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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Jacques Roumain est un poète et intellectuel francophone, issu d'une grande famille haïtienne. Il achève ce roman en 1944, juste avant de mourir, à l'âge de trente-sept ans, en Haïti. Il est alors publié en France grâce à l'appui d'André Breton et d'Aragon.

Ouvrage peu connu, Gouverneurs de la Rosée raconte magnifiquement une histoire qui m'a touché, très évocatrice de la misère, du mysticisme et de la violence en Haïti.

Après quinze ans d'absence, Manuel est de retour chez ses parents âgés, à Fonds-Rouge, un territoire qu'il avait connu fertile, aujourd'hui desséché, presque calciné par un soleil de plomb. Pas une goutte d'eau depuis des mois. Une chaleur accablante.

« Un seul rayonnement aveuglant embrasait la surface du ciel et de la terre... les champs étaient couchés à plat sous le poids du soleil, avec leur terre assoiffée, leurs plantes affaissées et rouillées... les feuilles des lataniers pendaient, inertes, comme des ailes cassées. »

A Fonds Rouge, quand la terre ne produit pas, il n'y a rien à se mettre sous la dent. Dans le dénuement absolu, les habitants, des paysans presque primitifs, n'ont plus que la peau sur les os. Résignés, incapables de réagir, ils s'en remettent à Dieu et au Vaudou...

Pour Manuel, la résignation, le découragement sont inconcevables. Les conditions difficiles de sa vie à l'étranger lui ont forgé des convictions fortes sur le sens de la vie d'un homme face à l'adversité et sur l'utilité du rapport de forces contre l'adversaire, fût-il la nature.... « L'homme est le boulanger de la vie », dit-il... Son projet ? Trouver l'eau. Il est persuadé qu'elle coule à proximité. Une fois la source découverte, il faudra l'aménager, puis creuser le canal et les rigoles pour irriguer toutes les parcelles de Fonds-Rouge... Gouverner la rosée !

Une tâche herculéenne, impossible à mener seul, ni même à quelques uns. Il faudra mobiliser tous les paysans en « coumbite », une tradition ancestrale : l'union d'hommes mettant leurs forces en commun, agissant en cadence, s'auto-stimulant par des chants, pour venir à bout d'un travail physique difficile sous le soleil de plomb quotidien. C'est ainsi qu'ils récoltaient, naguère, quand les terres produisaient. Selon Manuel, c'est ainsi, tous ensemble, solidaires et fraternels, qu'ils réhabiliteront leur destin.

Mais le dessein de Manuel se heurte à la mémoire d'un événement passé qu'il ignore. Une bagarre meurtrière a coupé la communauté en deux clans ennemis, chacun attendant avec obstination l'heure de régler les comptes. Et pour quelques uns, la soif de vengeance ne peut s'étancher que par le sang...

Plus qu'un roman, Gouverneurs de la rosée est un conte. Les mythes qu'il évoque ne nous sont pas inconnus. L'impossible amour entre un homme et une femme appartenant à des clans ennemis. L'éternelle parabole du sacrifice du Héros, du Juste, – je ne sais trop comment l'appeler – offert pour la rédemption de son peuple. le livre s'achève par la vision d'un avenir radieux. Avec, dans un ventre de femme, la vie nouvelle qui remue...

Un très joli livre, dont la lecture m'a souvent ému. Jacques Roumain observe ses compatriotes déshérités avec une sorte de dérision affectueuse, qui n'empêche pas une lucidité sévère. Finement mâtinée de langage parlé local, l'écriture est précise, élégante. Une poésie simple, sans grandiloquence, qui se lit comme un souffle d'air frais...

