Citations sur Dans le jardin des mots (11)
Les lectures, les connaissances pêchées ici ou là, tout contribue à cet enrichissement des mots. Même nos souvenirs personnels, même ceux de conversations , de mots entendus, de paysages aimés. Il faut d'abord employer les mots correctement, ensuite les reconnaître dans leur histoire même, et enfin, s'entraîner à percevoir, à l'usage, toutes les résonances poétiques que peut leur apporter ce retentissement secret.
Un "bourgeois", sous l'Ancien Régime, s'opposait à l'aristocratie et à la noblesse. Le mot évoquait la modestie, et, dans certains cas, un dévouement civique tout à fait louable. Il s'est ensuite opposé aux "travailleurs" et est devenu, au contraire, synonyme de gens nantis, riches, rétrogrades et attachés à des valeurs plus ou moins périmées. Avoir "l'esprit bourgeois" n'est pas de nos jours un compliment.
Lorsqu'on dit "tous les hommes sont mortels", il est clair que, dans ce cas, le mot "hommes" englobe, au masculin et au féminin, toute l'humanité.
C'est d'ailleurs là l'origine de cette définition qui nous avait jadis fort amusés quand nous lisions dans le dictionnaire pour le mot homme : "Terme générique, qui embrasse la femme" !
Dans une récente chronique, je donnais le mot "amant" comme exemple d'un terme dont le sens avait évolué et n'était pas le même dans la langue classique et et dans la langue moderne. Une lettre de protestation émanant d'un lecteur m'invite à préciser un peu les choses. Le changement de sens est indiscutable et signalé dans tous les dictionnaires importants. Dans la langue du XVIIe siècle, il désignait le plus souvent un amoureux, un soupirant et n'impliquait pas de relation sexuelle. Cela se vérifie dans des expressions comme les vers de Corneille, qui écrit :
"Tant qu'ils ne sont qu'amants, nous sommes souveraines,
Et jusqu'à la conquête ils nous traitent de reines."
Certaines expressions sont familières, d'autres on gardé des titres de grande ancienneté : ainsi on dit encore "bayer aux corneilles", ce qui est le seul cas où se soit conservé ce verbe "bayer", qui veut dire "rester la bouche ouverte".
Dans l'enseignement, on peut constater que les heures de français ont fortement diminué, que l'apprentissage de l'orthographe et la pratique de de la dictée ont été trop souvent relégués au second plan, que le support du latin et du grec a été en grande partie rejeté, et que l'on voit de futurs professionnels admissibles à des concours avec des copies où les fautes de langue sont multiples. Qui plus est, la connaissance de la langue des siècles passés et de nos grands auteurs est souvent si insuffisante que les élèves ne le comprennent plus.
Le mot alternative désigne le choix que l'on a entre une solution et une autre. [...]
Mais pour revenir à notre "alternative", le mot pose des problèmes assez importants. Car on dit a bien dit qu'une alternative opposait deux possibilités entre lesquelles on avait le choix. Mais, par conséquent, on peut parler de deux solutions, d'une autre branche de l'alternative, mais non pas d'une autre alternative. Ce serait là faire un contresens sur le mot.
La pire faiblesse, pour le langage, est sans doute de se contenter d'à-peu-près, alors que l'on dispose de tout un éventail de mots, de sens voisin, permettant de nuancer sa pensée et d'éviter les malentendus.
Un des plus notables est le domaine scolaire. Ainsi l’on dit très normalement la philo et les maths. Au contraire, la gym est restée du langage des élèves et les sciences nat ont disparu avec le titre même de cette discipline. Tout cela mène au bac; car le «baccalauréat» a d’abord été abrégé en bachot, lui-même encore
abrégé de façon désormais officielle.
La grande tradition française a toujours été d'aller droit au but et de s'exprimer avec netteté.