Un thème de départ beaucoup utilisé mais qui en 1970 était moins usé:l'amnésique qui se retrouve projeté dans un (des) futur(s) et tente de retrouver sa mémoire . Avec ,outre les paradoxes temporels , les univers parallèles et le thème du double. Nous somme loin de P.K.Dick mais tout de même les sociétés évoquées sont intéressantes , les descriptions génératrices de belles images et la chute bien amenée . Un peu léger mais pas si mal;
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Un héros qui ne sait plus d'où il vient, et se (re)découvre peu à peu en découvrant le monde inconnu et post-apocalyptique qui l'entoure. Une mémoire qui se ravive peu à peu. Au fil du livre, ses connaissances, son passé finissent par se reconstituer et sont autant d'indices sur le comment de son aventure.
Un thème qui paraît déjà vu, un style un peu daté. Inévitable pour un roman d'anticipation qui n'est déjà plus tout jeune puisque paru en 1970.
Pourtant, pas besoin d'essayer de remettre le récit dans son contexte : l'histoire est prenante, réaliste et tout à fait actuelle (monde d'apocalypse ou utopie ?, super ordinateur tout-contrôlant...).
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André Ruellan, alias Kurt Steiner, alias Kurt Dupont, alias même Kurt Wargar, est l'un des très rares auteurs français à avoir parcouru à peu près tous les chemins de l'imaginaire, voire de tous [Couverture du volume]les médias, par la traverse.
Né en 1922, à Courbevoie, indice prémonitoire d'un chemin tortueux, breton d'origine et donc nimbé de mystère, il apparaît furtivement sur la scène de la Science-Fiction dès 1953 avec un roman de Science-Fiction signé Kurt Wargar, Alerte aux monstres, qu'il préférerait qu'on oublie. Sa fracassante entrée dans le théâtre de l'étrange survient en 1956 lorsqu'il commence à publier une rafale de romans fantastiques dans la collection "Angoisse" du Fleuve Noir. Il en devient l'un des principaux pourvoyeurs avec des titres aussi ronflants que le Bruit du silence, Fenêtres sur l'obscur, le Seuil du vide et les Pourvoyeurs justement, que Jean Cocteau qualifiera de « sombre fête ».
Cinq titres en 1956, six en 1957, huit en 1958 dont, cette année-là, un nouveau roman de Science-Fiction, Menace d'outre-terre, qui marque son passage à la collection "Anticipation", toujours du Fleuve noir, sans qu'il abandonne la précédente. Il y publie notamment les Océans du ciel et les Enfants de l'histoire (1). Ce diable d'homme défonce sous lui des machines à écrire dont les marteaux rougis à blanc n'ont plus besoin de ruban encré pour graver en lettres de cendre des textes flamboyants toujours empreints d'un lyrisme sinistre.
Mais il ne s'arrête pas là. Côté littérature, outre une importante œuvre poétique demeurée inédite pour la plus grande part, il publie dans le registre de l'humour noir, sous son véritable nom pour autant qu'on sache, un Manuel du savoir mourir illustré par Roland Topor, son imprescriptible complice prématurément disparu le mois dernier, traité qui lui vaudra l'adoubement d'André Breton.
Nouvelliste, essayiste, journaliste, il sème le désordre et la zizanie sous le pseudonyme de Kurt Dupont jusque dans les pages jusque-là fraîches et sereines de Hara-Kiri.
Happé par le cinéma et profitant honteusement d'une culture acquise sur les bancs de l'école où il lui arriva d'enseigner, il pille sans vergogne les Caractères de La Bruyère en proposant une version modernisée du Distrait, qu'incarnera un Pierre Richard infortuné. Jean-Pierre Mocky reconnaît aussitôt en lui un suppôt de la dérision et se l'attache pour une dizaine de films.
Entre temps, sur les traces de Frankenstein, de van Helmont, de van Helsing, de Fu-Manchu, et autres joyeux carabins, il a exercé la médecine avec, hélas, plus de talent que d'enthousiasme car il abandonnera trop tôt ce sacerdoce. Il fallait voir ses pratiques l'attendant dans l'escalier de son cabinet proche du Châtelet, jonchées sur les marches graisseuses, dans un mélange patient d'espoir et de vénération.
Sans nul doute, cette expérience vécue du scalpel et des souffrances de la chair lui a laissé le goût du Grand Guignol qu'il satisfait en s'égarant dans l'édition où il dirige un temps, toujours au Fleuve Noir, la collection "Gore". Elle s'en trouve ennoblie de quelques textes insupportables et surtout d'exquises illustrations de Roland Topor, qui en font pour quelques volumes un objet de collection.