... semblable à celui qu'accueille la fin d'une journée torride et aveuglante :

« le soleil maintenant glissait sur la pente du ciel qui, sous la vapeur délayée et transparente des nuages, prenait la couleur de l'indigo... là-bas, au-dessus du bois, une haute barrière flamboyante lançait des flèches de soufre dans le saignant du couchant.... Sous les lataniers, il y avait un semblant de fraîcheur, un soupir de vent à peine exhalé glissait sur les feuilles dans un long murmure froissé et un peu de lumière argentée les lissait avec un léger frémissement, comme une chevelure dénouée... »

Belle sera la nuit :

« Quel jardin d'étoiles dans le ciel et la lune glissait parmi elles, si brillante et aiguisée que les étoiles auraient dû tomber comme des fleurs fauchées. »

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Aux premières pages, il faut s'habituer au parler haïtien, puis cela devient un régal plein de poésie. J'ai adoré certaines expressions de langage. Un homme revient dans son village, après 15 années à Cuba et il constate que les habitants sont de plus en plus pauvres, l'eau s'en est allée et il est partagé en deux clans, suite à des histoires. Sa quête désormais se résumera à trouver la source pour que l'eau revienne dans les jardins. Si celle-ci arrive, il pourra enfin conquérir le coeur de la belle à qui il demande de l'aider à réconcilier les deux camps. Une ambiance dépaysante.
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Quand Manuel revient à Fonds-Rouges, après avoir passé 15 ans à Cuba, il ne reconnaît pas son village. La déforestation a laissé la terre sèche, inculte. Plus une goutte d'eau n'est tombée et les rivières se sont asséchées. Pire encore, les habitants se sont déchirés, il y a eu des morts et l'hostilité s'est installée, clivant les villageois en deux groupes. Cela, Manuel le pressent dès qu'il croise la belle Annaïse qui lui tourne le dos lorsqu'il décline son identité.

Délira et Bienaimé, ses parents, ont bien vieilli et, même si leurs chicaneries sont toujours vivaces, Manuel les trouve éreintés, ayant perdu tout espoir que leur lopin de terre retrouve un jour sa fertilité. Les villageois mettent toute leur énergie à survivre et les plus jeunes quittent Fonds-Rouges pour la ville, désertant cette terre autrefois nourricière, mettant à mal la solidarité qui unissait jusqu'alors le village, oubliant le coumbite – le travail agricole collectif.

Alors Manuel se met à chercher une nouvelle source, avec cet espoir : « Un jour viendra… nous ferons le grand coumbite de tous les travailleurs de la terre pour défricher la misère et planter la vie nouvelle. »

Dans une langue riche, un style poétique – le titre est magnifique - l'auteur décrit la vie paysanne haïtienne, la pauvreté qui l'accable mais aussi le sens du collectif (l'engagement communiste de Roumain affleure dans chaque page).

Gouverneurs de la rosée, c'est une belle ode à l'amour, l'histoire d'une rencontre entre Annaïse et Manuel que tout devrait séparer mais qui s'aiment autour d'un projet, d'un espoir fou de faire revivre Fonds-Rouges.

Très jolie découverte. Merci à Clémence, libraire éclairée 😊.

Challenge ABC 2021-2022
Challenge MULTI-DEFIS 2021

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Mise en abyme, c'est pour moi un livre dans un livre: en effet "Gouverneurs de la rosée" est le livre de chevet du mari antillais de Blanche, la figure principale de "tous tes enfants dispersés" de Beata Umubyeyi Mairesse, que j'ai lu récemment . Ce beau livre de Jacques Roumain se déroule en Haïti , et nous fait connaître la vie et des habitants à l'époque de la sécheresse et de la misère et leur manière de la supporter, souvent avec fatalisme. J'ai beaucoup aimé le style qui retranscrit le parler des habitants. le héros m'est apparu comme une figure christique ( le fameux "j'ai soif") qui apporte la réconciliation et l'espoir, et l'eau, source de vie.
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Manuel revient au pays après un séjour à Cuba. Il constate une terre désolée et ses exploitants nègres désoeuvrés. La sécheresse les a envahis ; l'avenir s'obscurcit. Que doivent-ils faire ? le pourront-ils ?
Dieu les aurait abandonnés. Non, retorque le revenant. Ce sont plutôt eux, les nègres qui ont délaissé la terre. Maintenant, elle sévit par la sécheresse, la misère et la désolation.

