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Citations sur La chanson des gueux (42)

Tristesse des bêtes.

Le soleil est tombé derrière la forêt.
Dans le ciel, qu’un couchant rose et vert décorait,
Brille encore un grenat au faîte d’une branche.
La lune, à l’opposé, montre sa corne blanche.
Vers les puits, dont l’eau coule aux rigoles de bois,
C’est l’heure où les barbets avec de grands abois
Font, devant le berger lourd sous sa gibecière,
Se hâter les brebis dans des flots de poussière.
Les bêtes, les oiseaux des champs, sont au repos.
Seuls, le long du chemin, compagnons des troupeaux,
Sautant de motte en motte après la mouche bleue,
On entend pépier les brusques hoche-queue.
Puis ils s’en vont aussi. La nuit de plus en plus
Monte, noyant dans l’ombre épaisse le talus
Les grillons plaintifs chantent leur bucolique
En couplets alternés d’un ton mélancolique.
Sous la brise du soir les herbes, les buissons,
Palpitent, secoués de douloureux frissons,
Et semblent chuchoter de noires confidences.
A ce ronron lugubre accordant ses cadences,
Le vieux berger, qui souffle en ses pipeaux faussés,
Fait pâmer les crapauds râlant dans les fossés.
Or, le bélier pensif baisse plus bas ses cornes ;
Les brebis, se serrant, ouvrent de grands yeux mornes ;
Et les chiens en hurlant s’arrêtent pour s’asseoir.

Oh ! vous avez raison d’être tristes, le soir !
Elle a raison, berger, ta chanson monotone
Qui pleure. Il a raison, l’animal qui s’étonne
De l’ombre épouvantable et de la nuit sans fond.
Hélas ! l’ombre et la nuit, sait-on ce qu’elles font ?
Sait-on quel oeil vous guette et quel bras vous menace
Dans cette chose noire ? Ah ! la nuit ! C’est la nasse
Que la Mort tous les soirs tend par où nous passons,
Et qui tous les matins est pleine de poissons.

Vive le bon soleil ! Sa lumière est sacrée.
Vive le clair soleil ! Car c’est lui seul qui crée.
C’est lui qui verse l’or au calice des fleurs,
Et fait les diamants de la rosée en pleurs ;
C’est lui qui donne à mars ses bourgeons d’émeraude,
A mai son frais parfum qui par les brises rôde,
A juin son souffle ardent qui chante dans les blés,
A l’automne jauni ses cieux roux et troublés ;
C’est lui qui pour chauffer nos corps froids en décembre
Unit au bois flambant les vins de pourpre et d’ambre ;
C’est lui l’ami magique au sourire enchanté
Qui rend la joie à ceux qui pleurent, la santé
Aux malades ; c’est lui, vainqueur des défaillances,
Qui nourrit les espoirs, ranime les vaillances ;
C’est lui qui met du sang dans nos veines ; c’est lui
Qui dans les yeux charmants des femmes dort et luit ;
C’est lui qui de ses feux par l’amour nous enivre ;
Et quand il n’est pas là, j’ai peur de ne plus vivre.

Vous comprenez cela, vous, bêtes, n’est-ce pas ?
Puisque, le soir venu, ralentissant le pas,
Dans votre âme, par l’homme oublieux abolie,
Vous sentez je ne sais quelle mélancolie.
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Sans domicile
  
  
  
  
Qui ça ? moi, sans domicile !
Si on peut dir' ! J'en ai rien.
J'en ai des cents et des mille.
Seul'ment j'en trouv' pa' un d' bien.

J' couch' quéqu'fois dans des bâtisses ;
Mais on en sort blanc partout.
Ça vous donn' l'air d'un artisse !
J'aim' pas ça Chacun son goût.

J' couch' quéqu'fois sous des voitures ;
Mais on attrap' du cambouis.
J' veux pas ch'linguer la peinture
Quad j' suç' la pomme à ma Louis

J' couch' quéqu'fois dans les fortifes ;
Mais on s'enrhum' du cerveau,
L' len'main, on fait l' chat qui r'niffe,
Et l' blair' coul' comme un nez d' veau.

J' couch' quéqu'fois sur un banc d' gare ;
Mais le ch'min d' fer à côté
Fout tout l' temps du tintamarre.
Les ronfleurs, ça m' fait tarter.

J' couch' quéqu'fois dans des péniches ;
Mais quand on s' réveill', tableau !
La Sein' vous a fait c'te niche
D' vous tremper l' cul Moi j' crains l'eau.

