Plus tu grandis, plus tu perçois les membres de la famille comme des fauves tournant en rond dans la même cage, dans un espace trop restreint pour toute guerre ouverte. Vous rôdez, vous épiant, vous ménageant un territoire sécuritaire, léchant en secret vos blessures. Il te semble qu’un rien pourrait vous jeter les uns contre les autres dans une curée qui donne le frisson. Que de silence et d’étouffement pour vous protéger ! Vaut sans doute mieux pour Michèle un mari insipide que cette famille asphyxiante…
Corps à corps. Ils s’immobilisent. Ils goûtent leur chaleur, il hume son parfum de mer. Et doucement, Marc pousse en elle sa verge dure et brûlante. Et elle s’ouvre. Elle n’en finit plus de se dilater pour l’accueillir. Elle le prend. Elle se donne. Le lit devient une nacelle précaire dans la tempête. Ça sent le varech et les embruns. Ils tanguent sur l’océan, qui les berce, les emporte. Ils ne sont plus que deux corps enlacés, roulés par une déferlante dans une explosion de feu et de lumière.
Chaque jour t’apporte son lot de connaissances nouvelles, ce qui t’insuffle davantage d’énergie. Plus que tout autre, le cours de poésie te fascine. Les mots avec lesquels ont jonglé ces grands magiciens prennent des dimensions insoupçonnées et leur capacité de nommer l’intangible est décuplée ; les mots ouvrent soudain de larges ailes et planent dans le cœur et dans l’âme.
Tu revis. La joie d’apprendre coule en toi comme une rivière souterraine aux résurgences inattendues.
Tes dents s’enfoncent avec délectation dans la mie beurrée, comme celles d’un animal dans une proie quand manger devient une question de survie. Le beurre froid fond un peu. La croûte, elle, résiste délicieusement. C’est plus que du pain, c’est plus que manger. C’est une communion. C’est de la vie qui te pénètre. C’est du blé, c’est de l’eau, c’est de la terre. Tu es de cet univers. Tu es vivante !
Partout et toujours, le froid tue, pétrifie, dépouille, comprime le territoire. Dans ton quartier, l’effet en est dévastateur : la couleur et l’espace, distribués avec tellement de parcimonie, y sont réduits à néant. Et ta vie aussi. La neige tombe comme une masse sur tes épaules fragiles. Ton appétit d’oiseau s’émousse et tu perds du poids.