- Tu rigoles ? Le théâtre, c'est l'horreur. Mon père est régisseur, alors...
- Ouais ? Ça fait quoi, un régisseur ?
- Un peu tout, ça dépend des spectacles. Il est intermittent, il travaille pour qui le demande, il n'a pas de patron si tu préfères. Ni dieu ni maître... c'est ce qu'il dit tout le temps.
- Plutôt classe, comme devise.
- Ouais, sauf qu'avec lui c'est plutôt ni fric ni vacances.
- Tu es trop gentil... Je sais bien qu'on n'est pas des parents merveilleux, on fait ce qu'on peut. Mais, sérieusement... Ton père idéal, il serait comment ?
C'est au tour de Drew de boire le cocktail maison, il l'avale d'un trait. La réponse se précipite sur ses lèvres avant qu'il l'ait vue germer dans sa tête.
- Il serait mort.
Non. Ce que je te demande, c'est de me prêter de quoi racheter l'ordinateur que j'ai explosé par terre dans un coup de colère et qui me maintient en vie quand je n'ai pas envie d'entendre mon père sortir ses conneries racistes ou hurler sur ma mère.
Bats des ailes, mec, bats ! Tu vas y arriver.
Ferme tes oreilles, et bats des bras... Tu vas t'envoler
Dans la gorge d'Andrew, les mots font une drôle de purée. Il n'arrive pas à pleurer.
J’ai envie de vomir depuis l’âge de neuf ans, depuis ce jour où mon père a lancé ce « sale nègre » par la vitre de la camionnette. Pas son premier « sale nègre », ce jour-là, le nègre, c’était Ernest, le gardien du stade. Ernest qui m’encourageait tous les mercredis depuis deux ans chaque fois que je flanchais. Ce mercredi-là, il a traversé en dehors des clous, il aurait pas dû.