J' couch' quéqu'fois dans des pissoires ;
Mais on croit, quand vous sortez,
Qu' vous v'nez d'y fair' des histoire,
Et j' suis pas pour ces sal'tés.

J' couch' quéqu'fois chez des gonzesses ;
Mais j' suis dégoûté d' leur pieu.
Il y pass' trop d' par's de fesses.
J' suis délicat, nom de Dieu !

Enfin quéqu'fois quand on m' pomme,
J' couch' au post'. C'est chouett', c'est chaud,
Et c'est là qu'on trouve, en somme,
Les gens les plus comme il faut.
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Ballade du Rôdeur des Champs.

Nul ne peut dire où je juche :
Je n'ai ni lit ni hamac.
Je ne connais d'autre huche
Si ce n'est mon estomac.
Mais j'ai planté mon bivac
Dans le pays de maraude,
Où sans lois, sans droits, sans trac,
Je suis le bon gueux qui rôde.

Le loup poursuivi débuche.
Quand la faim me poursuit, crac !
Aux oeufs je tends une embûche;
Les poules font cotcodac
Et pondent dans mon bissac.
Puis dans une cave en fraude
Je bois vin, cidre ou cognac.
Je suis le bon gueux qui rôde.

Quand j'ai sifflé litre ou cruche,
Ma cervelle est en mic-mac ;
Bourdonnant comme une ruche,
Mon sang fait tic-tac tic-tac.
Alors je descends au bac
Où chante quelque faraude
Qui me prend pour son verrac.
Je suis le bon gueux qui rôde.

ENVOI
Prince au cul bleu comme un lac,
Cogne dont l'oeil me taraude,
Pique des deux, va ! Clic, clac !
Je suis le bon gueux qui rôde.
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Les vieux papillons

Un mois s’ensauve, un autre arrive.
Le temps court comme un lévrier.
Déjà le roux genévrier
A grisé la première grive.
Bon soleil, laissez-vous prier,
Faites l’aumône !
Donnez pour un sou de rayons.
Faites l’aumône
À deux pauvres vieux papillons.

La poudre d’or qui nous décore
N’a pas perdu toutes couleurs,
Et malgré l’averse et ses pleurs
Nous aimerions à faire encore
Un petit tour parmi les fleurs.
Faites l’aumône !
Donnez pour un sou de rayons.
Faites l’aumône
À deux pauvres vieux papillons.
[…]

Mais, hélas ! les vents ironiques
Emportent notre aile en lambeaux.
Ah ! du moins, loin des escarbots,
Ô violettes véroniques,
Servez à nos cœurs de tombeaux.
Faites l’aumône !
Gardez-nous des vers, des grillons.
Faites l’aumône
À deux pauvres vieux papillons.
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La grenouille coasse un chant rauque en râlant.
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Ce livre est non seulement un mauvais livre, mais encore une mauvaise action.
Là, maintenant, benoît lecteur, te voilà dûment averti ; et il ne faudra pas t'en prendre à moi, si tu échanges ton bon argent contre ces méchants vers et si tu emportes au sein de ta famille une semblable ordure. [...] Que si, nonobstant, tu as la conscience plus large que mon critique n'avait l'esprit, si tu ne veux point t'en rapporter à son jugement, non plus à celui du tribunal, et que tu me demandes mon humble avis sur leur avis, je suis prêt à te le donner, et je te prie de continuer à lire cette préface, après avoir toutefois accepté, mais plus doux remerciements pour cette tant gracieuse condescendance. [...] Et maintenant, feuillette ce livre abominable, pour te bien convaincre que je ne suis pas tant méprisable, quoique repris de justice et privé de mes droits civiques pour le reste de mes jours. Tu y rencontreras des cantilènes de mendiants, des ballades de baladeurs, des paysages, des coins de campagne, des bouts de rue, des petiots qui te demanderont l'aumône, des vieux, des marmiteux, de franches canailles qui ont la main leste et la parole encore plus, mais aussi le cœur sur la main ; tu y verras passer jusqu'à des bêtes, car il y a des gueux parmi elles comme parmi nous ; tu y entendras de ces affreux gros mots qui offusquent si fort notre bégueulerie moderne, et parfois des refrains où se joue gaiement un rayon de soleil, où flambe un verre de vin ; et tu te diras qu'en somme il n'y avait pas là de quoi fouetter un chat, que la vertu de nos contemporains est diablement prompte à s'effaroucher, et qu'elle ressemble à ces vieilles dissolues qui poussent la pudeur et la crainte du sens obscène au point de dire le séant d'une bouteille et la tige d'un cheval.
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Le Chemin creux

Le long d'un chemin creux que nul arbre n'égaie,
Un grand champ de blé mûr, plein de soleil, s'endort,
Et le haut du talus, couronné d'une haie,
Est comme un ruban vert qui tient des cheveux d'or.

