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La narratrice de Tu parles comme la nuit a dû quitter son pays, le Venezuela, avec son conjoint Alberto et sa fille de deux ans Alejandra, pour fuir la crise qui y sévissait, tant politique, économique qu'humanitaire, quand tout commençât à manquer, en particulier l'essentiel. Réfugiée en Colombie, déracinée, déprimée, en butte à la xénophobie et au sentiment de solitude, « étrangère et étrange » telle qu'elle se décrit, elle tente de s'adapter à cette expérience de l'exil forcé, trouvant du réconfort entre autres dans les livres auxquels elle peut de nouveau avoir accès, connectant plus facilement avec les êtres de papier qu'avec les êtres de chair. Adressant son journal à un certain Franz, dont l'identité se précisera en cours de récit, elle écrit : « Je te confierai des choses en espérant que tu ne les comprendras pas. » (p. 88) Il faut attendre la fin du roman pour véritablement comprendre ce qui l'anime et fonde son écriture, et ça a racheté pour moi une lecture qui m'avait laissée jusque-là quelque peu extérieure à la détresse de cette narratrice singulière dans sa manière de se percevoir et de se présenter. L'auteure réussit dans ce court roman à faire ressentir les conditions de vie difficiles qui sont le quotidien de millions de gens, dans des régimes où règne la corruption. « Aujourd'hui, je sais seulement qu'il faut douter des promesses, se méfier des extrêmes et ne croire ni les messies ni les chefs. » (p. 105) Un bon conseil.
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Parler de soi pour mieux dire le monde.
La narratrice a quitté le Venezuela avec sa fille et le père de celle-ci pour la Colombie. Fuir la faim et essayer de continuer à vivre dans un pays où tout vous rappelle que vous êtes un étranger. Un accent qui vous trahit et vous devenez l'autre.
Alors la narratrice écrit à Franz. Elle écrit à un autre pour parler d'elle. Dire ce vide, cette solitude, cette maladie qui cache son nom. Et qui la ronge. Dire les quatre murs d'un logement exigu, les trajets en bus pour avoir la sensation de partir et de se retrouver.
Dire le Venezuela, cette crise qui affame un peuple. Dire la Colombie, qui regarde avec méfiance cette immigration nouvelle.

Vatiere Rojas Mandique livre un roman intime et littéraire. Des moments du quotidien, des gestes qui disent tant. Quand on doit laisser ses livres derrière soi, tenir entre ses mains une carte de la bibliothèque de Bogota qui vous permet d'emporter quelques ouvrages, c'est précieux. Tout comme la magie d'un chocolat dans un café. La possibilité de parler français et de gagner un peu d'argent à soi, grâce à ça.

C'est finalement un peu de Virginia Woolf que l'on retrouve chez Vatiere Rojas Mandique. L'importance d'une chambre à soi pour se trouver. Mais aussi se recentrer en soi-même quand on a tout perdu, pour échapper à la violence du monde, privilégier l'intériorité.
Et la littérature, qui sauve de tout, tout le temps.
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Premier roman d'une jeune autrice vénézuélienne, « Tù hablas como la noche » est un cri du coeur intime et révolté. V. R.Manrique s'inspire de sa propre expérience, elle qui a dû abandonner en 2018 le Venezuela rongé par la crise économique, pour la Colombie, et sa capitale infernale Bogotà, comme tant d'autres vénézuéliens. A partir de cette déchirure, elle compose un roman épistolaire à une voix, celle de la narratrice qui s'adresse à un mystérieux interlocuteur, le dénommé Franz.
Dans ces lettres, la jeune femme retranscrit son quotidien, celui d'une immigrée déracinée, confrontée au manque, à la xénophobie et à la culpabilité d'être partie avec mari et enfant, d'avoir laissé tomber son pays. Elle s'accroche à sa fille Ale, à sa passion du français, à l'obtention d'une carte de bibliothèque comme autant de bouées qui pourraient l'enraciner à cette nouvelle vie, choisie et subie à la fois.
La solitude aussi la laisse sans voix, isolée. Seules la lecture et l'écriture lui composent un abri, un refuge où peuvent s'exprimer ses craintes et ses espoirs. L'écrivaine rend ainsi hommage aux auteurs aimés, réconforts de ces jours difficiles : la poétesse argentine Alejandra Pizarnik qui a inspiré à Manrique son titre (« Alguien entra en el silencio y me abandona. /Ahora la soledad no está sola./Tú hablas como la noche./Te anuncias como la sed.) Ou encore M.Yourcenar et "Franz" Kafka. Et à la puissance de l'écriture évidemment.
Si j'ai été sensible à l'originalité de la forme et à la détresse exprimée avec puissance par ce récit, j'ai eu l'impression de rester spectatrice de cette intimité dévoilée. Je crois aussi que le genre de l'auto-fiction n'est définitivement pas mon préféré.
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Chère toi,

