Des paroles prononcées sous l'emprise de la peur n'avaient pas la même valeur que celles que dictait l'insupportable souffrance infligée par les bourreaux. C'est que la peur, dans cette conception, est encore une manifestation de la volonté humaine. En tant que telle, elle laisse place au mal, qui est, paraît-il, le propre de l'homme... Tandis que la douleur fait parler en l'homme sa part divine, cette âme qui, mise à nu, ne peut que révéler sans artifice sa noirceur ou sa pureté.
Je peux mourir, car j'ai vécu. Et, j'ai connu la liberté.
C'est une grande douleur de tout perdre et d'être condamné, mais c'est une immense leçon d'être jugé et j'oserai dire que c'est presque un privilège. Quiconque n'a pas vécu l'épreuve de la disgrâce, du dénuement et de l'accusation ne peut prétendre connaître véritablement la vie.
Fuir cette folie! Ne plus être enchaîné au sort de ce pays ravagé par ses délires. La chevalerie et air sortie du cadre ancestral qui lui avait assigné jadis un rôle sage, en parts égales avec le laboureur et le prêtre. Désormais la force n'avait plus ni limite ni raison.
De toutes les industries de l'être humain, la navigation me parut la plus audacieuse. Chevaucher les flots, livrer son sort à l'errance du vent et aux turbulences des eaux, partir en direction de rien avec l'espoir, sinon la certitude, d'y rencontrer quelque chose, ces activités de marin me semblaient être le fruit de rêves plus fous encore que les miens.
Quand nous rentrions d'une visite au palais durant laquelle mon père avait été rudement traité, j'étais fier de lui. Je lui prenais la main pendant que nous marchions jusqu'à la maison. Il tremblait et, aujourd'hui, je sais que c'était d'humiliation et de rage. Cependant, à mes yeux, la patience dont il avait fait preuve était la seule forme de bravoure qui nous était réservée, puisqu'il ne nous serait jamais donné de porter les armes nobles.
L'argent est du songe pur. Le contempler, c'est faire défiler devant soi l'interminable procession des choses de ce monde.
En somme, j'avais idée que les moyens déshonnêtes étaient des expédients auxquels seuls les pauvres ou les gagne-petit avaient recours. Voilà que Ravand me révélait un autre monde : on pouvait traiter de grandes affaires, fondre la monnaie d'un royaume et cependant continuer à se livrer aux misérables pratiques des filous de la plus basse extraction.
il ne manque jamais de volontaires autour des puissants pour pourvoir aux tâches médiocres et régler leurs grimaces sur les humeurs de celui qu’ils courtisent. L’enviable position de maquereau du roi était disponible depuis que Charles d’Anjou ne l’occupait plus. Ils furent plusieurs de moindre illustration et de goûts plus grossiers à prêter leur énergie pour remplir cette fonction.
Ma vie vécue fut tout entière effort et contraintes, combats et conquêtes. Ma vie revécue pour en faire le récit a repris la légèreté des rêves.
De créature, je suis devenu créateur.