Il arrive que l’on perçoive seulement à l’extrême fin de sa vie ce que l’on a instinctivement cherché tout au long des années : c’est mon cas, et c’est le sens de ce livre.
J’ai choisi, étant étudiante, de travailler sur Thucydide. « Pourquoi ? » m’ont demandé plus tard les journalistes. Parce que le hasard m’avait fait lire, un été, quelques pages de cet historien du Ve av. J.-C. et que j’avais trouvé cela beau. Voilà ce que j’ai dit et c’était la vérité. Mais pourquoi beau et en quoi ? Je ne le savais pas moi-même, alors. Je ne me rendais pas compte que j’étais éblouie et déroutée par le choc que me donnaient ces phrases, venues après vingt-cinq siècles me dire, avec un éclat de révélation, des choses de mon temps.
Les mythes viennent de loin. Car à l'origine, ils sont sans doute liés à une couche profonde de notre sensibilité. Ils ont été inventés, ou bien adoptés et retenus par la mémoire collective, parce qu'ils traduisaient des peurs, des rêves ou des scandales enracinés en nous. Les études de Claude Levy Strauss ont de fait entrepris de montrer que les mythes présentent des formes qui se retrouvent en diverses cultures pour la raison qu'ils expriment à leur manière des données communes à des sociétés diverses.
p. 269 :
"[...]Socrate fait toujours opérer à l'esprit de son interlocuteur [...] une conversion de la diversité du concret vers l'universalité du concept et le l'abstraction. C'est le mouvement même qui anime l'hellénisme."
Jamais l'esprit grec n'a voulu peindre des hommes moyens ou des femmes de type courant;ce seront toujours avec lui ,des images limites ,offertes en modèles ,bons ou mauvais.
Pourtant ces images limites restent toujours des images humaines;et cela est plus vrai des héros d'Homère que de ceux d'aucun autre poète.
Au seuil de la littérature grecque surgissent, avec les épopées d'Homère, des héros que nous connaissons tous, Achille, Andromaque, Hector, et le vieux Priam, et la belle Hélène, Ulysse et Pénélope…; ils se dressent brillants, aisément reconnaissables, familiers et indestructibles. Pourquoi?
Affinités électives. Par Francesca Isidori - Avec Jacqueline de Romilly. Le 10 mai 2007, Francesca Isidori recevait la femme de lettres Jacqueline de Romilly pour l’émission “Affinités électives”, diffusée sur France Culture. Photographie : Jacqueline de Romilly © AFP Alexandre Fernandes. Née à Chartres, en 1913 (fille de Maxime David, professeur de philosophie, mort pour la France, et de Jeanne Malvoisin), elle a épousé en 1940 Michel Worms de Romilly. Elle a effectué sa scolarité à Paris : au lycée Molière (lauréate du Concours général, la première année où les filles pouvaient concourir), à Louis-le-Grand, à l'École normale supérieure de la rue d'Ulm (1933), à la Sorbonne.
Agrégée de lettres, docteur ès lettres, elle enseigne quelques années dans des lycées, puis devient professeur de langue et littérature grecques à l'université de Lille (1949-1957) et à la Sorbonne (1957-1973), avant d'être nommée professeur au Collège de France en 1973 (chaire : La Grèce et la formation de la pensée morale et politique).
Du début à la fin, elle s'est consacrée à la littérature grecque ancienne, écrivant et enseignant soit sur les auteurs de l'époque classique (comme Thucydide et les tragiques) soit sur l'histoire des idées et leur analyse progressive dans la pensée grecque (ainsi la loi, la démocratie, la douceur, etc.). Elle a également écrit sur l'enseignement. Deux livres sortent de ce cadre professionnel ou humaniste : un livre sur la Provence, paru en 1987, et un roman, paru en 1990.
Après avoir été la première femme professeur au Collège de France, Jacqueline de Romilly a été la première femme membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres (1975) et a présidé cette Académie pour l'année 1987.
Elle est membre correspondant, ou étranger, de diverses académies : Académie du Danemark, British Academy, Académies de Vienne, d'Athènes, de Bavière, des Pays-Bas, de Naples, de Turin, de Gênes, American Academy of Arts and Sciences, ainsi que de plusieurs académies de province ; et docteur honoris causa des universités d'Oxford, d'Athènes, de Dublin, de Heidelberg, de Montréal et de Yale University ; elle appartient à l'ordre autrichien “Ehrenzeichen für Wissenschaft und Kunst” et a reçu, en 1995, la nationalité grecque et est nommée, en 2001, ambassadeur de l'Hellénisme.
Elle a aussi reçu de nombreux prix : Prix Ambatiélos de l'Académie des inscriptions et belles-lettres(1948), prix Croiset de l'Institut de France (1969), prix Langlois de l'Académie française (1974), Grand prix d'Académie de l'Académie française (1984), prix Onassis (Athènes, 1995). Ella est élue à l'Académie française, le 24 novembre 1988, au fauteuil d'André Roussin (7e fauteuil). Son dernier ouvrage : “Tragédies Grecques au fil des ans” paraîtra en juin 2007 aux éditions des Belles Lettres. Il s'agit d'un recueil d'études sur la tragédie grecque du dernier tiers du Ve siècle av. J.-C. et ses rapports avec les mouvements intellectuels athéniens.
Jacqueline Worms de Romilly, née Jacqueline David le 26 mars 1913 à Chartres et morte le 18 décembre 2010.
Invitée : Jacqueline de Romilly
Source : France Culture
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