Après tous ces messages écrits à Franz, ami mystérieux dont tu as tant besoin, c'est à ton tour d'en recevoir un.
Peut-être en seras-tu heureuse, toi qui aimes tant lire.
Peut-être seras-tu touchée de recevoir quelque chose à cette adresse colombienne.
Peut-être cela te permettra-t-il de te sentir un peu chez toi bien que tu ne sois qu'une étrangère en exil.
Peut-être auras-tu envie de dire à ta fille que vous n'êtes pas seules en réalité et qu'à l'autre bout du monde, ce n'est pas un mais des centaines de foyers qui vous accueillent.
Peut-être te diras-tu que si quelqu'un que tu ne connais pas souhaite t'écrire, c'est que tu n'es pas si folle, toi d'écrire à K. , c'est que tu n'es pas si malade.

En tous cas je l'espère après avoir lu ces pages de ton quotidien à Bogota, à une frontière désormais infranchissable de ton Venezuela natal. Je t'ai lue forte d'affronter la xénophobie et le regard des autres quand tu ne te vois que fragile. Je t'ai lue courageuse d'offrir plus que ce que tu possèdes à ta fille quand tu ne te vois que faible. Je t'ai lue femme à regretter l'époque bénie de l'insouciance et des plaisirs futiles quand tu ne te vois que désespérée.

N'oublie pas que si « tu parles comme la nuit », demain le jour se lève.

Céline
Lien : https://www.instagram.com/p/..
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•IDENTITÉ ESSEULÉE•
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🦊 Tu parles comme la nuit. Issu d'un poème d'Alejandra Pizarnik, le titre de ce roman impact notre esprit. Peut-on l'appeler roman par ailleurs, tant l'actrice nous dévoile son parcours de vie douloureux. Vénézuélienne, elle doit partir après la crise économique de 2018, migrer, s'exiler, appelez cela comme vous le souhaitez, le déracinement n'a plus de nom. En s'adressant à un ami imaginaire Franz, sous la forme épistolaire, parsemé de poèmes qu'elle trouve sans valeur, l'auteure ose dévoiler les conditions de vie de ses compatriotes. Elle, telle une louve protégeant sa fille pour qu'elle ne subisse pas ce qu'elle a vécu tout en espérant qu'elle ne soit pas atteinte du même mal qui la ronge. Pendant le récit vous serez surpris par le ton mais également le fil que Vaitiere Rojas Manrique découle. Sans entrer de plein fouet dans l'histoire vénézuélienne et ses dictateurs successifs prenant la forme de Chavez et Maduro, elle parsème des éléments. Elle, l'agnostique qui préfère ne plus croire en rien évitant d'être constamment déçue. Elle qui « rejette son environnement » dès sa naissance. N'est-elle tout simplement pas faite pour cette époque ?•••
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🦊 Au détour d'une crise migratoire et identitaire avec un langage d'une femme qui se perd dans ses pensées, la narratrice perd pied. En se réfugiant en Colombie, elle se renferme sur elle-même, n'osant plus sortir. L'humanité se réduira à sa nationalité tout comme ses rapports humains. Se dévalorisant constamment, elle chute, elle dépérit mais ne peut s'avouer battue pour sa fille. Traduit par Alexandra Carrasco, ce roman traduit la société que nous traversons dans sa noirceur indélébile. Vous êtes. Vous êtes vénézuélienne et vous ne sortirez pas de cette case. Si vous pointez du doigt l'absence de solidarité entre compatriotes, nul n'est épargné. A partir de quand nous trébuchons dans le regard d'autrui ? Que dire des ces derniers chapitres où l'on découvre qui est ce Franz. Pourquoi cet ami imaginaire ? La réponse à cette question m'a bouleversé tant elle aborde des thématiques d'isolement et d'individu marginal. Sur le terrain identitaire et du déracinement, Vaitiere Rojas Manrique a tout l'avenir devant elle pour nous surprendre encore •••
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LE COeUR EN EXIL
Il y a des solitudes plus lourdes que d'autres à porter, car plus douloureuses et multiples.
Celle pesante depuis les premières heures d'une existence où l'on se sent différent, incompris.
Celle d'un manque profond de confiance en soi trouvant sa source dans une enfance sans cesse déconsidérée, méprisée voire maltraitée.
Celle de celui qui se sent malade, tourmenté, vivant une inévitable solitude, cherchant inlassablement une paix intérieure.
Celle qui désoriente- c'est la solitude du déraciné, du migrant qui n'a d'autre choix que de survivre et abandonner ce qui fait ce qu'il est.
Celle de l'expatrié, seul dans un pays qui n'est pas le sien, se sentant lâche et nécessairement égoïste pour sa survie.
Celle de l'exilé, une solitude accrue par le manque de solidarité, portant sa nationalité comme une lourde croix honteuse.

