Bardé des principaux prix littéraires du rayon SF, ce petit roman écrit à quatre mains a de quoi briller au firmament et ses auteurs peuvent bien esquisser le pas de gigue des multirécidivistes, car avec
La Danse des étoiles, ils ont au moins décroché la lune : le prix Nebula « du roman court » en 1977, le prix Locus « du roman court » en 1978 et le prix Hugo « du roman court » de 1978. Bref, c'est un « roman court »… Bravo aux lauréats, Mr Robinson and Mrs Robinson…
Et à propos de lauréat, je ne peux m'empêcher d'entonner ce refrain (allez, tous ensemble) :
« And here's to you, Mrs Robinson – Jesus loves you more than you will know, wo, wo, wo – God bless you please, Mrs Robinson – Heaven holds a place for those who pray - Hey, hey, hey... Hey, hey, hey... » ♫♪
Un roman court donc… voire un peu trop court. Les auteurs emboîtent pourtant le pas des plus grands de l'âge d'or, on pense immédiatement à
Heinlein et à Sturgeon, pour le traitement de thèmes classiques en SF comme le rapprochement avec une civilisation extraterrestre non belliqueuse mais hautement suspecte (
En terre étrangère) ou l'évolution symbiotique de la race humaine (Les plus qu'humains), mais également pour le style d'écriture, mettant en avant l'humanité touchante des personnages, ici, essentiellement une troupe de danseurs de l'espace, artistes visiblement torturés.
La danse est le thème omniprésent, on s'en doutait un peu, et la participation de Mrs Robinson, danseuse et chorégraphe, y est sans doute pour beaucoup, wo, wo, wo… ♫♪, hey, hey, hey... ♫♪
Le fait de choisir l'expression corporelle, la danse, comme moyen privilégié (et unique) de communication avec une civilisation extra-terrestre potentiellement belliqueuse (mais pas que, je n'en dis pas plus sur la nature de ces visiteurs…) me semble être une insulte à l'intelligence. Houlà je sens que je vais me créer un certain nombre d'inimitiés, je reviendrai plus tard sur cette idée… N'étant pas spécialiste du sujet, j'ai trouvé les descriptions des chorégraphies lourdes et ennuyeuses, aussi fastidieuses et exténuantes que des séances d'entraînement dans d'horribles odeurs de poussière et de sueur, en un mot traumatisantes... Mais c'est peut-être l'effet recherché, pour faire souffrir le lecteur (enfin, ceux parmi les lecteurs qui n'aiment pas la danse, bien fait pour eux !) Toutes ces scènes de danse, pourtant réalisée en apesanteur, essoufflent les protagonistes et le rythme du roman…
Mais le rythme du roman… accélère parfois, comme repris par une plume plus alerte. C'est l'effet « quatre mains », l'ami Spider veille au grain et cherche à renforcer sa toile (Spider est le prénom de Mr Robinson) afin de donner un peu plus de consistance à la trame du scénario. le rythme s'accélère à la fin et la tension devient palpable, mais ces instants de bravoure ne sont que trop peu développés et pas suffisamment annoncés (
les attentes militaristes des commanditaires de l'expédition vers Saturne, notamment), comme si le final s'était imposé de l'extérieur, pour en finir.
Un peu mieux réparties, les scènes dévoilant les stratégies personnelles, les scènes d'action ou de suspense, auraient pu permettre de conserver un intérêt intact tout au long de la lecture. Au lieu de cela, on passe beaucoup de temps à se demander où planter les caméras, si l'éclairage est bon, si unetelle va enfin se réconcilier avec untel, si on va pouvoir lever la jambe plus haut sans avoir mal, si on parviendra à sauver l'humanité et/ou son couple, et si le spectacle va marcher du feu de Dieu et être encore meilleur que le précédent. Personnellement, le lecteur s'en fout un peu, de toute façon il n'a pas l'image.
Revenons sur l'idée que la danse serait le moyen de communiquer avec des extraterrestres. Cette idée est étrange, mais pourquoi pas, on peut imaginer des E.T. amateurs de chorégraphie et de spectacles vivants. le plus difficile à avaler est que chaque spectacle produit dans l'espace remporte un succès mondial sur Terre, fait pleurer dans les chaumières sur tous les continents et génère des droits colossaux qui rendent les danseurs milliardaires. Anne Teresa de Keersmaeker peut se frotter les mains, le tourisme spatial, avec Virgin Galactic, est désormais en plein essor !
Ne pariant pas sur l'appétence des extra-terrestres pour la chorégraphie et les exploits des saltimbanques cracheurs de feu, rappelons que la NASA en 1972 avait conçu son message embarqué dans les sondes Pioneer 10 et Pioneer 11, destiné aux éventuels E.T. de passage dans notre galaxie, de la façon suivante : un homme nu, une femme nue, un atome d'hydrogène, une représentation de la sonde spatiale, un système solaire et son cortège de planètes, une galaxie et quatorze pulsars connus. Il y avait donc plein d'indices plus ou moins scientifiques permettant de retrouver la position de la Terre et l'origine de la sonde. Pas très futé de la part des psychologues de la NASA si les E.T. rencontrés devaient s'avérer belliqueux et hégémonistes ! En tout cas, vous l'aurez remarqué, nulle trace d'entrechats, de tutus et de justaucorps sur la plaque de Pioneer… Les tutus, c'est un peu court pour représenter l'humanité de façon crédible. Trois prix du « roman court », un peu trop court… on nous avait pourtant prévenus ! Hey, hey, hey... ♫♪