Dans un ouvrage plus récent (
petites leçons sur le grec ancien), la célèbre helléniste rendait hommage à la langue grecque et à ses grands auteurs et expliquait comment cette langue ancienne a pénétré tout notre vocabulaire en permettant même la construction de mots nouveaux adaptés à l'évolution technique et scientifique. Ainsi le préfixe Télé vient du grec « têle », signifiant « au loin, à distance ». On le retrouve dans télégraphe (1792), téléphone (1834), télévision (1913) et téléchargement (1985). Des mots nés au Ve siècle et que l'on prononce ou entendons tous les jours ! En somme une langue morte dont l'âme a survécu jusqu'à nos jours !
Dans son livre «
Ce que je crois », rédigé au début des années 1970, « années de transition ou de mutation » comme on dit souvent de toutes les décennies, Jacqueline de
Romilly s'exprime non pas seulement en tant qu'historienne ou spécialiste du monde grec, mais comme simple témoin de son époque. Elle tente de trouver dans les méandres de notre temps un fil conducteur qui relie le passé au présent pour mieux appréhender le futur. Elle témoigne de son optimisme malgré les épreuves qui entravent la marche de l'humanité. Guidée par la passion de comprendre, qui représente à ses yeux une des plus hautes fonctions de l'homme, elle nous explique comment la littérature grecque l'a aidée depuis toujours à vivre une vie pleine et heureuse. Elle démontre la finesse et la précision de la langue grecque et regrette le relâchement de la qualité de l'expression moderne : « On se parle peu de nos jours, et les mots, pour chacun, s'inscrivent dans des registres différents, d'où naît un perpétuel malentendu ».
Elle aime l'importance que les Grecs donnaient à la lumière, elle évoque notamment la métaphore de la caverne de
Platon. Selon elle les Grecs aimaient par-dessus tout la justice, qui était pour eux la vertu cardinale, à laquelle devaient obéir et les dieux et les hommes, et l'univers et les cités. Elle nous enjoint de s'imprégner de cette culture non pas dans un retour en arrière nostalgique, car elle est elle-même résolument tournée vers le temps présent et l'avenir, mais afin de s'abreuver d'une sagesse et d'un esprit utile à notre temps.
Cet essai publié en 1974 nous parle encore même si Jacqueline de
Romilly reste humble sur l'impact que pourrait avoir son livre qu'elle présente simplement comme un témoignage personnel qui vise à faire entendre sa voix dans une époque ou tout le monde parle de malaise : malaise des jeunes et malaise des adultes, malaise des arts et de la politique, malaise de la société. Elle a trouvé naturel de présenter sa vision des choses, sa manière d'aborder la vie. Il ne s'agit pas d'un texte philosophique, mais d'un simple témoignage qui ne prétend pas apporter un remède ou une solution toute faite à nos problèmes, mais propose simplement d'appliquer le baume apaisant de la littérature et plus généralement de la culture grecque sur nos plaies.
– «
Ce que je crois », Jacqueline de
Romilly, le livre de poche (2014, première édition 1974), 156 pages