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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Vie de Jésus demeure un grand classique des études historiques. Rédigé en 1861, Ernest Renan y relate « scientifiquement » (La science seule est pure » p. 62) la biographie de Jésus. Et c'est parce qu'il dresse le portrait du prophète comme étant un homme, bien qu'il dit de lui qu'il fut : « la pierre angulaire de l'humanité » (p.476) qu'Ernest Renan fut condamné par l'Église catholique. Pour elle, on ne peut toucher au caractère divin du fils de Dieu.
Dès lors, toute la problématique est lancée. Comment écrire la vie d'un homme sachant qu'il ne peut être un homme puisqu'envoyé par Dieu ? Comment faire de sa vie une simple succession d'événements qui l'ont menés jusqu'à la divinité puisque sa vie fut commanditée par Dieu ? Au fil de sa thèse, on perçoit le besoin de cette religion nouvelle (« l'établissement d'un culte nouveau » p. 349) que l'écrivain n'hésite pas à désigner « secte nouvelle » (p.487) pour se détacher, non pas des malheurs de son temps, mais pour y voir venir un monde plus juste, plus égalitaire : « Une forte tendance vers les questions sociales se fait déjà sentir ; des utopies, des rêves de société parfaite prennent place dans le code » (p. 132) dans un monde où l'orthodoxie des Pharisiens régnait en Palestine. Dès lors, on comprend que le Christianisme est né d'aléas conjoncturels, d'un besoin et non d'un miracle. On comprend alors qu'Ernest Renan dise de Jésus qu'il fut « l'universel réformateur » (p.222). L'oeuvre de Jésus s'inscrit dans les besoins de son temps. Et pour y parvenir, Ernest Renan précise qu'il est « un critique profane ; je crois qu'aucun récit surnaturel n'est vrai à la lettre » (p.54).

Avant d'envisager la lecture de cette biographie, il faut garder en tête que sa rédaction s'est faite en 1861 dans un siècle où « le déisme du XVIIIème siècle » (p.227) se propageait à grande allure. Il faut également garder en tête que l'histoire comme objet scientifique n'était qu'à ses débuts. Sa préface est, à ce propos, une leçon d'histoire scientifique. Pour lui, « L'historie est essentiellement désintéressée » (p. 42) et, plus loin, « nous bannissons le miracle de l'histoire » (p116).
L'idée de faire de l'histoire selon des principes scientifiques venait d'éclore. À ce propos, Ernest Renan est parfaitement conscient qu'il ne peut entrevoir cette biographie avec ses yeux d'homme du XIXème siècle. Il le dit très justement à la page 53 : « « Tous ces phénomènes se rapportent, du reste, à un état moral qui n'est plus le nôtre ». On voit ainsi toute la lucidité et la clairvoyance de l'auteur qui écrit à une époque où la vision du monde n'est plus la même. Malgré cela, on y trouve une certaine forme de déterminisme comme à la page 265 où il annonce : « Leur ignorance était extrême ; ils avaient l'esprit faible, ils croyaient aux spectres et esprits (…) mais le coeur et la bonne volonté y débordaient. » en parlant des habitants des bords du lac Tibériade. Comme on peut le voir, on se doit de laisser de côté les marques de jugement de l'auteur qui s'additionnent à une grande connaissance des textes bibliques et notamment du quatrième Évangile qu'il détaille dans son appendice.

On remarque également des traces de sa dévotion pour le christianisme et d'une admiration pour l'oeuvre de Jésus, comme à la page 227 où il dit que l'oeuvre de Jésus fut : « L'idée la plus révolutionnaire qui soit jamais éclose dans un cerveau humain » (p.227) tout en stigmatisant les actions de ceux qui l'ont prôné (il est, à ce propos, intéressant d'utiliser le terme « révolutionnaire » durant ce siècle révolutionnaire). Et c'est, là encore, ce qui lui valu les violentes condamnations de l'Église catholique, comme lorsqu'il dit p. 487 : « ce pouvoir (pouvoir spirituel) a menti plus d'une fois à son origine ; durant des siècles, les évêques ont été des princes et le pape a été un roi. L'empire prétendu des âmes s'est montré à diverses reprises comme une affreuse tyrannie, employant pour se maintenir la torture et le bûcher ». Ernest Renan nous exprime toute sa clairvoyance sur la vie de Jésus en précisant que seule sa mort a fait de lui l'homme qu'il est devenu car, comme il le dit p.112, « la mort perfectionne l'homme le plus parfait ». Plus loin, il annonce également qu'« Au prix de quelques heures de souffrance, qui n'ont pas même atteint ta grande âme, tu as acheté la plus complète immortalité » p.476