De la haie au chemin tombe une pente herbeuse
Que la taupe soulève en sommet inégaux,
Et que les grillons noirs à la chanson verbeuse
Font pétiller de leurs monotones échos.

Passe un insecte bleu vibrant dans la lumière,
Et le lézard s'éveille et file, étincelant,
Et près des flaques d'eau qui luisent dans l'ornière
La grenouille coasse un chant rauque en râlant.

Ce chemin est très loin du bourg et des grand'routes.
Comme il est mal commode, on ne s'y risque pas.
Et du matin au soir les heures passent toutes
Sans qu'on voie un visage ou qu'on entende un pas.

C'est là, le front couvert par une épine blanche,
Au murmure endormeur des champs silencieux,
Sous cette urne de paix dont la liqueur s'épanche
Comme un vin de soleil dans le saphir des cieux,

C'est là que vient le gueux, en bête poursuivie,
Parmi l'âcre senteur des herbes et des blés,
Baigner son corps poudreux et rajeunir sa vie
Dans le repos brûlant de ses sens accablés.

Et quand il dort, le noir vagabond, le maroufle
Aux souliers éculés, aux haillons dégoûtants,
Comme une mère émue et qui retient son souffle
La nature se tait pour qu'il dorme longtemps.
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Ces mômes corrompus, ces avortons flétris,
Cette écume d'égout, c'est la levure immonde
De ce grand pain vivant qui s'appelle Paris
Et qui sert de brioche au monde.

p. 117 (in LES MÔMES)
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La plainte du bois.

Dans l’âtre flamboyant le feu siffle et détone,
Et le vieux bois gémit d’une voix monotone.
Il dit qu’il était né pour vivre dans l’air pur,
Pour se nourrir de terre et s’abreuver d’azur,
Pour grandir lentement et pousser chaque année
Plus haut, toujours plus haut, sa tête couronnée,
Pour parfumer avril de ses grappes de fleurs,
Pour abriter les nids et les oiseaux siffleurs,
Pour jeter dans le vent mille chansons joyeuses,
Pour vêtir tour à tour ses robes merveilleuses,
Son manteau de printemps de fins bourgeons couvert,
Et la pourpre en automne, et l’hermine en hiver.
Il dit que l’homme est dur, avare et sans entrailles,
D’avoir à coups de hache et par d’âpres entailles
Tué l’arbre ; car l’arbre est un être vivant.
Il dit comme il fut bon pour l’homme bien souvent,
Qu’à nos jeunes amours et nos baisers sans nombre
Il a prêté l’alcôve obscure de son ombre,
Qu’il nous couvrait le jour de ses frais parasols
Et nous berçait la nuit aux chants des rossignols,
Et qu’ingrats, oubliant notre amour, notre enfance,
Nous coupons sans pitié le géant sans défense.

Et dans l’âtre en brasier le bois geint et se tord.
Ô bois, tu n’es pas sage et tu te plains à tort.
Nos mains en te coupant ne sont pas assassines.
Enchaîné, subissant l’entrave des racines,
Tu végétais au même endroit, sans mouvement,
Et conjoint à la terre inséparablement.
Toi qui veux être libre et qui proclames l’arbre
Vivant, tu demeurais planté là comme un marbre,
Captif en ton écorce ainsi qu’en un réseau,
Et tu ne devinais l’essor que par l’oiseau.
Nous t’avons délivré du sol où tu te rives,
Et te voilà flottant sur l’eau, voyant des rives
Avec leurs bateliers, leurs maisons, leurs chevaux.
Ô les cieux différents ! les horizons nouveaux !
Que de biens inconnus tu vas enfin connaître !
Quel souffle d’aventure étrange te pénètre !
Mais tout cela n’est rien. Car tu rampes encor.
Qu’on le fende et le brûle, et qu’il prenne l’essor !
Et le feu furieux te dévore la fibre.
Ah ! tu vis maintenant, tu vis, te voilà libre !

