Je distinguais, comme une sensation à l'état pur et vierge encore, des précisions que l'habitude et la mémoire confèrent aux données des sens, une tache de formes et de couleurs dont l'immobilité minérale augmentait ma terreur : mon cerveau, démantelé par les errements du sommeil, ne parvenait pas à l'organiser en un spectacle intelligible et de ce magama confus, une seule évidence dégagea : la "chose" m'observait. Dans l'instant qui suivit, l'angoisse atroce qui avait paralysé toute interprétation se concrétisa en tentative de fuite, d'abord incohérente et limitée à quelques faibles mouvements. Je refermai violemment les yeux avec un cri.
Ici, c'est la chambre de ma femme. Je ne vous étonnerai pas en vous disant que nous vivons comme des étrangers... J'ai cru comprendre ce soir, lorsque je vous ai appris qu'elle avait eu la chance de se faire broyer les jambes que vous étiez quelque peu surpris.
Ce couloir dessert l'aile gauche. Il se termine comme vous voyez par une porte : c'est la chambre de Lucile. Elle aura bientôt dix-sept ans. C'est à elle que je consacre maintenant mes travaux : je tiens à ce qu'elle soit heureuse. Vous avez pu voir qu'entre elle est sa mère règne une hostilité non déguisée. Comme vous êtes médecin, vous connaissez Freud et vous êtes aussi bien que moi à même de formuler des hypothèses sur les causes de cette hostilité, qui sont diverses de part et d'autre...