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Citations sur Sur Rodin (4)

Ainsi il y a dans l'oeuvre de Rodin des mains, des mains indépendantes et petites qui, sans appartenir à quiconque, sont vivantes. Des mains qui se dressent irritées et méchantes. Des mains, les cinq doigts levés, semblant aboyer comme les cinq cous d'un cerbère. Des mains qui marchent, des mains endormies et des mains qui se réveillent. Des mains criminelles, chargées d'hérédité et des mains fatiguées qui ne veulent rien, couchées par terre dans un coin quelconque, comme des bêtes malades qui savent que nul ne viendra les aider. [cf. " Autour de Rilke" - Collection Quadrangle, 1999 ]
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Cela était. A côté de toute l’histoire de l’Humanité se déroulait cette autre histoire, qui ignorait les déguisements, les conventions, les différences et les classes, qui ne connaissait que la lutte. Elle aussi avait eu son développement. D’un instinct elle était devenue une nostalgie, d’un désir de mâle à femelle, un élan d’homme à homme. Et ainsi apparaissait-elle dans l’œuvre de Rodin. C’est toujours encore l’éternelle bataille des sexes, mais la femme n’est déjà plus l’animal dompté ou docile. Elle est pleine de désirs et éveillée comme l’homme, et l’on dirait qu’ils se sont mis ensemble, pour chercher tous deux leur âme. L’homme qui se lève, la nuit, et, à pas étouffés, va vers un autre, est pareil à un chercheur de trésors qui veut creuser et trouver le grand bonheur dont il a tant besoin, au carrefour du sexe. Et dans tous les vices, et dans tous les plaisirs contraire à la nature, dans toutes les tentatives désespérées et perdues de donner à la vie un sens infini, il y a quelque chose de cette nostalgie qui fait les grands poètes. Ici l’Humanité à faim au-delà d’elle-même. Ici des mains s’allongent vers l’éternité. Ici des yeux s’ouvrent, voient la Mort et ne la craignent pas ; ici se déploie une vie héroïque, sans espoir, dont la gloire va et vient comme un sourire, fleurit et se brise ainsi qu’une rose. Ici sont les tempêtes du désir et les calmes plats de l’attente ; ici sont les songes qui devinrent des actes et les actes qui se perdirent en songes. Ici, comme à une gigantesque banque de jeux, une fortune de force était gagnée ou perdue. Tout cela est écrit dans l’œuvre de Rodin.
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Et il créa le geste vague de cet homme qui "traverse seulement la vie". "Le passant", l'a nommé Gustave Geffroy. Il s’en va déjà, mais il se retourne encore une fois en arrière, non pas vers la ville, non pas vers ceux qui pleurent, ni vers ceux qui l’accompagnent. Il se retourne en arrière, vers soi-même. Son bras droit se lève, se ploie, vacille ; sa main s’ouvre en l’air et lâche quelque chose, ainsi que l’on donne la liberté à un oiseau. C’est un départ de tout l’incertain, d’un bonheur qui n’était pas encore, d’une souffrance qui maintenant attendra en vain, d’hommes qui vivent n’importe où et que l’on eût peut-être rencontrés quelque jour ; de toutes les possibilités de demain et d’après-demain, et aussi de cette mort que l’on imaginait lointaine, douce et calme, et au bout d’un long, d’un très long temps.
Cette figure, érigée seule dans un vieux jardin ombragé, pourrait être un monument pour tous ceux qui sont morts trop tôt.
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De même que quelqu’un qui cherche longtemps un objet devient de plus en plus perplexe, distrait et pressé, et produit autour de soi un massacre, un entassement de choses qu’il tire de leur ordonnance habituelle, comme s’il voulait les contraindre à chercher avec lui, de même les gestes de l’Humanité qui ne peut trouver sa signification sont devenus de plus en plus impatients, nerveux, précipités et hâtifs. Et toutes les questions de l’existence, remuées et fouillées, gisent autour d’elle. Mais, en même temps, ses mouvements se sont aussi faits plus hésitants. Ils n’ont plus cette rectitude physique et résolue avec laquelle les hommes d’autrefois ont tout empoigné. Ils ne ressemblent plus à ces mouvements qui sont conservés dans les statues anciennes, aux gestes dont le point de départ et le point final importaient seuls. Entre ces deux moments simples, d’innombrables transitions se sont insérées et il apparut que, justement dans ces états intermédiaires, se passait la vie de l’homme d’aujourd’hui, son action et son impuissance à agir. Les manières de saisir étaient devenues différentes, les manières de faire signe, de lâcher et de tenir. En tout il y avait beaucoup plus d’expérience, et en même temps de nouveau, plus d’ignorance ; plus de découragement et plus d’achoppement contre des résistances ; beaucoup plus de deuil de ce qui a été perdu, beaucoup plus de jugement, de sens des mesures, de réflexion, et moins d’arbitraire. Rodin créa ces gestes.
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