Le secret du contentement, dans la vie, c'est qu'il faut pas trop tenter d'insister, si c'est pour vouloir l'impossible.
Je me suis dit Le bonheur, faudrait savoir de quoi c'est fait mais ça doit se trouver tôt, avec un nom pareil.
Tôt le matin, je voulais dire. De bonne heure. Vous voyez ? Le bonheur, de bonne heure.
J'aime pas quand j'ai les mains sales. J'aime pas surtout quand c'est du sale qu'on voit pas. Du sale de microbe, tout petit, qui peut se coller sur mes doigts me rentrer sous la peau me faire mourir je sais pas.
Moi, des fois, j'aime les bisous. Ou alors pas. Quand c'est des bisous d'arrivée je les aime. Quand c'est des bisous de partir, j'aime pas. Et pas. Et pas. [Et pas. Et pas. en italiques dans le texte]
[ tirée de la nouvelle " Je suis plein d'autres aussi " ]
C'est un peu ça qui est difficile avec la vie. La vie en tant qu'existence, je parle.
On peut pas tout avoir et le reste, à la fois.
On a fini le « mais soudain ». Cette mamie tourne la page.
« C’est alors que… »
Elle lit bien cette mamie elle s’arrête quand ça tape dedans le cœur – je suis pas mal juste ça tape – c’est du tape qui fait du bien – cette histoire de cette mamie c’est troooop bien.
[ tirée de la nouvelle " Je suis plein d'autres aussi " ]
Pourquoi c'est toujours difficile ? Pourquoi c'est toujours des lapins enfermés dans des cages ou des livres, des Tania qui crient avec leur grande bouche, des mots coincés qui peuvent pas sortir, des mamies qui restent pas avec moi qui s'en vont [.......].
Pourquoi c'est toujours toujours toujours si difficile ? [le troisième toujours est en italiques dans le texte]
Pourquoi ça peut jamais aller un peu seulement bien ? [bien est en italiques dans le texte]
[ tirée de la nouvelle " Je suis plein d'autres aussi " ]
Mais je sais jamais dire : ça me reste planté en travers de la bouche, comme les gros paquets d'arêtes de poisson. Les mots, y sont toujours cramponnés à ma langue, ça refuse de sortir. J'ai beau secouer la tête ils restent là, coincés, coincés. Coincés.
[ tirée de la nouvelle " Je suis plein d'autres aussi " ]
Comment on dessine le doux?
Maman, elle était gentille, mais toujours à s'inquiéter de rien. Elle pensait de ces choses, on savait pas pourquoi. Que j'étais malheureux, par exemple. Elle disait 'Pauvre gosse, dire qu'il va jamais connaître le bonheur !'
A ce moment de ma vie, moi je m'en tapais un peu de pas connaître le bonheur. Vu que je connaissais la soupe, les chansons de maman, et que des choses intéressantes comme dormir dans la meule de foin, ou dénicher les oeufs des poules, ou monter derrière sur le camion de Jean pour aller au village et crier bien fort tout du long.
Alors qu'est-ce que j'en aurais eu à foutre du bonheur, si je peux dire ?
(p. 83)