L’alphabet grec archaïque est la première vraie traduction visuelle de ce qu’on entend quand on entend une langue.
La chute de la mémoire marque la chute de la poésie. La chute de la poésie est un signe de la maladie du monde.
On ne peut, si on y réfléchit véritablement, penser le futur que comme un futur antérieur, c’est-à-dire comme quelque chose qui aura été passé et qui s’examine d’un point imaginaire où nous serons, plus tard et plus loin, regardant de nouveau vers un « avant », le passé.
L’Art de la Mémoire repose sur deux pilastres, qui sont ses deux notions fondamentales ; la première est celle de Lieu ou support fixe des images et la seconde celle d’image mobile, que Gesualdo appelle indifféremment Image, ou Idée.
L’alphabet grec a été inventé pour noter le vers de l’épopée archaïque, l’hexamètre dactylique. […]
Cela implique que l’invention de l’alphabet a eu un effet discriminant. Elle a favorisé la préservation d’un certain type de poésie (celle qui a été effectivement notée, donc largement stabilisée, à la différence de la poésie orale qui, même transmise, ne cesse de bouger) au détriment des autres (dont la tradition ne rapporte que des fragments. Donc (nous y voilà) :
Hypothèse de Powell. L’alphabet a été inventé pour noter les poèmes homériques.
Pas n’importe quels hexamètres, les plus célèbres d’entre eux : ceux de l’Iliade et de l’Odyssée. […]
Hypothèse de Roubaud. L’alphabet a été inventé par Homère.
La mémoire de chaque individu a une histoire et constitue en un sens une narration réactualisée perpétuellement de cette histoire […].
Ce que je marquerai ici, c’est que l’affaiblissement puis la disparition des Arts de mémoire est le symptôme d’un fait à mon sens beaucoup plus décisif, qui est la dépossession progressive de la mémoire intérieure au profit de la mémoire externe, sous quelque forme qu’elle se présente.
La poésie parle la langue et dans la langue par le nombre et le rythme.
[…] Elle est langue privée ; elle échappe à la condamnation wittgensteinienne du « langage privé ».
Posséder l’art de la mémoire et l’appliquer avec constance équivalait à la possession d’une bibliothèque (avec accès libre, et instantané). Il était possible de conserver une telle bibliothèque dans sa tête, et d’en ouvrir les livres sans faire un seul mouvement.
Le conte dit toujours vrai. […] Certains disent que le conte dit vrai parce que ce que dit le conte est vrai. D’autres disent que le conte ne dit pas le vrai parce que le vrai n’est pas un conte. Mais en réalité ce que dit le conte est vrai parce que le conte dit que ce que dit le conte est vrai.