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Critique de Sofiert


Truffé de références bibliques, de paroles de chansons, de Pokémon et des Sims ou d'extraits de littérature enfantine, ce roman de 400 pages extrêmement denses, n'est pas d'une lecture facile.
D'abord, il s'agit d'un long monologue avec peu de ponctuation que l'on lit parfois à bout de souffle.
Ensuite, ce long monologue est celui d'un pédophile de 49 ans, un vétérinaire qui tombe éperdument amoureux de la fille d'un fermier de ses 10 ans à ses 14 ans. Avec ces points communs avec le roman de Nabokov, le risque d'une mauvaise interprétation est toujours possible.

C'est en termes de possession que s'exprime le plus souvent la passion amoureuse pour la fillette :"Je rampais insensiblement sous ta peau, à la manière de la grande douve du foie dans un bovin, une plus belle métaphore ne m'est pas venue : j'étais un parasite."
Jamais à court de métaphores, l'auteur dissèque la passion amoureuse avec une grande inventivité mais sans la moindre animosité. Bien qu'il soit coupable et qu'il en ait conscience, bien qu'il soit en prison pour cet acte criminel, le vétérinaire n'est pas décrit comme un terrifiant pervers. C'est sans doute pour cette raison que le livre est considéré avec suspicion. Après les récits de Vanessa Springora ou de Camille Kouchner, après les débats nécessaires sur le consentement, comment peut-on encore donner la parole à un pédophile ?
L'auteur déclare : "Je n'avais pas envie de dire si c'était bien ou mal. La littérature est faite pour explorer ! Si elle ne le fait pas, qui va étudier ces sujets si délicats ?

Né en 1991 Marieke Lucas Rijneveld est déjà considéré comme un très grand écrivain néerlandais. Plutôt que transgenre, il préfère se déclarer non binaire mais souhaite qu'on parle de lui au masculin.
Dans un interview, il confirme la part autobiographique du roman et la raison pour laquelle il a choisi la voix du prédateur.
"Le roman est en partie basé sur mon vécu avec bien entendu beaucoup de choses ajoutées. J'ai connu une situation plus ou moins similaire, mais je ne pensais pas écrire sur le sujet. Cependant, l'histoire m'habitait, était déjà présente en moi. J'ai choisi le vétérinaire comme narrateur, car il aurait été trop difficile pour moi, trop proche, de devenir la narratrice, d'expliquer que la jeune fille a laissé les choses se passer…"

Si l'auteur ne cache rien des fantasmes sexuels du vétérinaire, de ses mensonges et de ses machinations, il révèle également les attouchements incestueux dont il a été victime par sa mère et la rigueur de son éducation religieuse. A sa décharge, les hallucinations qu'il subit et ses délires paranoïaques apparaissent comme le symptôme d'une folie qui pourrait atténuer sa culpabilité. de même que
l' apparente sincérité de son amour tend à amoindrir la gravité de ses actes. N'oublions pas cependant qu'il est lui-même le narrateur de son crime !!!
Tout aussi énigmatique, le portrait que l'auteur fait de lui-même enfant-victime, questionne.
D'une imagination débordante et d'une sensibilité exacerbée, elle a une personnalité atypique. Elle rêve de voler et fait des tentatives en ce sens, elle, dialogue avec Hitler et Freud, rêve d'avoir un zizi ( dit ramure), a une culture musicale exceptionnelle et connaît parfaitement Stephen King. D'abord amoureuse du fils du vétérinaire, elle finit par se laisser séduire sans que l'on comprenne si elle était sous emprise ou si on se laisse abuser par le regard du narrateur.

Ce roman ne peut laisser indifférent, tant par l'intensité du sujet abordé que par l'intensité de son écriture.
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