Dans
D'or et de jungle,
Jean-Christophe Rufin nous raconte la préparation d'un coup d'état au Brunei commandité par les rois de l'informatique, les fameux GAFAM. Ces sociétés brassent des budgets qui dépassent ceux de beaucoup d'états, et sont opposées à toute forme de régulation qui limite leur pouvoir. D'où l'idée d'avoir leur propre état où elles auraient le champ libre. Et comme il est difficile de créer un nouvel état, il faut cibler un état existant et s'emparer des commandes, c'est l'objet de la mission confiée à Ronald et Flora.
Ce roman ne me parait pas se dérouler dans un monde imaginaire, on est assez près du réel. JC Rufin fait plusieurs fois référence à une tentative de coup d'état en Guinée Équatoriale, menée par une poignée de mercenaires et commanditée par Mark
Thatcher, le fils de la redoutable dame de fer. le but n'était pas le même puisqu'il s'agissait de mettre la main sur le pétrole, mais ce n'est pas fondamentalement différent. On pourrait parler de
Bob Denard également, qui a participé les armes à la main à plusieurs coups d'état. Même si la plupart des putschs sont le fait d'une armée, les exemples réels d'une petite troupe de combattants aguerris renversant le pouvoir en place ne manquent pas.
Ce qui est intéressant c'est l'utilisation des outils numériques pour renverser un gouvernement, mais là encore on dépasse à peine la réalité. On sait que les réseaux sociaux sont utilisés pour manipuler l'opinion et propager de fausses nouvelles (voir l'exemple de Cambridge Analytica). Dans ce monde où la vérité n'a aucune importance, et où personne n'est tenu de justifier ses sources, les plus écoutés sont ceux qui gueulent le plus fort. A ce sujet il faut lire "Les ingénieurs du chaos", l'excellent livre de Giuliano da Empoli qui nous décrit les mécanismes de manipulation à l'aide d'exemples réels (Italie, USA, Hongrie). On peut aussi parler de la propagande russe à propos de l'Ukraine, où l'on voit un pays partir en guerre parce que son dirigeant a manipulé l'opinion publique pour lui expliquer que la patrie était en danger.
Finalement le roman de JC Rufin n'est pas exagéré, puisqu'il existe de nombreux exemples de manipulation et de coups d'état orchestrés par une poignée d'individus. Ce qui est nouveau c'est que ce sont des entreprises qui tirent les ficelles, et qu'elles sont numériques, pas pétrolières.