Citations sur Oeuvres complètes (211)
À quatre heures du matin, l'été,
Le sommeil d'amour dure encore.
Sous les bocages s'évapore
L'odeur du soir fêté.
Extrait de UNE SAISON EN ENFER
Les soirs d’été…
Les soirs d’été, sous l’œil ardent des devantures
Quand la sève frémit sous les grilles obscures
Irradiant au pied des grêles marronniers,
Hors de ces groupes noirs, joyeux ou casaniers,
Suceurs du brûle-gueule ou baiseurs du cigare,
Dans le Kiosque mi-pierre étroit où je m’égare,
– Tandis qu’en haut rougeoie une annonce d’Ibled, –
Je songe que l’hiver figera le Tibet
D’eau propre qui bruit, apaisant l’onde humaine,
– Et que l’âpre aquilon n’épargne aucune veine.
(Album Zutique)
J'avais bien autre chose à faire que de vivre.
AUBE
J'ai embrassé l'aube d'été.
Rien ne bougeait encore au front des palais. L'eau était morte.
Les camps d'ombres ne quittaient pas la route du bois. J'ai marché, réveillant les haleines vives et tièdes ; et les pierreries regardèrent, et les ailes se levèrent sans bruit.
La première entreprise fut, dans le sentier déjà empli de frais et blêmes éclats, une fleur qui me dit son nom.
Je ris au wasserfall blond qui s'échevela à travers les sapins : à la cime argentée je reconnus la déesse.
Alors je levai un à un les voiles. Dans l'allée, en agitant les bras. Par la plaine, où je l'ai dénoncée au coq. A la grand-ville elle fuyait parmi les clochers et les dômes, et courant comme un mendiant sur les quais de marbre,je la chassais.
En haut de la route, près d'un bois de lauriers, je l'ai entourée avec ses voiles amassés, et j'ai senti un peu son immense corps.
L'aube et l'enfant tombèrent au bas du bois.
Au réveil il était midi.
ILLUMINATIONS
Les lampes et les tapis de la veillée font le bruit des vagues, la nuit, le long de la coque et autour du steerage.
VOYELLES
A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,
Golfes d’ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d’ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;
U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d’animaux, paix des rides
Que l’alchimie imprime aux grands fronts studieux ;
O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges :
— O l’Oméga, rayon violet de Ses Yeux !
Elle est retrouvée.
Quoi ? - L'Éternité.
C'est la mer allée
Avec le soleil.
L'ÉTERNITÉ
En septembre
Parmi la chaleur accablante
Dont nous torréfia l’été,
Voici se glisser, encor lente
Et timide, à la vérité,
Sur les eaux et parmi les feuilles,
Jusque dans ta rue, ô Paris,
La rue aride où tu t’endeuilles
De tels parfums jamais taris,
Pantin, Aubervilliers, prodige
De la Chimie et de ses jeux,
Voici venir la brise, dis-je,
La brise aux sursauts courageux…
La brise purificatrice
Des langueurs morbides d’antan,
La brise revendicatrice
Qui dit à la peste : va-t’en !
Et qui gourmande la paresse
Du poète et de l’ouvrier,
Qui les encourage et les presse…
Vive la brise ! Il faut crier :
Vive la brise, enfin, d’automne
Après tous ces simouns d’enfer,
La bonne brise qui nous donne
Ce sain premier frisson d’hiver !
Bannières de mai
Aux branches claires des tilleuls
Meurt un maladif hallali.
Mais des chansons spirituelles
Voltigent parmi les groseilles.
Que notre sang rie en nos veines,
Voici s'enchevêtrer les vignes.
Le ciel est joli comme un ange,
L'azur et l'onde communient.
Je sors. Si un rayon me blesse
Je succomberai sur la mousse.
Qu'on patiente et qu'on s'ennuie
C'est trop simple. Fi de mes peines.
Je veux que l'été dramatique
Me lie à son char de fortune.
Que par toi beaucoup, ô Nature,
- Ah! moins seul et moins nul! - je meure.
Au lieu que les Bergers, c'est drôle,
Meurent à peu près par le monde.
Je veux bien que les saisons m'usent.
À toi, Nature, je me rends;
Et ma faim et toute ma soif.
Et, s'il te plaît, nourris, abreuve.
Rien de rien ne m'illusionne;
C'est rire aux parents, qu'au soleil,
Mais moi je ne veux rire à rien;
Et libre soit cette infortune.
CHANSON DE LA PLUS HAUTE TOUR
Qu'il vienne, qu'il vienne,
Le temps dont on s'éprenne.
J'ai tant fait patience
Qu'à jamais j'oublie.
Craintes et souffrances
Aux cieux sont parties.
Et la soif malsaine
Obscurcit mes veines.
Qu'il vienne, qu'il vienne,
Le temps dont on s'éprenne.
Telle la prairie
À l'oubli livrée,
Grandie, et fleurie
D'encens et d'ivraies,
Au bourdon farouche
Des sales mouches.
Qu'il vienne, qu'il vienne,
Le temps dont on s'éprenne.
Extrait d' Une saison en enfer