ALLEGRESSE
L'air sent la mer
L'hiver à une pareille altitude m'effraie
On ne sait où naissent les vents
Ni quelle direction ils prennent
La maison tangue comme un bateau
Quelle main nous balance
Au cri poussé au dehors je sortis
Pour voir
Une femme se noyait
Une femme inconnue
Je lui tendis la main
Je la sauvai
Après lui avoir dit mon nom
Qu'elle ne connaissait pas
Je la mis à sécher à l'endroit le plus chaud
Je la vis revenir à la vie et embellir
Puis comme la chaleur augmentait
Elle disparut
Evaporée
Je me mis à pousser des cris et à pleurer
Puis j'éclatai de rire
J'avais un moment recueilli la renommée
Dans mon intimité
J'ouvris la porte et me mis à courir
A travers champs à chanter à tue-tête
Quand je rentrai le calme s'était fait chez moi
Et le feu qui s'était éteint fut rallumé
SORTIE
Le
Vestiaire
Le
Portemanteau
La lumière
Au mur des têtes inclinées
Un rayon d'électricité
La voix qui chante
Un cœur qui s'est ouvert
Dans la salle éclatante
Un soir d'hiver
La foule que le feu déverse
Sur le trottoir et sous l'averse
Les diamants renvoyant les éclats
Dans la nuit le silence plane
Et c'est une voiture qui l'emporte
Sur chaque ardoise
qui glissait du toit
on
avait écrit
un poème
La gouttière est bordée de diamants
les oiseaux les boivent
VISITE
Les bateaux s'étageaient dans le tableau du fond
Où les hommes jouaient aux cartes
Les mots les plus légers montent jusqu'au plafond
Devant eux la fumée s'écarte
Les autres battent des ailes dans les plis des rideaux
L'ennui de la soirée pèse sur les cerveaux
Un livre a refermé ses portes
La prison des pensées où la mienne était morte
Toutes les bouches qui riront
Gagneront la fenêtre et l'air sur le balcon
Les vitres d'en face pâlissent
Dehors tout l'univers résonne
L'heure est venue
La cloche sonne
Et tous deux nous nous regardions
Perdus entre les murs de la même maison
REALITE DES OMBRES
Dans cet étrange faubourg en pleine ville où le plus obscure travail s'exécute, personne n'est jamais venu voir. Seul dans la nuit, dans la boue où tremblent des lumières rouges ou vertes, un certain peuple vit. J'ai compris la fatigue de ces pieds attelés au gain, à l'existence.
Dans l'ombre un homme informe ou une femme sans âge cherche, et, sans qu'on puisse savoir de quoi, emplît sa hotte.
Mais une autre, en toilette et sur les talons hauts, préfère le halo des réverbères et se met en valeur.
En passant quelquefois ces deux êtres se frôlent, sans mépris, car c'est leur vie qu'ils cherchent tous les deux sur ce même trottoir.
Nomade
La porte qui ne s’ouvre pas
La main qui passe
Au loin un verre qui se casse
La lampe fume
Les étincelles qui s’allument
Le ciel est plus noir
Sur les toits
Quelques animaux
Sans leur ombre
Un regard
Une tache sombre
La maison où l’on n’entre pas
S'arrêter devant le soleil
Après la chute ou le réveil
Quitter la cuirasse du temps
Se reposer sur un nuage blanc
Et boire au cristal transparent
De l'air
De la lumière
Un rayon sur le bord du verre
Ma main déçue n'attrape rien
Enfin tout seul j'aurai vécu
Jusqu'au dernier matin
Sans qu'un mot m'indiquât quel fut le bon chemin
Une éclaircie
Il fait plus noir
Les yeux se ferment
La prairie se dressait plus claire
Dans l’air il y avait un mouchoir
Et tu faisais des signes
Ta main sortait sous la manche du soir
Je voulais franchir la barrière
Quelque chose me retenait
Le cri venait de loin
Par derrière la nuit
Et tout ce qui s’avance
Et tout ce que je fuis
Encore
Je me rappelle
La rue que le matin inondait de soleil
Départ
L'horizon s'incline
Les jours sont plus longs
Voyage
Un coeur saute dans une cage
Un oiseau chante
Il va mourir
Une autre porte va s'ouvrir
Au fond du couloir
Où s'allume
Une étoile
Une femme brune
La lanterne du train qui part
NAISSANCE À L'ORAGE
Toute la face ronde
Au coin sombre du ciel
L'épée
La mappemonde
sous les rideaux de l'air
Des paupières plus longues
Dans la chambre à l'envers
Un nuage s'effondre
La nuit sort d'un éclair