Je suis un des leurs

Coup de coeur.

Lorsqu'il perd sa grand-mère , Raùl Pontes découvre une sinistre vérité. Sa famille lui ment depuis des années , lui faisant croire que son grand-père est décédé depuis de nombreuses années. Il va alors partir à la rencontre de ce mystérieux grand-père et chercher à comprendre la raison de ce mensonge. Il ne sait pas encore que ce qu'il va découvrir va changer sa vie et l'entraîner là où il n'aurait jamais pensé aller.

Que dire de ce livre si ce n'est que c'est un gros coup de coeur pour moi. Ce livre a tout ce qu'il faut pour vous entraîner avec lui dans une palpitante histoire , riche en émotions .

Il y a quelques mois j'ai découvert la plume de David Ruiz Martin et déjà j'avais été séduite par la richesse de son écriture et de l'univers qu'il dépeint. Et "Je suis l'un de leurs " ne déroge pas à cela , il est incroyablement riche et vibrant d'une saveur particulière.

Lorsque l'on découvre Raùl , on découvre un homme qui semble un peu perdu, sa vie semble lui échapper. Il n'est clairement pas heureux et souffre d'un manque qu'il n'arrive pas vraiment à nommer.

Lorsque sa grand-mère meurt ,il découvre que son grand-père qu'il croyait mort est en fait bien en vie.
Il va donc partir à sa recherche et on peut dire que la rencontre entre les deux va être mémorable.
Raùl va devoir apprivoiser Horatio , ce grand père assez bourru.

Cette rencontre va le pousser à partir en Espagne, là où se trouve les racines de sa famille. Et cela va changer sa vie.
Il va découvrir un pays à la fois étranger et familier.
En y passant du temps il va découvrir à quel point ce pays est riche d'une saveur particulière . En y évoluant il va retrouver ce goût de la vie qui lui manquait tant.

Cette quête qui va l'entraîner sur la terre de ses ancêtres lui est plus que nécessaire . Il a fortement besoin de savoir d'où il vient pour pouvoir devenir la personne qu'il souhaite être ou qu'il a besoin d'être.

En allant en Espagne il va découvrir l'histoire de sa famille , une histoire forte , pleine de souffrance et de non-dits.
Je ne peux vous dévoiler leur histoire mais je peux vous dire que vous ne pourrez qu'être touché par ce que vous allez découvrir.

L'auteur, David Ruiz Martin, va nous entraîner dans les heures sombres de l'Espagne, la guerre civile.
Il nous y plonge d'une façon assez étonnante et rudement efficace.
On a l'impression de faire un bond dans le passé , un bond vers l'horreur et l'indicible.

J'avoue volontiers que grâce à ce livre j'ai appris beaucoup de choses sur la guerre d'Espagne que je ne connaissais pas.
Dans les cours d'histoire ( du moins ceux que j'ai suivi à l'époque de ma scolarité) on ne parlait que peu de cette guerre. En effet on se focalisait beaucoup plus sur la seconde guerre mondiale. Grâce à ce livre j'ai compris à quel point parler de l'une sans parler de l'autre est une hérésie tant elles sont liées.

Je trouve que la partie historique de ce roman est particulièrement passionnante et riche de détails. L'auteur s'est visiblement beaucoup renseigné sur cette époque et a su retranscrire grâce à ses mots toute la souffrance qui découle de cette période.

Les espagnols portent en eux la trace de cette période . Aujourd'hui encore certaines plaies sont toujours grandes ouvertes.
Et d'ailleurs l'actualité en est l'écho.
Mais je vous laisse le découvrir par vous-mêmes.

On dit souvent que l'Espagne est un le pays vibrant, foisonnant d'énergie et d'émotions et je peux dire que ce livre en est la preuve.
Il déborde de sentiments , d'émotions ( parfois tendres parfois violentes), d'une énergie étonnante, d'une passion dévorante mais surtout il déborde de vie .

Je pourrais vous parler de ce livre pendant des heures , je pourrais vous dire que j'ai eu un coup de coeur pour de charmants garçons espagnols répondant au nom de Tobias et Félix ,vous dire que Horatio et Vidal ont su me séduire malgré leur côté bourru , que Belinda et Luzia ont un charme fou , je pourrais aussi vous dire qu'une simple rencontre peut tout changer .
Mais je pense que c'est à vous de découvrir cela , à vous de partir à la rencontres de ces personnages tous plus passionnants que les autres. Et qui sait, peut être aurez vous quelques surprises ?

Comme vous l'aurez compris je vous conseille vivement ce roman qui a su me séduire et m'entraîner avec lui dans un voyage fascinant.

