa séduction. le récit montre bien qu'elle en a payé le prix, subissant des rapports non voulus à plusieurs reprises. Elle n'a fait que mettre à profit ce qui lui a été imposé par la nature (sa beauté) et par une société patriarcale oppressive. La mise en scène de Shiva relève plus d'une licence artistique, la scénariste souhaitant introduire une dimension spirituelle pour montrer ce qui peut guider le comportement de Mata Hari, sa manière d'appréhender les événements de la vie. En fonction de sa sensibilité, le lecteur peut y voir un éclairage enrichissant, la manière dont Grietje Zelle s'est construit une compréhension de l'existence lui permettant de supporter le poids psychologique de ses transgressions sociales. Ou alors il peut n'y voir qu'une forme de ratiocination rétroactive futile. À la lecture, la mise en scène de Shiva fait sens, à la fois par rapport aux rôles interprétés par Grietje Zelle, à la fois par le besoin de faire sens dans un monde où tout lui dit qu'elle est hors norme, monstrueuse.

Cette biographie de Mata Hari s'avère à la fois partielle et personnelle, permettant au lecteur de se familiariser ou de découvrir cette femme à la vie hors norme. Les dessins font vivre les personnages et revivre l'époque, même s'ils manquent parfois de précision historique. le scénario ne se contente pas d'aligner des événements factuels d'une manière clinique, il donne vie à Grietje Zelle, dans sa complexité, ses contradictions d'être humain, et sa transgression de la condition de la femme à cette époque à cet endroit du globe.
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