Plus haut que les parfums printaniers de tes fleurs,
Plus haut que les chansons de tes oiseaux siffleurs,
Plus haut que tes soupirs, plus haut que mes paroles,
Dans la nue et l’espace infini tu t’envoles !
Vers ces roses vapeurs où le soleil du soir
S’éteint comme une braise au fond d’un encensoir,
Vers ce firmament bleu dont la gloire allumée
Absorbe avec amour ton âme de fumée,
Vers ce mystérieux et sublime lointain
Où viendra s’éveiller demain le frais matin,
Où luiront cette nuit les splendeurs sidérales,
Monte, monte toujours, déroule tes spirales,
Monte, évanouis-toi, fuis, disparais ! Voici
Que ton dernier flocon flotte seul, aminci,
Et se fond, se dissout, s’en va. Tu perds ton être ;
Aucun oeil à présent ne peut te reconnaître ;
Et toi qui regrettais le grand ciel et l’air pur,
Ô vieux bois, tu deviens un morceau de l’azur.
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Idylle de pauvres.

L’hiver vient de tousser son dernier coup de rhume
Et fuit, emmitouflé dans sa ouate de brume.
On ne reverra plus, avant qu’il soit longtemps,
Sur la vitre, allumée en prismes éclatants,
Fleurir la fleur du givre aux étoiles d’aiguilles.
Voici qu’un frisson monte à la gorge des filles !
C’est le printemps. Salut, bois verts, oiseaux chanteurs,
Ciel délicat ! La brise, où flottent des senteurs,
Apports on ne sait d’où les amoureuses fièvres ;
Et des baisers, errants dans l’air, cherchent des lèvres.

Mais le dur paysan retourne à ses travaux.
Pour lui, qu’importe avril et ses désirs nouveaux ?
Ce qu’il sait seulement, c’est qu’il faut quitter l’âtre,
Qu’il faut recommencer la lutte opiniâtre
Contre la terre en rut, buveuse de sueurs.
Et le chant des oiseaux, l’aube aux fraîches lueurs,
Les papillons, l’azur, lui disent : – Prends ta blouse
Et travaille. La terre est ta femme jalouse
Et veut que tu sois tout à elle, et tout le jour.
Féconde-la, vilain, sans penser à l’amour. -
Et le dur paysan baise la terre grise
Sans humer les senteurs qui flottent dans la brise,
Sans ouvrir sa poitrine aux souffles embrasés.

Où vous poserez-vous, vols errants de baisers,
Essaim tourbillonnant des amoureuses fièvres ?
Heureusement pour vous que les gueux ont des lèvres.
(Ici deux gueux s’aimaient jusqu’à la pâmoison,
Et cela m’a valu trente jours de prison.)

Ô gueux, enivrez-vous de l’amour printanière !
Allez, sous le buisson qui vous sert de tanière,
Personne ne vous voit que le bois et le ciel.
L’abeille, qui bourdonne en butinant son miel,
Ne racontera pas les choses que vous faites.
Le papillon, joyeux de voir les champs en fêtes,
Vole sans bruit parmi la plaine aux cent couleurs,
Et pour vous imiter conte fleurette aux fleurs.
Seul, un oiseau, perché sur la plus haute feuille,
Entend les mots qu’on dit et les baisers qu’on cueille,
Et semble se moquer de vous, le polisson !
Mais tout ce qu’il raconte en l’air n’est que chanson.
Aimez-vous ! Savourez, loin du monde et des hommes,
Ce qu’on a de meilleur sur la terre où nous sommes !
Pâmez-vous dans les bras l’un de l’autre sans fin !
Abreuvez votre soif d’aimer ! A votre faim
Repaisses-vous longtemps de caresses trop brèves !
Vivez cette minute ainsi qu’on vit en rêves !
Dans le débordement de ce fleuve vermeil
Noyez les jours sans pain, et les nuits sans sommeil,
Et tout ce qui vous reste à vivre dans la dure !
Ô gueux, soyez heureux ! L’amour vous transfigure.
Malgré vos pauvretés, vous êtes riches, beaux.
De l’amour éternel vous portez les flambeaux.
Oui, l’amour qui fait battre à l’instant votre artère,
C’est celui qui féconde autour de vous la terre
C’est celui dont la brise apporte les senteurs,
C’est celui des bois verts et des oiseaux chanteurs,
Celui qui fait gonfler les seins comme des voiles,
Celui qui dans les cieux fait rouler les étoiles,
C’est l’amour éternel que tout veut apaiser
Et par qui l’univers n’est qu’un vaste baiser.
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