Alors il faut se cacher, rester discret, travailler, faire de brillantes études, se battre pour son enfant, supporter la misère, la faim et l'humiliation, composer avec la nostalgie du temps d'avant et rêver d'une autre vie, simple et tranquille, malgré l'exil, le chaos et ses difficultés.
Alors il faut écrire à un complice qu'on s'invente, seul moyen pour s'épancher librement, sans raillerie ni crainte. L'écriture pour seul espace de liberté de l'exilé solitaire-
Les mots pour panser ses propres tourments-
S'échapper de la réalité devenue étrangère, choisir le monde des mots et des livres, là où on ne se sent plus seul, là où les personnages sont des compagnons de voyage rassurants face à un monde effrayant.

Vaitiere Rojas Manrique écrit un premier roman intime et d'une sincérité touchante sur l'exil et ses conséquences pour une vénézuélienne déjà fragilisée par son enfance, contrainte à quitter son pays en plein chaos économique poussant la population à l'exode vers la Colombie voisine.
Un récit épistolaire à sens unique qui allie avec élégance la sensibilité et l'humour, remparts nécessaires pour faire face au monde terrorisant de la solitude et du déracinement.
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Entendre parler de la méthode Palmer ? ... je ne connaissais pas ! (1)
Être traumatisé par sa naissance : "elle rejette son environnement, ont pronostiqué en choeur les infirmières pythies qui m'ont fracturé la clavicule droite lors de mon premier habillage dans ce monde ci" ... on le comprend aisément !
Connaître Chanel N°5 et même le reconnaître au milieu de tant de senteurs ... pourquoi pas ... j'avoue ne pas l'apprécier personnellement !
Rechercher un poème d'Huidobro "ennui couleur chair" ... mais ne pas en trouver trace !
Lire à haute voix .. pourquoi pas ..."pour se laisser envoûter par le son des mots" ... je préfère les laisser résonner dans mes neurones et les garder pour moi seule !

Un petit roman où on découvre les couillonades de l'auteur, pas désagréable certes mais
Pourquoi je ne réussis pas à me sentir en empathie avec elle ?
Pourquoi je lis un beau texte et que j'ai autant de difficulté à partager cette histoire ?
Et pourtant il y est question de migration ... de départ parce que tout va mal et ce n'est plus supportable .. d'arrivée dans un pays qui ne veut pas de toi et qui va se débrouiller pour te le faire sentir ... ces passages sont émouvants, empreints de réalisme,
Mais il y a le reste, qui tourne autour de sa vie et je suis pas arrivée à la partager


(1)
Méthode Palmer de calligraphie l'enseignement a été développé et promu par Austin Palmer à la fin du 19e et au début du 20e siècle. Il a été en grande partie créé comme un style simplifié du "Méthode spencérienne", qui était le principal système standardisé d'écriture manuscrite depuis les années 1840. La méthode Palmer est rapidement devenue le système d'écriture manuscrite le plus populaire du États-Unis.
Selon la méthode, les étudiants ont appris à adopter un système uniforme de écriture cursive avec des mouvements rythmiques.
La méthode de Palmer impliquait un «mouvement musculaire» dans lequel les muscles les plus proximaux du bras étaient utilisés pour le mouvement, plutôt que de permettre aux doigts de bouger en écrivant. Malgré l'opposition des principaux éditeurs, ce manuel connaît un grand succès: en 1912, un million d'exemplaires sont vendus à travers les États-Unis.
Les partisans de la méthode Palmer ont souligné sa simplicité et sa rapidité, qu'elle était beaucoup plus rapide que la laborieuse Méthode spencérienne, et qu'il a permis à l'écrivain de rivaliser efficacement avec le machine à écrire. Pour les éducateurs, les partisans de la méthode ont mis l'accent sur la réglementation et sur le fait que la méthode serait donc utile dans les écoles pour accroître la discipline et le caractère, et pourrait même réformer les délinquants.
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