On ne peut pas rester indifférent.
La tragédie de la guerre civile espagnole, on en a entendu parler. Nous avons tous vu le tableau de Picasso en témoignage du bombardement de Guernica. Beaucoup ont lu Malraux, parti avec les brigades internationales chercher gloire et panache, peut être donner son sang. Pourtant, en ce qui me concerne, je n'avais pas compris. Je n'avais pas réalisé ce qu'il s'était vraiment passé à quelques pas de chez nous. Et puis la guerre avec les allemands, l'occupation, la shoah, tout cela a fini par faire oublier la guerre civile espagnole. Elle reste écrite dans nos livres d'histoire, évoquée plutôt. On sait qu'elle a existé. le livre de David Ruiz Martin ouvre une brèche dans ce petit socle de connaissances ou de mémoire que nous avions. le corps de son livre, l'un des principaux fils conducteurs, c'est le journal écrit par Horacio, qui témoigne au fil des jours, avec des mots du quotidien, volontairement trop simples et trop directs, de cette errance des hommes pour résister, souvent fuir les troupes de Franco et leurs supplétifs.
«10 octobre. Je suis enfin arrivé à Tolède. Epuisé et affamé, mais en vie. J'ai tué deux autres hommes durant mon trajet. C'était eux ou moi. »
Comment dire plus simplement l'atrocité de cette guerre ? Ce journal est écrit au présent. Parce que c'est un journal presque quotidiennement complété, pour laisser une trace au cas où ce serait le dernier jour. Ce temps présent d'alors rejoint le temps d'aujourd'hui. Celui de Raùl, le narrateur. Les présents se mélangent. Ce que décrit le journal est encore là de nos jours, accroché dans la mémoire du peuple espagnol, dans son âme fière aussi.
D'autres présents se croisent. L'histoire d'amour d'Horacio avec Belinda, cette idylle fugace née dans la guerre et disparue avec elle et qui depuis illumine le coeur d'Horacio. Elle a son reflet dans l'histoire d'amour que vit Raùl son petit-fils avec la petite fille de Belinda. Les fils se croisent et s'entrelacent.
Vidal, le frère d'Horacio, lui aussi a vécu la guerre civile. Il n'était pas combattant lui, mais ne pardonne pas à Horacio d'avoir quitté les siens. Il le rend responsable de la mort de leurs parents. le lien avec son frère semble définitivement rompu. Il y a entre eux un fossé comme il y a eu un fossé en Espagne entre républicains et franquistes, même si pour cette fois les deux n'étaient pas chacun dans le camp opposé. Mais pour eux comme pour les espagnols, il faudra bien se rejoindre. La lecture au fil du roman de ce journal écrit par son frère ne pouvait pas le laisser indifférent. Il ne pouvait plus fermer son coeur et rester bloqué sur le passé. Comme le peuple espagnol. Là aussi les fils se croisent.
Madrid est un autre personnage omniprésent dans ce roman. Raùl apprend à la connaitre et à l'aimer comme il redécouvre comme une merveille cette langue espagnole que sa famille française s'était efforcée de lui faire oublier. La mémoire lui revient comme nous reviennent les souvenirs de ce qu'on nous a raconté de cette guerre. Raùl découvre la générosité de cette famille espagnole qui lui est révélée tout à coup, la force des sentiments qu'ils montrent. Il parvient à nous faire ressentir son amour pour cette ville et pour ses gens, croisés au fil des rencontres faites dans ses escapades nocturnes.
Alors, comme dans tous les livres, il y a bien sûr des faiblesses dans ce roman, de petites choses qui dérangent, parfois des images trop recherchées. Mais l'auteur à l'évidence a travaillé son texte. le vocabulaire est riche et généreux et d'une simplicité parfaite lorsqu'il s'applique au journal d'Horacio. L'intrigue est parfois enrichie de façon un peu arbitraire et forcée quand ce n'était après tout pas vraiment nécessaire, mais cela me semble compter peu. Ce récit nous fait revivre avec force une histoire douloureuse, nous montre comme elle demeure dans le coeur des espagnols. Elle fait partie d'eux-mêmes. Elle les imprègne encore mais n'empêche pas ce peuple de s'être retrouvé, à l'image d'Horacio et de Vidal, d'Horacio et de Belinda, comme à présent de Raùl et de Luzia.
Beaucoup d'aspect de ce livre vous marqueront sans doute possible. Vous pouvez le lire sans crainte. Vous ressentirez de l'empathie pour ces personnages qui acceptent peu à peu d'ouvrir leur mémoire et leur coeur pour enfin pouvoir se réconcilier, non pas en oubliant, mais en construisant sur leurs souvenirs.