LE COeUR EN EXIL
Il y a des solitudes plus lourdes que d'autres à porter, car plus douloureuses et multiples.
Celle pesante depuis les premières heures d'une existence où l'on se sent différent, incompris.
Celle d'un manque profond de confiance en soi trouvant sa source dans une enfance sans cesse déconsidérée, méprisée voire maltraitée.
Celle de celui qui se sent malade, tourmenté, vivant une inévitable solitude, cherchant inlassablement une paix intérieure.
Celle qui désoriente- c'est la solitude du déraciné, du migrant qui n'a d'autre choix que de survivre et abandonner ce qui fait ce qu'il est.
Celle de l'expatrié, seul dans un pays qui n'est pas le sien, se sentant lâche et nécessairement égoïste pour sa survie.
Celle de l'exilé, une solitude accrue par le manque de solidarité, portant sa nationalité comme une lourde croix honteuse.
Alors il faut se cacher, rester discret, travailler, faire de brillantes études, se battre pour son enfant, supporter la misère, la faim et l'humiliation, composer avec la nostalgie du temps d'avant et rêver d'une autre vie, simple et tranquille, malgré l'exil, le chaos et ses difficultés.
Alors il faut écrire à un complice qu'on s'invente, seul moyen pour s'épancher librement, sans raillerie ni crainte. L'écriture pour seul espace de liberté de l'exilé solitaire-
Les mots pour panser ses propres tourments-
S'échapper de la réalité devenue étrangère, choisir le monde des mots et des livres, là où on ne se sent plus seul, là où les personnages sont des compagnons de voyage rassurants face à un monde effrayant.
Vaitiere Rojas Manrique écrit un premier roman intime et d'une sincérité touchante sur l'exil et ses conséquences pour une vénézuélienne déjà fragilisée par son enfance, contrainte à quitter son pays en plein chaos économique poussant la population à l'exode vers la Colombie voisine.
Un récit épistolaire à sens unique qui allie avec élégance la sensibilité et l'humour, remparts nécessaires pour faire face au monde terrorisant de la solitude et du déracinement.