Ce livre reste donc un ouvrage majeur dans la littérature historique. Il marque une étape nouvelle où, en tant qu'historien, il est désormais possible d'écrire scientifiquement, sans forcément critiquer, des écrits sacrés. L'oeuvre d'Ernest Renan s'inscrit dans cet univers de remise en question de la toute puissance du religieux dans une époque qui commence à douter. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si quelques années auparavant l'Église fit de Lourdes, un nouveau lieu de dévotion. Ernest Renan ouvre la voie à toutes les remises en cause possible grâce à un travail scientifique, mené uniquement par la critique des sources. Et c'est ainsi qu'il faut voir le caractère fondamental de l'oeuvre d'Ernest Renan.



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Les rapports d'Ernest Renan avec la religion sont complexes. Il la critique comme système de pensée tout en affirmant son importance comme facteur d'unification des sociétés humaines ainsi que le danger de s'en détourner trop hâtivement.
Il établit un rapport étroit entre les religions et leurs racines ethnico-géographiques. Une part essentielle de son oeuvre est consacrée aux religions avec, entre autre, son Histoire des origines du christianisme en 7 volumes, dont le premier, la Vie de Jésus, eut un grand retentissement). Ce livre qui marque les milieux intellectuels de son vivant contient la thèse, alors controversée, selon laquelle la biographie de Jésus doit être comprise comme celle de n'importe quel autre homme, et la Bible comme devant être soumise à un examen critique comme n'importe quel autre document historique. Ceci déclenche des débats passionnés et la colère de l'Église catholique.
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C'est l'histoire de la vie de Jésus, loin des dogmes, plausible. Passionnant, mais ardu à lire, tant il est fait mention de références bibliques, Renan est un philosophe du XIXème siècle qui s'est attiré les foudre de l'église, pour lui la biographie de Jésus doit être comprise comme celle dde n'importe quel homme, il replace Jésus dans son contexte et le dénouement et clair, lumineux. Plutôt un livre détude, à consommer par petites bouchées mais très très interessant.
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Renan a consacré la moitié de sa vie de chercheur et d'écrivain à une oeuvre portant sur le christianisme, ses origines et la suite de son histoire. "La vie de Jésus", publié en 1863, et le premier de 4 tomes présentant ce sujet.
L'intérêt de ce texte est majeur: Renan (qui a fait un séjour prolongé sur les lieux de la vie de Jésus (Galilée, Samarie, Judée…..) expose à la fois le fruit de ses recherches et de ses réflexions. Il s'en réfère à l'histoire, bien réelle, et cherche à comprendre comment, à partir de la vie d'une homme ordinaire, dit "Jésus de Nazareth", une construction a été échafaudée, notamment par ses disciples, mais pas seulement, pour établir les fondements de la religion chrétienne. Le parallèle permanent entre ce qui est vrai et ce qui a été construit est passionnant, car le travail effectué par l'auteur est considérable. La lecture nous renvoie à un foisonnement d'épisodes et de personnages historiques, qui oblige (pour son plaisir) le simple lecteur à se munir d'un dictionnaire (ou plutôt d'une épaisse encyclopédie, comme il y en avait il y a cinquante ans dans les maisons…..) pour y faire maintes recherches.
Jésus a été un homme "ordinaire" jusqu'à l'âge de 30 ans environ, et l'on est stupéfait de vérifier que ses initiatives publiques n'ont commencé qu'à ce moment, et pour une durée non supérieure à 3 ans. Son charisme, sa simplicité, sa bonté, son idéalisme et surtout sa capacité à renverser les valeurs et les logiques établies conduiront un certain nombre d'amis à le suivre. Désintéressé, critique vis-à-vis des puissants, il va se créer des ennemis, au sein de la religion millénaire juive établie là-bas, tout comme auprès du pouvoir romain alors en place.
Il faut vraiment lire ce livre, qui donne envie de compléter sa lecture par celle de Chateaubriant (Le génie du christianisme), pourquoi pas aussi "Le Royaume", d'Emmanuel Carrère, et le récent "Vie et destin de Jésus de Nazareth" de Daniel Marguerat. Leurs versions, bien entendu, ne concordent pas, mais c'est l'addition de ces mystères qui rendent le sujet passionnant, et son étude illimitée.