Manuel, porté par un certain idéal et nourri par son vécu à Cuba, exhorte les siens à taire leurs divergences et d'unir leurs forces. Ne pas attendre de salut divin car "il n'y a d'autre providence que son travail … d'autre miracle que le fruit de ses mains".
L'oeuvre allie donc descriptions de conditions de vie misérables et volonté de les améliorer ; le tout sur fond d'histoire d'amour complexe.
J'avoue néanmoins que le style empreint de mysticisme de l'auteur m'a ralenti dans ma lecture.
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Jacques Roumain, écrivain haïtien et fondateur du Parti communiste de son pays,livre ici une magnifique histoire d'amour, de mort, de vengeance familiale, digne de la vendetta corse. Dans cette île coupée en deux, vivent durement, chichement, les paysans haïtiens, et plus encore ceux de Fonds Rouge, village aux terres épuisées, assoiffées, saignées de leur richesse par la folie de ceux qui cherchent le profit immédiat en pratiquant une déforestation criminelle. Plus de racines pour retenir la terre, plus d'arbres pour rafraîchir, plus de rosée bienfaitrice, plus d'eau. Les enfants ont de gros ventres, les bêtes efflanquées ne se reproduisent plus et deviennent invendables. Les vieux en appellent aux dieux ancestraux de Guinée et pratiquent les rites vaudou, coqs sacrifiés, transes et prières traditionnelles .

Au milieu de cette misère se débat la famille de Délira Délivrance, la vieille mère aux cheveux poudrés de poussière blanche, son mari ronchon mais grand coeur, Bienaimé, et toute la parentèle et les voisins et amis. On s'entraide, on travaille en ligne dans les champs lors des coumbites, on se parle interminablement. Enfin, pas avec tout le monde. le fils aîné, Manuel, de retour après quinze ans passés à Cuba en fait l'expérience dès son retour : la jeune beauté Annaïse, au départ tout sourire à son égard, lui tourne le dos et un autre lui lance un crachat dès lors qu'il sait son nom.
C'est qu'il existe une véritable « vendetta » entre leurs deux familles, le sang a coulé qui ne peut se laver que dans le sang.

On l'aura vite deviné : l'amour naît entre ces deux-là et la priorité sera donnée à la soif commune et à la lutte pour trouver l'eau. C'est Manuel, chercheur infatigable, qui dans la brousse trouve l'eau du miracle et propose aux deux clans de s'unir en une gigantesque coumbite pour creuser les canaux et apporter la vie, la prospérité au village. Idéaliste Manuel...imprégné des idéaux du Che, débordant d'amour, de jeunesse et de confiance en la vie...

Le sujet, quoique beau et magnifiquement traité, n'est sans doute pas l'essentiel du roman. Au-delà de la romance et de la tragédie, il y a une évocation sensible et quasiment scientifique de la communauté villageoise, paysages de savane et de brousse aux multiples essences (le bayahonde, l'acacia local, le campêcher, le flamboyant, chou caraïbe, calebasse, le figuier-maudit etc...), coutumes et traditions vaudou, habitudes alimentaires, relations entre parents et voisins : un véritable travail d'ethnologue ! Nous relevons au passage la qualité des relations humaines, faites de politesse, de respect mutuel, d'assistance, quelque chose comme un très lointain souvenir pour les sociétés prétendument « développées ».

Bien sûr, il y a l'obscurantisme (plutôt le travail du sourcier que le vaudou!), la cupidité de qui abat les arbres sans réfléchir, pressé de se remplir les poches, la corruption (ce policier qui attend son heure pour acheter les terres assoiffées à bas prix), l'immobilisme fataliste de qui s'en remet à Dieu, rien n'est acquis à l'Homme...

