L'hôtel des souvenirs, tome 1 : Un parfum de chèvrefeuille

—    Nous avons enfin tout ce qu’il faut : chaussures, cartables, boîtes à sandwichs, stylos, crayons de couleur, cahiers. Le safari au supermarché est terminé et c’est un soulagement. Avec Murphy à l’école à plein temps, les soucis de garde disparaissent en grande partie, ce qui va me faciliter la vie.
—     J’entends le mais.
—    Mais... mon bébé ne sera plus là. Il n’y a pas si longtemps, je le promenais encore sur mon dos, et maintenant il va à l’école avec un cartable sur le sien. Ça me paraît à peine croyable. Alors bon, je vais les déposer lundi matin et rentrer pleurer un bon coup. Après, ça ira mieux.
—    J’ai toujours imaginé que ma mère dansait de joie à l’instant où on descendait l’allée pour prendre le bus.
—    La danse de joie vient après les larmes. 

—    Je n’en reviens pas que vous soyez déjà si avancés. Mais comment faites-vous pour meubler un espace qui n’existe pas encore ? s’extasia Clare tout en continuant de griffonner. J’aurais dû me douter que Justine ne se contenterait pas de chintz.
—    Elle veut un joyau dont chaque facette sera polie et rutilante à l’extrême. Et c’est ce que nous allons lui offrir.
Clare leva les yeux, touchée.
—J’admire l’affection qu’il y a entre vous, le travail d’équipe, la compréhension mutuelle. C’est ce à quoi j’aspire avec mes garçons.
—Je t’ai vue avec tes fils, et je dirais que c’est déjà très bien parti.
—    Parfois, j’ai l’impression d’être un Monsieur Loyal dans un cirque habité par des démons. Ta mère devait avoir le même sentiment, j’imagine.
—    Si tu lui posais la question, elle répondrait que c’est encore le cas, à mon avis.
—    Réconfortant et terrifiant à la fois. 

—    Il y a des grenouilles bleues dans la voiture, murmura-t-il quand il sortit.
—    C’est bien, mon grand.
Elle le guida gentiment vers la chambre.
Harry faisait toujours des rêves très imaginatifs.
—    Celle qui conduit est rouge, précisa-t-il.
—    Sûrement parce qu’elle est la plus âgée, répondit-elle en l’embrassant sur la joue, mais il s’était déjà rendormi.
Clare embrassa Liam dans l’autre lit, puis se pencha vers Murphy.
—    Ferme les yeux.
—    Je suis pas fatigué.
—    Ferme-les quand même. Tu vas peut-être rattraper Harry et ses grenouilles bleues. Mais celle qui conduit est rouge.
—    Il y a des chiens ?
—    C’est toi qui décides, mon chéri. Bonne nuit.
—    Bonne nuit. On peut avoir un chien ?
—    Et si tu commençais d’abord par en rêver ?

Le chant et le silence du coeur
Sont en partie prophéties, en partie nostalgie,
Extravagantes et vaines.