"
A la lisière du temps" était le recueil de la maturité, du vieillissement et de la maladie. C'est ici le temps de la jeunesse, pour ces poèmes écrits entre 1939 et 1953, une jeunesse marquée bien sûr par la guerre, que
Claude Roy a faite.
Les mots clairs, d'une simplicité apparente, le rythme musical et ample sont déjà présents. Les thèmes chers au poète aussi.La mort, le dédoublement déchirant de l'identité, l'éclair amoureux.
La mort, qu'il a côtoyée de près, tout jeune encore,et qui le poursuit de ses images noires:
" La part du vent la part du feu
faites en celle de l'absent
vivant ou mort un peu des deux
et de la neige au lieu de sang " ( poème écrit en mémoire d'un sergent)
L'être double, insaisissable, est aussi au coeur de ses poèmes, une obsession existentielle:
" Quand je me téléphone
un autre me répond
Il n'est là pour personne
et me dit toujours non"
Mais c'est la lumière de l'amour qui rayonne, qui éblouit tout; le sable, la mer et le sommeil s'entremêlent autour de la femme aimée, source de joie et de tendre sensualité :
" La mer et le soleil à n'en jamais finir
avaient beau chuchoter
faufiler leurs chansons à travers la persienne
je n'écoutais que toi"...
Certains poèmes, comme la sublime ode à la nuit, je les connais par coeur:
" Elle est venue la nuit de plus loin que la nuit
à pas de vent de loup de fougère et de menthe
voleuse de parfum impure fausse nuit
fille aux cheveux d'écume issue de l'eau dormante"
Et quel plaisir que de s'apercevoir, qu'un ancien élève, rencontré des années plus tard, se souvient avoir appris ce poème avec moi...La poésie de
Claude Roy se prolonge ainsi, indéfiniment, et perdure.
Comme toute poésie qui touche le coeur et bat en
nous, pulsation de vie et d'émotion ...