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La lecture de cet ouvrage est au début très facile puis on est submergé de notes de bas de page se référençant souvent aux évangiles. On est presque obligé, si l'on veut bien rendre compte du travail de Renan, de le paraphraser et de le citer beaucoup.
Gardons à l'esprit ces phrases essentielles qui expliquent beaucoup ce que Renan a - à mon sens – essayé de transmettre à ses lecteurs :

"N'imposons pas nos délicatesses à ceux dont le devoir a été de conduire la pauvre humanité. Entre la vérité générale d'un principe et la vérité d'un petit fait, l'homme de foi n'hésite jamais. "

La vie de Jésus de Renan est autant une biographie de la personne de Jésus qu'un essai critique sur les évangiles et les évangélistes. Il s'agit moins pour lui de dénigrer des croyances – bien qu'il rompît avec l'église après s'y être engagé – que de reformuler les évangiles et en particulier ce qu'il appelle "le quatrième évangile", celui de Jean plus oeuvre d'écrivain qui brode et invente, à la manière d'un Oriental de son temps.

" On ne voit jamais le fond de la pensée d'un Oriental ; car, souvent, ce fond n'existe pas pour lui-même. La passion, d'une part, la crédulité, de l'autre, font l'imposture. Aussi aucun grand mouvement ne se produit-il en ce pays sans quelque supercherie."

Que ce soit Jésus lui-même ou ses proches, l'auteur le rend plus humain que divin. S'il est divin, c'est dans sa philosophie qui parle à tous. Loin de critiquer Jésus, il prend simplement de la distance entre ce qu'on dit de lui et comment on peut le comprendre dans une perspective historique et notamment dans les miracles qui eurent lieu dans un certain pays dans une certaine époque ;

" Beaucoup de circonstances, d'ailleurs, semblent indiquer que Jésus ne fut thaumaturge que tard et à contrecoeur. Souvent il n'exécute ses miracles qu'après s'être fait prier, avec une sorte de mauvaise humeur et en reprochant à ceux qui les lui demandent la grossièreté de leur esprit."

Sans avoir lu les philosophes grecs ni connaître le bouddhisme, Jésus en possédait les idées sans même le savoir.
S'il fut cru et suivi, c'est d'abord qu'il était hautement charismatique mais aussi parce que le peuple qui le suivait avait grand besoin de croire. Qui plus est, il remettait en cause une certaine idée du judaïsme encroûtée dans la tradition parce que certains personnages de pouvoir voulaient garder leur prérogatives.

" Une sorte de besoin amenait cette théologie, pour corriger l'extrême rigueur du vieux monothéisme, à placer auprès de Dieu un assesseur, auquel le Père éternel est censé déléguer le gouvernement de l'univers."

Il est d'ailleurs significatif que Renan utilise le mot 'secte' à plusieurs reprises et insiste sur le côté crédule du peuple qu'avait favorisé l'oppression romaine :

" On conçoit d'un autre côté, que ces âmes tendres,
trouvant dans leur conversion à la secte un moyen de réhabilitation facile, s'attachaient à lui avec passion."

Même si les évangélistes se trompent souvent, Jésus reste un personnage indépassable, à classer parmi les grands philosophes et penseurs tels Socrate, Platon, Aristote mais aussi les fondateurs de religions.

" Jésus reste pour l'humanité un principe inépuisable de renaissances morales. La philosophie ne suffit pas au grand nombre. Il lui faut la sainteté."

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C'est après avoir lu "Le Royaume" d'Emmanuel Carrère en 2014 que j'ai acheté ce livre d'Ernest Renan "Vie de Jésus". En effet Emmanuel Carrère le mettait en avant dans son ouvrage.
Il aura patienté près de 9 ans dans ma PAL ! C'est un challenge collectif au club de lecture qui lui aura donné sa chance.
Tout comme "Le Royaume", c'est un livre très intéressant pour mieux comprendre la religion catholique dans la laquelle j'ai été éduqué mais sans réellement m'y intéresser.
Ernest Renan nous y présente une vie de Jésus simple, accessible et surtout objective pour mieux comprendre cette secte du temps de Jésus qui aura ensuite pris l'ampleur de l'on connait.
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