Une tourmente, une bouffée d'air pur, un souffle passionné, une grande désespérance et une affreuse douleur mais la vie qui gagne, qui gagne toujours. Croire en l'Homme, avant tout.
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Ce livre, c'est une langue, un pays, à la fois proche et lointain, avec tous ses cahots et accrocs, et beautés aussi.
Ce livre, c'est un peu comme si Jésus était mort pour sauver le monde et que le monde s'était vraiment sauvé et ne s'était pas sauvé (enfui). Parce que tout est une question de où l'on décide de couper, comment on décide de monter l'histoire. A quel moment on arrête le récit. Ne pas laisser trop longtemps vivre ou survivre la bêtise de l'humain, s'arrêter à temps ou rebattre les cartes. Au prix de la mort. Pour la vie.
J'ai lu beaucoup le mot Amour pour décrire ce livre. Sans doute. Il commence avec un A majuscule et c'est vrai si l'on est content et se contente de s'arrêter au r. Pas plus loin.
Et une pensée comme ça au passage : c'est peut-être bien parce qu'il y a un amour humain assumé et trans-porteur que cette histoire ne s'est pas passée comme pour Jésus... et qu'il y a une promesse humaine réelle de continuité.
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Je n'aurais jamais lu ce livre si je ne l'avais pas reçu dans une box littéraire. J'ai mis plus de 100 pages pour me mettre dedans mais je ne regrette pas une seconde !
C'est un roman poignant sur l'amour, la nature, l'amitié, la famille et même la politique.
A lire !
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La découverte de cette lecture, je la dois à Lelf qui, je ne sais plus à quelle occasion, me l'a conseillée fortement.

Tout commence dans un coumbite (travail agricole collectif) et se terminera, une fois le cercle clos, par un autre coumbite, dans le petit village de Fonds-Rouge. La vie y est devenue très difficile, au point que certains préfèrent s'exiler. C'est que les habitants ont commis une terrible erreur : ils ont ravagé la nature qui les entoure. En punition, celle-ci n'apporte plus l'eau qui leur est nécessaire. La pauvreté et la misère s'installent puis que la terre n'est plus fertile. L'eau absente est au coeur de tout, elle ravive les haines et amenuise l'espoir, compliquant la vie des habitants. Mais l'espoir n'est pas complètement perdu et s'incarne en Manuel, de retour après 15 ans d'absence.

Manuel a travaillé dans les plantations de canne à sucre cubaines, et il connait les techniques modernes d'irrigation. Il s'est éduqué sur le tas, en écoutant et en observant. Son retour va provoquer des chamboulements car il pointe du doigt l'action de l'Homme. Par leurs dissensions et leur incapacité à agir, ses compères sont tous coupables. Manuel est le seul à comprendre que la terre aride est la conséquence directe des actions des hommes et que seuls à nouveau leurs actions pourraient la rendre fertile. La faune et la flore ont désertées, mais ce ne sont pas à elles les fautives. Mais il refuse de se résigner et cherche assidûment des solutions. Pas à pas, il remue les mornes pour trouver une source.

S'il accepte les traditions de ses ancêtres, et les laisse pratiquer les sacrifices aux divinités locales, il embrasse la modernité dans ce qu'elle a de réfléchi : comment améliorer le quotidien sans bouleverser l'environnement. Il écoute la nature autour de lui et comprend ce dont elle a besoin pour revivre : il faudra payer le prix de la sueur et du sang. Même ainsi, il faudra aussi que les hommes passent outre leurs querelles et travaillent de concert. Pour cela, il leur offre un but : une fois trouvée, l'eau devra être acheminée puis gérée intelligemment. Chaque membre de la collectivité se retrouvera alors gouverneur de cette eau providentielle, source de toute vie.

Cette histoire qui revêt presque les habits d'un conte, à des échos dans notre société actuelle, où l'environnement déchire les passions et les Hommes n'ont pas encore trouvé à s'unifier dans ce combat. Elle est en plus servie par la plume magnifique de l'auteur, pleine de poésie de d'émotions, qui ouvre tout un monde à la lectrice que je suis.
Lien : http://nourrituresentoutgenr..
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Roméo et Juliette à Haïti ou plutôt un roman d'amour, amour entre deux être, Manuel et Anais, mais aussi amour d'un pays Haïti.
Manuel, après être parti travailler à Cuba, rentre dans sa région natale. Il retrouve, après plusieurs années d'absence, un pays dévasté par la sécheresse et des haines entre habitants. Il décide d'essayer de trouver une source afin que les paysans puissent récolter à nouveau leur terre. Il tombe amoureux mais elle fait partie du clan « ennemi ».
Un roman tragique et superbe porté par une langue poétique, mêlant le français, le créole et l'espagnol.
Jacques Roumain décrit avec beaucoup de poésie cette nature et on s'attache à ces personnages et il parle aussi très bien que de décider en groupe et harmonie peut permettre de soulever des montagnes. Un livre magnifique.

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