Aragon ne connaît à la vieille devinette de l'être-ou-ne-pas être qu'une réponse, le vertige; qu'un refuge, les barreaux d'un cachot. la seule prison sûre est la prison par soi-même bâtie: on en construit les murs aux mesures de sa force, en élève les remparts à l'épreuve de son angoisse. Mais quand on est soi-même son geôlier, son gardien, sa plaie et son couteau, il faut sans cesse doubler la garde: on a toujours en soi, tapi, hostile, prêt à tout , le complice rusé de sa propre évasion. La prison la moins sûre: celle qu'on a créée.
Car m'en prendre à Aragon, c'était d'abord m'en prendre à moi. A ce que j'aurais pu être si j'avais été comme lui, soumis à ces bourrasques du génie qui font soudain la lampe divaguer, et la bouche du chanteur, ses jongleries de bel canto, devenir à l'improviste, panique, une Bouche d'ombre. Aragon était ce que j'aurais pu être, faisait ce que j'aurais pu faire: il n'était que l'agrandissement effrayant de ces daimôns que j'essayais de tenir en respect.