Ce fut une lecture étrange, abrupte, émouvante, mais aussi étouffante.
Le point de départ est un quai du port de Lisbonne, en 1942, où est amarré un paquebot en partance vers les Etats-Unis. Deux hommes, allemands, émigrés, exilés, en fuite, se croisent. L'un a passeport et billet pour embarquer, l'autre n'a ni argent, ni visa. Toute la soirée et toute la nuit, ce dernier devra écouter l'histoire du premier - qui a déjà endossé l'identité d'un "Schwarz" - afin de "gagner" le ticket pour la traversée.
"Schwarz" raconte ainsi son histoire, son amour passionné pour Hélène, dans une Allemagne nazie de tous les dangers. Il raconte sa fuite, son exil, tous les risques encourus, la maladie et la mort.
C'est un livre sur la mémoire, la transmission, l'exil et la fuite, l'oubli. "Schwarz" veut en effet transmettre son histoire au "narrateur", qui finira, au petit matin, par endosser l'identité du conteur.
La Nuit de Lisbonne est une sorte de huis clos où le narrateur est obligé d'entendre l'histoire dans une Lisbonne décrite comme une petite mosaïque où se mêlent Portugais bien sûr, aubergistes, émigrés, fuyards, espions, trafiquants, dernière marche avant l'embarquement pour la liberté.
Et c'est aussi le récit, un quasi-témoignage d'un homme forcé de fuir, migrant, réfugié, émigré, exilé et toutes les galères que cela implique : faux-papiers, passages de frontières angoissants, cachettes, traques, terreur, froid, faim, chance, hasards....
Alors que
E.M. Remarque accroche son roman sur un contexte historico-politique précis, son ouvrage, brillamment écrit, revêt une intemporalité et une universalité : celles de la condition des réfugiés-exilés et la mémoire du destin de chacun.