Mais sans doute soucieux de rédemption culturelle, il a aussi publié chez Laffont, dans la collection "Ailleurs et demain", Tunnel (2), et chez Denoël, dans la collection "Présence du Futur", Mémo, qui obtint le Grand Prix de l'Imaginaire. Pire encore, dès 1960, sous couvert de Science-Fiction et sans que personne ne s'en aperçoive aussitôt, il touche à l'heroic fantasy avec Aux armes d'Ortog, sacrifiant par là à la honteuse hérésie qui voudrait que les deux genres soient cousins. Cet homme ne respecte rien. Tout récemment, il a profané le roman policier qu'il avait jusque-là relativement épargné, en publiant dans la collection "Sueurs froides" (3) On a tiré sur le cercueil.
On a évoqué ses forfaits dans le cinéma en négligeant de rappeler que le Seuil du vide fut porté à l'écran en 1970 par Jean-François Davy. Que dira-t-on de ses interventions à la télévision où il a collaboré à l'émission de mode et d'avant-garde Dim Dam Dom, en compagnie d'un des créateurs de la bande dessinée moderne, Jean-Claude Forest, poursuivi comme on sait par la censure néo-gaullienne pour Barbarella, pour lequel il a écrit le poème accompagnant les aventures de Marie-Mathématique, poème chanté par Serge Gainsbourg ; sinon que c'est tout dire (4) ?
Je dois ajouter qu'on le voit très régulièrement, inchangé, tel qu'en lui-même l'éternité le conserve, depuis près de quarante ans, au fameux “Déjeuner du Lundi” qui se tient dans les parages de la place Saint-Sulpice, lippant une grappa en la compagnie amicale de Philippe Curval, de Jacques Sternberg, du signataire de ces lignes et d'autres retours de galère, parfumés au fagot.
J'ai parlé de lui comme d'un diable d'homme, formule un peu faible, on en conviendra, après ce que je viens d'énumérer dans le désordre qui sied, et qui laisse dans l'ombre, par oubli ou pieuse négligence, d'autres exploits. Peut-être l'expression d'homme du diable lui conviendrait-elle mieux, bien qu'il professe le plus strict agnosticisme et, rationaliste dans l'âme, abhorre tout soupçon de croyance. C'est qu'il a bu le lait noir à la mamelle d'Ambrose Bierce et qu'il estime avec ce saint homme que la vie est une série de mauvaises surprises invariablement conclue par un accident fatal. Presque tous ses romans, même ceux réputés de Science-Fiction, penchent du côté du Fantastique, de l'œuvre sournoise de forces maléfiques et incompréhensibles, ombrées par la mort.
Et lorsque, comme dans le Disque rayé, on semble devoir échapper éternellement à celle-ci, rassurez-vous, la conclusion n'est pas plus heureuse.
Préface de Gérard Klein pour l'édition parue au Livre de Poche
Matt fut remis entre les mains d'une équipe médicale où les rares psychiatres faisaient un peu figure d'occultistes, et les cliniciens des autres branches un peu figure d'alchimistes. Les gens sérieux de l'équipe étaient un mélange de psychosomaticiens et de biologistes
Assis sur un rocher dur et humide, il contemplait les monstrueueses structures qui se découpaient à contre-jour, sur le couchant. Il recevait en pleine face un vent qui lui piquait les yeux, et l'obligeait parfois à assurer son équilibre.
Rien de tout cela ne pouvait être vrai, et pourtant, cela était. Ou bien il voguait, immobile, dans un cauchemar. Le cauchemar de qui ? Le sien, celui d'un homme qui s'appelait Matt Wood et devait dormir quelque part dans un endroit à la mesure de l'humain. Rien, ici, ne rappelait quoi que ce fût. Rappeler ? Qu'était-ce que se souvenir ?
- J'ai tout dit, fit-il, hargneux.
- Non, dit l'homme. Tu ne nous a pas dit d'où tu venais, ni ce qui t'autorisait à foutre la pagaille.
Matt pensa que ses discours étaient terminés. Il s'assit, finit sa bière, et dit :
- Je ne viens de nulle part, et si j'en crois ce que j'ai vu, je ne suis nulle part. Je ne fous donc la pagaille nulle part.
Comme il l'avait fait déjà sur le monde précédent ,Matt utilisa le seul outil qu'il eût en sa possession:la ceinture de son pantalon.